En juin 2008, nous, collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes, avons appris par voie de presse qu’une plainte avait été déposée contre nous par le Ministère de l’Intérieur suite à la diffusion de 3 tracts et de 2 affiches. Ces écrits accompagnaient deux rassemblements contre la Police aux Frontières (PAF) le 2 avril 2008 [voir plus bas pour le contexte de cette mobilisation]. Une bonne dizaine d’arguments utilisés et d’expressions employées ont été isolées pour nous accuser de propos diffamants et injurieux à l’encontre de la PAF.

Durant l’enquête préliminaire de la police judiciaire, diligentée par le Procureur de la République, 8 personnes ont été auditionnées, dont 3 seulement avaient effectivement participé aux rassemblements du 2 avril. Plus grave : en dépit de nos exigences et de notre présentation collective au commissariat, la police a refusé d’interroger la cinquantaine de personnes qui avaient participé à ces rassemblements. Elle a plutôt tenté de faire dénoncer quelques personnes parmi les autres afin d’individualiser les poursuites.

En juin et juillet, suite à un premier appel à solidarité et à mobilisation, le fond et la forme de cette enquête préliminaire avaient suscité bien des réactions (individus, associations, avocat-e-s, élu-e-s, syndicats, partis…). En particulier, les pressions policières subies par la Maison Internationale de Rennes (MIR) – association indépendante qui héberge nos assemblées générales hebdomadaires – pour l’obliger à livrer les noms des « animateurs » du collectif avaient beaucoup choqué. Le point d’orgue de ces réactions fut un rassemblement de 500 personnes le 28 juin place de la mairie à Rennes pour défendre la liberté d’expression et d’association.

Depuis fin juillet, nous savons que le Procureur de la République a choisi de faire comparaître quelques membres de notre collectif le vendredi 19 septembre 2008 devant le Tribunal correctionnel de Rennes. Les personnes, choisies arbitrairement, sont poursuivies sur la base de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

C’est pourquoi nous souhaitons lancer un nouvel appel à solidarité et à mobilisation car nous pensons que, au-delà de la mise en cause du collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes, c’est une certaine forme de liberté d’expression et d’opinion qui est en jeu si nous sommes condamné-e-s.

MANIFESTATION DE SOLIDARITÉ

SAMEDI 13 SEPTEMBRE A 15 HEURES, PLACE DE LA MAIRIE A RENNES

RASSEMBLEMENT DE SOUTIEN AU TRIBUNAL CORRECTIONNEL

VENDREDI 19 SEPTEMBRE A 13 HEURES, DEVANT LA CITÉ JUDICIAIRE DE RENNES

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Depuis sa naissance en 2002, le collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes a été souvent sollicité par des personnes étrangères dénonçant les pratiques de la Police aux Frontières (PAF), ce service particulier de la police chargé de lutter contre l’immigration dite irrégulière. Ainsi, à de multiples reprises, de manière médiatisée ou non, notre collectif a jugé important de dénoncer les modes d’arrestations d’étranger-e-s à domicile, les interpellations devant les écoles des parents sans-papiers, le menottage systématique des étranger-e-s interpellé-e-s, les arrestations d’étranger-e-s aux guichets des préfectures ou devant les locaux associatifs, l’irruption de policiers dans les procédures de mariages mixtes… Les tracts et les affiches visés par la plainte dénonçaient à nouveau ces pratiques, comme le font des centaines d’organisations et de collectifs sur tout le territoire français.

Mais, plus récemment et de manière croissante, le collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes a été sollicité par des personnes étrangères, de nationalités diverses, se déclarant victimes de contrôles d’identité fondés sur la couleur de peau ou sur la langue utilisée, en particulier dans les gares ou le métro. Ces contrôles ont aussi été rapportés par des témoins. Dans la quasi-totalité des cas, les personnes contrôlées sont considérées – dans notre société – comme des personnes « arabes » ou « noires ». Nous pensons notamment à 7 élèves d’un lycée rennais revenant d’une sortie scolaire qui, le même jour en mars 2008, ont subi ces contrôles que beaucoup nomment « au faciès ». Ces contrôles d’élèves – qui ont débouché sur une interpellation et une tentative préfectorale d’éloignement du territoire français – ont constitué une goutte d’eau de trop dans l’océan des contrôles d’identité qui nous semblent échapper à la logique d’un Etat de Droit. C’est pourquoi notre collectif a décidé d’organiser, le 2 avril 2008, une nouvelle action de dénonciation publique des pratiques de la PAF. Cette action a été annoncée et rendue visible par les 3 tracts et les 2 affiches qui sont visés par la plainte. Nous tenons à souligner que ces tracts et affiches, conformément aux principes de fonctionnement de notre collectif, ont été élaborés et validés collectivement en assemblée générale.

Le ton humoristique ou ironique et l’ambiguïté de certaines formulations, relativement habituels dans l’histoire de notre collectif, semblent être au cœur des poursuites dont nous faisons l’objet. Tout en réaffirmant avec force que notre collectif n’entend pas – comme toujours depuis 2002 – pointer du doigt les individus travaillant à la PAF mais les pratiques et l’existence même de ce « corps constitué de l’Etat », nous craignons que les formes de notre liberté d’expression et d’opinion contre les politiques d’immigration française soient le principal objet des poursuites du ministère de l’Intérieur. Et nous déplorons que ces formes de liberté soient davantage combattues, par le pouvoir actuel, que les effets de la « dérive sécuritaire » qui structure les pratiques policières, à l’encontre notamment des personnes considérées comme étrangères.

Collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes

Assemblée générale ouverte à toutes et tous chaque mardi à 18 hs 30 à la MIR, 7 quai Chateaubriand