J’ai fréquenté de nombreuses jeunes femmes se disant féministes et libertaires et des personnes se disant « tantes radicales libertaires ». Les premières m’ont convaincu au passage de l’utilité des actions et des réunions non-mixtes, comme j’ai vu par moi-même que les discussions mixtes sur le féminisme restaient à ras du sol parce que les mecs présents faisaient de l’obstruction et devenaient réellement hystériques (incapables de remettre en cause leur comportement). D’abord, j’ai souffert autant auprès des mecs que des meufs (je suis bisexuel), je veux dire que j’ai souffert de leurs représentations des genres, de leur jalousie, de leur cruauté ou parfois de leur naïveté ; j’ai connu des meufs plus machistes que certains copains (sur le plan de la brutalité ou de l’intolérance).

Cependant je suis soûlé par les généralisations abusives : les théories sont des modèles d’explication : elles permettent d’analyser un contexte, un rapport de forces, bref une situation donnée ou globale. Mais elles ne marchent pas à tous les coups… Certains posts m’ont rappelé les poussées d’aigreur de ma mère (« Tous les mêmes ! » qu’elle disait) : il faut la comprendre, elle a eu des expériences douloureuses avec les « sales mecs ! » Moi j’ai jamais abordé une meuf dans la rue, même juste pour lui dire que je la trouvai belle… Moi j’évolue dans un milieu presqu’exclusivement féminin et je ne suis pas un violeur en puissance… Moi j’ai parfois cherché de l’amitié ou de la compréhension auprès de meufs de ma connaissance qui m’ont sauté dessus, qui ne pensaient littéralement qu’à me baiser… Je ne fais pas pour autant de toutes les meufs des « renardes ». Comme le dit en gros un post, qui parle aussi de la mixité comme d’une « idéologie » (non-sens) : il y a illusion, « désillusion, souffrance et amertume », mais c’est cela que doit permettre de régler la non-mixité ! Hommes commes femmes nous sommes victimes de ces films sur l’Amour qu’on nous projette dans notre enfance et la non-mixité est un moment de la lutte. Cette amertume ne doit pas se muer en ressentiment (il faut lire « Généalogie de la morale », de Nietzsche, sur le ressentiment) et fonder des théories essentialistes, style « le renard libre dans le poulailler libre » (tu te rends compte au passage que tu fais de tes congénères des poules, comme les machos ?). J’aime beaucoup pourtant l’allusion à Marx, car il est aujourd’hui aussi mal vu de se dire marxiste que de se dire féministe, puisqu’aujourd’hui « mais voyons hommes et femmes sont égaux »… (Mais sa phrase hégélienne visait à défendre le pouvoir politique, l’Etat contre la liberté absolue prônée par les anarchistes – sa position évoluera sur ce point après la Commune -, et Marx, s’il reste un grand penseur, ne fut jamais un grand féministe).

Bref, ce qui me gêne, ce n’est évidemment pas la non-mixité, dont j’ai brillament démontré la légitimité – je sais : vous ne m’aviez pas attendu -, mais l’essentialisme dans lequel versent certaines « féministes radicales », parce que c’est effectivement du sexisme à l’envers : qu’est-ce que vous faites du SUJET, et de la façon dont il choisit de se construire ? Rien n’est inné, tout est acquis, ce que nous devons déconstruire (même si je n’aime pas ce terme, traduit du « Destruktion » de Heidegger), ce sont les divisions superficielles (toute catégorie étant artificielle ET réelle) qui freinent nos luttes : Machine est une bourge parce qu’elle s’habille « correctement », Unetelle est une conne parce qu’elle est blonde ou qu’on la trouve jolie, Truc est un macho parce qu’il est large d’épaules, Truque est une salope parce que quand il lui plaît de dire oui, elle ne sait pas dire non, etc.

Mais en effet, si Seillère ou Parisot ont décidé de devenir des patrons, et donc de se goinfrer sur le dos des autres, moi je n’ai pas choisi d’être un mec… Si je suis contre le capitalisme et que le capital s’incarne dans les bourgeois (ceux qui possèdent les moyens de production), je hais ceux qui exploitent les camarades d’une saine colère. Si vous militez contre le patriarcat et qu’il s’incarne dans le couple hétéro (ceux qui possèdent les moyens de reproduction), attaquez ceux qui fondent des familles dans ce système patriarcal, car les darons et les daronnes se comportent également en tyrans domestiques à l’égard de leur progéniture…

Vive le stérilet et soutien à toutes les camarades féministes qui gardent la tête froide !

Jimmy Sommerville