Dans « La principauté postale des Bouches-du-Rhône », un facteur anarchiste risque la révocation pour ne pas avoir suivi à la lettre les ordres de la direction.

« Avant on était dans la théorie, maintenant plus personne n’est dupe ! » Ainsi s’exprime Serge Reynaud, postier syndicaliste à Marseille, dans « La principauté postale des bouches du Rhône » comme on l’appelle en haut lieu.
La preuve en fut donnée en mai dernier avec une grève dure sur Marseille pour contrer un nouveau projet de la Poste nommé « Facteur d’avenir ». Pour Serge Reynaud, facteur d’avenir, c’est la disparition du facteur, « Aujourd’hui un facteur connaît son quartier mais cela n’existera plus » La poste préfère miser sur le développement européen ou sur l’exposition de ses athlètes comme Yohann Dinitz qui « marche » à fond ou Bob Tahri, agent au courrier qui se défonce au Steeple.

Déjà à Nantes en 2006, les postiers avaient protesté. Facteur d’avenir prévoit en effet de scinder en entités plus réduites la distribution du courrier, en imposant aux facteurs que tout soit distribué quelle que soit la charge de travail, et que celui des absents soit assuré par les présents six jours sur sept. « Désormais les cadences sont augmentées, le temps de distribution aussi et pendant ce temps là, des sociétés privées s’attaquent à la distribution, comme Adrexo qui s’occupait avant de la publicité »
Serge Reynaud peut paraître vieux jeu avec son guichet à la papa et son appartenance à la CNT, à l’heure où dans toutes les postes, on installe des portiques vendant des DVD de Oui-Oui, mais à Marseille ces innovations ne sont pas encore arrivées. .« Ils vendront bientôt des billets de train » plaisante-il à moitié. Les « enseignes » ces signes de ralliement au capital remplacent les guichets,
Ce postier a pris ses responsabilités comme il les avait pris en embarquant il y a quelques années à bord d’un bateau pour l’Algérie dénonçant les expulsions de se ressortissants. Un Saint-Exupéry de la navale ?« J’ai gagné le concours du militant le mieux caché » raconte-il alors qu’il s’était dissimulé dans le local de la lance à incendie.

En 2008 la Poste a mis le paquet pour contrer la grève, « présence d’huissiers tous les jours, remplacement par des intérimaires non pas dans des centres parallèles mais dans les centres de tri. » La Poste toujours plus avide de courrier, a même produit un tract par jour et de ce tonneau : « Les syndicats vous mentent » Elle a parlé « d’intérimaires formés et assermentés. » Une énormité selon le facteur très à cheval sur les règles.

Serge risque la révocation parce qu’avec une centaine d’autres postiers, ils auraient sorti du rail la porte de da direction départementale en allant demander audience à une direction qui ne souhaitait rencontrer que la CGT. En outre il lui est reproché lors de la grève de mai, « avec préavis de Sud Poste et reconductible » d’avoir pris la parole devant ses camarades. Son chef d’établissement, un cadre d’un nouveau genre, lui a enjoint de se taire ce qu’il n’a pas fait : résultat ; refus d’obéissance.
« Les gens du quartier ont écrit des lettres à la direction.Mais la révocation c’est grave ; c’est arrivé pour les 14 de Bègles la dernière fois » Ceux-là avaient eu droit au GIGN venu coller autre chose que des timbres… Serge Reynaud est un facteur apprécié dans son quartier, un de ceux que la Poste appelle « Le Personnage du facteur.» Il rappelle que la révocation concerne généralement des cas graves « ceux qui piquent dans la caisse ou qui commettent des faits extra postaux. » On pardonne plus facilement si c’est le concurrent qui fait les frais d’un braquage « extra postal. »

Dominique Reinosa , habitante du quartier écrit : « en tant qu’usager du service public de la Poste auquel je suis très attaché (je connais sa valeur par apport à d’autres pays) » et évoque chez Serge Reynaud « son amour du travail bien fait » et parle de « mon facteur .» L’équipe de santé à qui il apporte son courrier apprend « avec stupéfaction » les sanctions qui pèsent sur cet employé « qui a proposé de mettre le courrier de côté jusqu’à notre retour » Ils ajoutent ce qui n’est pas sans piment pour ce libertaire que leur facteur « est une véritable plus value pour les services publics. » Voilà qui devrait satisfaire les ambitions commerciales de la Poste. Il y a aussi la lettre d’Armelle Chevassu, candidate 100% à gauche aux municipales, qui est entièrement satisfaite de « notre facteur. »
Facteur d’avenir convient peu aux usagers de la Poste, attachés à « leur facteur » dont la direction semble vouloir faire une icône en le faisant disparaître par la porte arrière.
Jean Paul Bailly, le président de cette institution plébiscitée par les Français a demandé l’ouverture du Capital le 28 août. En attendant le bureau de la Plaine à Marseille, inondé depuis mars, est désormais, fermé. « Le bureau de Libération est régulièrement fermé parce que les agents sont envoyés remplacer les absents des autres bureaux » La raison en est simple : la Poste a supprimé les agents remplaçants, les EAR, « comme dans l’éducation nationale » ajoute Serge.

Le 27 septembre, un collectif départemental s’est créé contre la privatisation et soutient Serge en premier chef. SUD dénonce quant à lui le « trop plein d’usagers » à la poste Saint Louis : Une heure et quart d’attente le 6 octobre ! Et 170 personnes attendant d’être servi. Évidemment s’il manque Serge, ça ne devrait pas s’arranger.

La direction demande sa mise à pied deux ans, sans traitement : Serge, peu confiant dans la justice, attend : il sera fixé dans quelques jours…

Christophe Goby.