Diminuer le nombre de Rmistes : mieux que le RSA, en Dordogne la gauche expérimente la radiation !
jeudi 21 août 2008
par collectif rto

Jean Marc fait partie de ces Rmistes dont on ne parle jamais.

Dans les médias, le RMiste est un personnage folklorique, un archétype aux caractéristiques bien définies, avec deux variantes invariables, indistinctement utilisées par la gauche et par la droite, par Libération et par le Figaro.

Il y a le bon Rmiste : le bon Rmiste joue dans les films publicitaires destinés à promouvoir la valeur travail.

Le bon Rmiste est malheureux, non pas à cause de son revenu misérable, non pas parce que lui et ses gosses n’en peuvent plus des pates et des gateaux pas cher bourrés de crème saturée en graisses cancérigènes pour se remplir le bide, mais parce qu’il se les paye avec l »assistance « . le bon Rmiste est toujours présenté dans le cadre d’un scénario hollywoodien avec une fin heureuse. Grace au RSA, ou au RMA, ou aux contrats aidés, le bon Rmiste après des années de honte a enfin trouvé un boulot au Smic à temps partiel. Bien évidemment avec le salaire qui correspond, le film ne le montre pas en train de rédécouvrir les joies des produits frais ou des sablés bios à la farine d’épeautre et au cacao pur. Généralement, on le voit plutôt marcher d’un pas alerte vers son nouvel emploi sous payé , tout content de payer ses pâtes avec de l’argent durement gagné, qui leur donnera le gout incomparable de la sueur honnêtement secrétée.

Et puis, il y a le mauvais Rmiste : par un artifice que seules les bonnes fictions permettent, avec le même revenu que le bon, le mauvais Rmiste mange bien, profite des avantages de la société de consommation, et notamment d’une télé dernier cri dont le son résonne jusqu’à deux heures du matin, rien que pour énerver les honnêtes travailleurs qui ratent le troisième épisode de « FBI portés disparus  » parce qu’ils se lèvent le lendemain à cinq heures.

Le mauvais Rmiste est utilisé dans les films publicitaires destinés à promeuvoir la valeur flicage et misère bien méritée.

Il sert à faire l’apologie de toutes les mesures qui visent à détruire des droits qui peuvent servir à tout le monde : se soigner gratuitement, et être assuré d’avoir un revenu même minable si on perd son boulot.

Jean Marc, comme beaucoup ne correspond à aucun de ces deux archétypes, c’est pourquoi il ne risque pas de passer à la télé. Jean Marc avec 400 euros par mois a réussi avec d’autres à mener un projet qui justifierait pour n’importe quel chef d’entreprise glorifié par ces même médias, l’attribution de moultes subventions étatiques aux salaires, au « développement économique  » et l’attribution d’un nombre infini de droits connexes, tels que l’exonération des « charges salariales « , des réductions d’impôt, un loyer minime dans une « zone d’activité « .

Jean Marc est un des animateurs de l’association des chômeurs et précaires de Dordogne.

Depuis des années, Jean Marc anime un site internet ou chacun peut trouver des conseils pour faire valoir ses droits, mais aussi des textes sur le mouvement ouvrier, des interwiews de travailleurs sociaux, de l’information sur l’actualité sociale. Son collectif est un lieu de rencontres pour les précaires, de permanences juridiques et pratiques, physiques et téléphoniques.

Tout ça avec 400 euros par mois, quand n’importe quelle association d’insertion chiffre à plusieurs dizaines de milliers d’euros , salaires et loyer non compris, la somme nécessaire à n’importe quel projet d’accueil des « publics défavorisés « , qu’il s’agisse de « stages de remotivation » ou de la publication d’une énième brochure se contentant de reprendre le site internet de la CAF ou du Conseil Général.

Si Jean Marc avait monté une association de ce type et s’était contenté d’accompagner la politique du Président de Conseil Général de Dordogne ( de gauche ), Jean Marc ne serait sûrement pas suspendu de RMI depuis le début du mois d’aout. Probablement d’ailleurs ne serait-il plus au RMI, mais salarié et nul n’irait taxer d’assistance les subventions qu’il recevrait pour gérer la misère au quotidien. Très probablement, jouirait-il de la considération de ce même Président de Conseil Général qui l’inviterait aux apéros de l’insertion divers et variés comme représentant de ces valeureux associatifs entièrement dévoués à « la lutte contre l’exclusion « .

