On a eu un été pourri, et dernièrement un printemps bas du ciel et de flotte à pleins seaux.
(C’est bien simple, même les abeilles ne veulent plus se reproduire.
Elles attendent que ça s’arrête de tomber.)
On n’aura pas beaucoup de miel cette année.
Quant au sport, n’en parlons pas.

On est maudit.

L’équipe de France de rugby avait, pendant la campagne, ouvertement soutenu Sarkozy.

C’était juste avant de jouer la Coupe du Monde à la maison.

(Une occase en or de la gagner.)

ça n’a pas fait un pli.

Elle a pris un râteau.

L’équipe de France de foot avait elle aussi bien aimé Nicolas.

Depuis, on ne la reconnait plus.

Elle subit des raclées systématiquement.

La chance l’a quittée.

Même les plus à l’abri ne sont pas épargnés.

Le président avait été le candidat des financiers.

La crise des subprimes est venue s’abattre sur ces malheureux comme la misère sur le pauvre monde.

Ils perdent du pognon par brassées de milliards.

Enfin PPDA avait sablé le champagne, devant tous les prolos, lorsqu’il avait appris la victoire de Sarko.

ça n’a pas trainé.

Après 24 ans de bons et loyaux services, il est viré de TF1.

Au début, on ne s’est pas vraiment rendu compte que Sarkozy portait malheur.

Tout avait l’air de parfaitement se passer, malgré l’humidité ambiante et les premières tuiles qui nous tombaient du ciel.

La gauche particulièrement, qui est de tradition rationaliste, succombe difficilement à la superstition.

Elle n’avait pas craint d’approcher le nouveau maître du pays et même, dans certains cas, de l’embrasser sur la bouche.

C’est ainsi qu’on a vu Kouchner trottiner derrière lui dans les rues de New-York, Strauss-Kahn le remercier pour toutes ses bontés, et Fadelamara se retrouver soumise au charme sans égal de notre président.

Ces stars du socialisme ont brièvement illuminé la nuit sarkozyste qui s’abattait sur la France.

L’obscurité nous apparait plus effrayante encore, maintenant qu’elles s’éteignent une à une.

Même Libération n’ose plus parler d’elles.

On attendait de Fadela, par exemple, les preuves éclatantes de son dévouement à la cause des tiéquars et des beurettes.

Bizarrement, et contre toute attente, rien n’est jamais venu.

C’était comme une malédiction.

Plus elle annonçait du pognon pour les pauvres, et moins il en arrivait.

Comme un sort qu’on aurait jeté sur elle.

Les louanges à son égard peu à peu se tarirent.

Elle va maintenant telle une ombre, environnée de silence et d’incompréhension, sur les chemins du retour au néant.

Idem pour Kouchner.

Au fur et à mesure qu’il interposait, entre un monde brutal et la Vertu menacée, le bouclier de sa belle âme, on le voyait serrer la louche aux dictateurs les plus décriés, favoriser le trafic de négrillons entre le Tchad et la France, et pour finir nous faire tellement haïr dans ces contrées déshéritées qu’il n’est même plus question d’y partir en vacances lorsqu’on est possesseur d’un passeport français.

Personne n’ose plus le défendre.

Certains, pour conjurer le mauvais sort, en rient encore, mais faiblement.

La plupart ont honte.

Kouchner ne fait plus recette.

Il n’est pas loin le temps où l’on n’en parlera plus du tout.

Un dont on ne parle déjà plus, c’est Dominique Strauss-Kahn.

Avez-vous remarqué ce phénomène étrange?

Voici un homme, un socialiste, de surcroit, un Français, dont on devrait être fier, devenu grâce à l’appui de notre président, l’un des décisionnaires du sort de la planète.

(Un mot de lui, et les citoyens exaltés d’un pays du tiers monde tombent comme des mouches, victimes de la famine.

Le cas s’est déjà vu.

C’est comme ça qu’on les punit quand ils désobéissent.)

Voici un membre du PS dont la parole est lourde conséquences.

Il (le FMI, donc) a récemment donné son diagnostic sur l’état du pays.

Il approuve les réformes actuellement engagées par le gouvernement Fillon.

Sauf qu’il trouve qu’elles ne vont pas assez vite.

A ce léger bémol près, ça reste une bonne nouvelle.

Etrangement passée sous silence par la gauche elle-même.

La malédiction qui frappe les amis de Sarkozy semble l’avoir atteint lui aussi, bien qu’un océan (il bosse aux States) le sépare des sources vives de ce sort infernal.

Ne comptons plus sur lui pour succéder un jour au président maudit.

Tout ceci est bien triste, mais le cas le plus atroce est encore celui de Bernard Thibault.

Il vient d’un bord qu’on ne saurait soupçonner d’accointances sérieuses avec la bourgeoisie.

(Bien qu’il partage avec elle un souci de l’ordre qui les ont maintes fois rapprochés.)

C’était un opposant farouche au candidat des forces de l’argent.

Mais comment résister aux caresses adroites d’un prince si charmant?

Thibault a succombé.

A l’instant même où Nicolas lui proposa de partager sa vie à la tête de l’Etat (enfin, pas toute sa vie, juste la gestion des ressources humaines).

Et de renoncer pour toujours aux odieuses rivales de la CGT que sont FO et de la CFTC (par la loi sur la représentativité et le financement des syndicats).

Thibault n’a pas su résister à de telles promesses.

Le prince ne réclamait en dot à la promise qu’un peu de droit de grève (avec le service minimum), un soupçon de retraites (avec la 41ème annuité), et une pincée de 35 heures (avec le dépassement du contingent d’heures supplémentaires).

Toutes choses que Bernard lui céda d’enthousiasme, jusqu’au moment où il s’aperçut que l’enjôleur (déjà pacsé avec François, de la CFDT) n’entendait en rien lui demeurer fidèle (accords dérogatoires valables avec l’aval d’une minorité syndicale de 30% seulement au lieu des 50 qui rendaient la CGT incontournable; et fouet de la loi pour la récalcitrante aux premières velléités d’indépendance).

Tout naturellement Bernard, flanqué de François, en appela au peuple pour qu’on prenne leur défense.

Trop tard, hélas.

Là où il attendait 1 million de salariés dans les rues, il n’en vint que des milliers.

Les prolétaires, à qui l’on avait fait miroiter (en exagérant à peine) qu’il s’agissait de défendre les 35 heures et les retraites (auxquelles ils tiennent comme à la prunelle de leurs yeux) ne se déplacèrent pas.

Chérèque et Thibault, gisaient à terre, vaincus par la malédiction qui frappe tous ceux-là que Sarkozy approche.

Est-il lui-même conscient de la fatalité qui s’attache à ses pas?

Il est permis d’en douter, comme le montre l’épisode fameux du « casse-toi, connard! ».

Le président avait alors fort mal pris la réaction d’un Français à qui il prétendait serrer la main (« touche-moi pas! »).

Il y avait vu comme l’expression d’une animosité à son égard.

Alors que ce pauvre anonyme, cette âme simple, n’avait eu qu’une réaction de frayeur.

L’idée de subir la malchance qui frappe les familiers du président lui était insupportable.

Moi, qui ne suis pourtant pas superstitieux, j’aurais agi de même.

J’aurais eu bien trop peur que simplement en me touchant il me refile les écrouelles.
Mis en ligne par okounine, le Jeudi 19 Juin 2008, 22:17 dans la rubrique « Actualité ».