Seulement, l’association des chômeurs et précaires de Dordogne n’est pas une annexe semi publique du Conseil Général, mais un collectif de précaires.

Jean Marc comme le Président du Conseil général défend pratiquement une vision de la société , de la solidarité, des causes et des conséquences de l’exclusion. Bien évidemment, il s’agit de visions opposées, le premier défend jalousement les cordons de la bourse, le second cherche à les desserrer et à faire que le pactole ne tombe pas dans les poches de quelques uns mais permette à chacun de vivre correctement.

Monsieur le Président du Conseil Général est payé lui aussi avec les impôts de ses concitoyens pour défendre sa vision des choses.

Beaucoup plus cher que Jean Marc.

Certes Jean Marc n’a pas été « élu « . Mais pour se faire élire, le président du Conseil général a droit à des subventions publiques pour imprimer ses tracts et ses affiches, se payer une permanence électorale.

Et aussi à l’existence médiatique, comme « homme politique « . Comme on l’a vu plus haut, Jean Marc lui n’a aucune place dans la sphère médiatique, et ses concitoyens se doivent d’ignorer l’existence de cette sorte là d’ »homo politicus  » au RMI, chacun à sa place et dans son rôle.

Pendant longtemps, l’existence des Jean Marc et consorts, des collectifs et associations de chômeurs et précaires a été tolérée par ceux qui tiennent les cordons de la bourse. Tant que l’objectif était de maintenir tranquille la partie de la population condamnée à vivre avec la moitié du seuil de pauvreté légale, le fait que certains s’organisent collectivement et solidairement était finalement un moindre mal. Certes, il était assez fâcheux de voir des gens revendiquer collectivement des conditions de vie décentes, et arracher de force quelques miettes supplémentaires, éviter la mise à la rue, la coupure EDF, ou la radiation. Mais d’un autre côté, la gauche notamment trouvait un avantage certain à distribuer ces quelques miettes, et un local par ci, une subvention par là et une prime de Noel en sus aux pauvres bougres pour lesquels on montrait ainsi sa considération.

Mais aujourd’hui, s’il s’agit toujours de maintenir une partie grandissante de la population dans la misère et la soumission, l’objectif est que ça coute beaucoup moins cher voire que ça rapporte gros. Il s’agit non plus de condamner les chômeurs à un revenu de pacotille, mais de d’obtenir des salariés pour le même prix, voire moins.

Tout doit donc disparaitre, et en premier lieu, ces collectifs, ces individus, qui se battent contre la précarisation généralisée.

Alors, le local de l’APCD lui a été retiré, et son site internet déconnecté par le Conseil Général sur un prétexte significatif : l’APCD avait mis en lien un article de notre site dénonçant les contrôles de la CAF et donnant quelques recettes pour y faire face.

Alors Jean Marc est suspendu de RMI, comme tous ceux qui n’ont pas pu ou pas voulu aller prendre le premier emploi de merde venu, inutile ou nuisible. Comme tous ceux qui refusent d’être des petits rouages bien huilés, mais font grincer les dents de la machine, avec leur insupportable prétention à avoir des projets de vie autonomes, à oser mettre en pratique leur conception de l’intérêt général.

Avant de prendre sa décision, Monsieur le Président socialiste aurait du emmener comme lecture de vacances les textes de l’APCD plutôt que le dernier bouquin de Royal ou de Delanoe sur le social libéralisme, ou le libéral socialisme.

Il aurait ainsi eu quelques doutes sur la stratégie du « Bosses ou crèves « , du  » Bouffes ou réfléchis « .

Si l’existence de Jean Marc et des collectifs de précaires montre qu’il est possible de résister et de créer avec trois francs six sous, toute celle du mouvement ouvrier montre que c’est aussi possible avec beaucoup moins , et qu’un estomac vide n’est pas forcément moins en colère.

Monsieur Bernard Cazeau aurait d’autant plus besoin de réaliser cet aspect des choses qu’il est aussi président de la commission « Politiques sociales et familiales de l’Assemblée des Départements de France « .

Etre solidaires de Jean Marc et le faire savoir est donc une nécessité pour tous les Rmistes, dans la mesure ou le Président du Conseil Général de Dordogne est aussi chargé de conseiller ses pairs sur le sort qu’il convient de nous réserver….

Pour aller plus loin,l’article de l’APCD :

http://www.apcd24.fr/apcdsite/suspension_rmi.htm

http://www.collectif-rto.org/spip.php?article671