Voici avec un brun de retard, le n°2 de haute tension, la feuille d’info
du CRAN. Au sommaire pas mal de brèves puisque le n° s’est fait attendre, mais également un retour sur le grenelle de l’environnement.
Le numéro est en PDF version A4 mais il vous suffit de le passer en A3
pour obtenir un exemplaire réellement lisible. N’hésitez pas à le diffuser
autour de vous…

Un prochain n° devrait paraître dans les prochains mois autour du
nucléaire et de ses oppositions en vallée du Rhône.

A noter que toute contribution, infos au CRAN sont les bienvenues. Le
kanar est téléchargeable sur le site du CRAN (mais il faut s’inscrire) :
http://www.anartoka.com/cran/

ou disponible en version papier à prix libre à l’infokiosk du pavillon noir, 10 boulevard Poincaré, 14000 CAEN.

Voici le texte sur le grenelle de l’environnement :

RETOUR SUR LE GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT : L’ECOLOGISME D’ÉTAT CETTE SCIENCE POLICIÈRE.

C’est avec pas mal de retard que nous revenons sur le grenelle de l’environnement de novembre 2007.
Pour mémoire ce Grenelle mêlant Etat, syndicats professionnels, ONG environnementales et scientifiques triées sur le volet a été mis en place par le duo Sarkozy- Borloo. Le but affiché, répondre aux nouveaux défis environnementaux.
Six groupes de travail ont été constitués : climat et santé, Biodiversités et ressources naturelles, adopter des modes de production et de consommation durables, construire une démocratie écologique, promouvoir des modes de développement écologiques favorables à l’emploi et la compétitivité (sic!)

Inutile de préciser que pour pas mal de militant-e-s radicaux, tout était déjà dit dans le terme « grenelle ». Le souvenir encore vivace du linceul de 68, ce pacte négocié entre le Parti Communiste, son prolongement syndical la CGT, et l’Etat gaulliste pour maintenir la paix sociale, signifiait de la plus évidente des manières ce qui se jouait ici : un enterrement. La guerre sociale ( bien plus modérée que celle de 68 ) engagée contre les dégâts environnementaux les plus manifestes du capitalisme industriel devait être éteinte par la négociation. Les écologistes d’Etat étaient déjà prêts au déminage de la situation. Greenpeace, Hulot, Bové, WWF et consorts devenaient de nouveaux Séguy, d’une époque où les catastrophes générées par les raffinements les plus récents ou plus anciens du capitalisme ne cessent de se propager.
Ca fait longtemps que l’écologie politique travaille à désamorcer cette contradiction majeure du capitalisme industriel qu’est la limite environnementale. L’idée même de développement durable, oxymore orwellienne, n’ a eu de cesse de nous faire gober que le capitalisme méritait d’être sauvé malgré les dégâts qu’il générait. Et finalement ce Grenelle, malgré la défaite électorale des verts, signifiait la victoire de l’écologisme, l’écologie d’Etat, cette écologie qui sous couvert d’humaniser le capitalisme, en soutient les fondements même, et les pratiques les plus autoritaires et militaires.
C’est un nouveau mode de gouvernance qui commence à être négocié, une gouvernance écologique au profit du capital.

Bien évidemment, les résultats réels de ce Grenelle sont catastrophiques, des OGM qui continuent d’être promues dans une co-existence toute fictive avec la production non-OGM (les effets de contamination sont ainsi masqués) et une répression accrue sur les faucheurs, aux autoroutes qui ne seront construites « qu’en cas de nécessité »… Quant au ferroutage, il ne pose aucunement la question de la nécessité des flux de marchandises (pourquoi acheter de la fraise espagnole par exemple?), et surtout pas la question de ses besoins énergétiques, notamment en électricité… et ne parlons pas des sujets non abordés comme celui des ondes électro-magnétiques du portable aux lignes THT…
Au delà, ce sont quelques nouveaux marchés que l’on finit de lancer à grand renforts de lois, de l’éco-construction à l’agriculture bio industrielle, en passant par les pseudo-véhicules propres. Le marché automobile plutôt stagnant regagne ainsi en vigueur et le travailleur pauvre devra changer de caisse pour aller bosser, ou saisir son vélib’ et autre foutaise sous surveillance électronique. Bref, s’adapter au meilleur des mondes écolo-capitaliste en faisant fi des situations sociales, une sorte d’écologie hors-sol. Celle-là même qui « ne voit plus une rivière, mais un taux de nitrate , un seuil tolérable et non des poissons morts» et qui élève en batterie des écolocrates, technocrates écolos imposant des réponses techniques au déferlement incontrôlé et dévastateur de la technique.
Pour ce qui nous concerne, la promesse de ne pas construire de nouveau sites nucléaires est un marché de dupes, puisque la France dispose déjà de 58 sites nucléaires prêts à être équipés de nouveaux réacteurs, comme sur le site de Flamanville. Et c’est d’autant plus intéressant de construire sur des sites existants, que ça désarme davantage les oppositions. A Flamanville, par exemple, plus question d’occuper le site comme dans les années 70. On occupe pas un site nucléaire en activité…. Qui plus est quand la population ne vit plus que du nucléaire, et s’y soumet… sous le poids de l’argent ou du désenchantement des défaites passées !
D’ailleurs les récents accords passés avec la Chine et la Libye, finissent de nous démontrer que le développement durable, c’est un poil de renouvelable et une grosse louche de nucléaire.

L’esprit du grenelle c’est également un pan entier dédié à l’éducation à la société du développement durable. Une sorte de dressage à devenir de bons éco-citoyens-consommateurs. Depuis 2003, l’Etat imprime sur les programmes scolaires la marque du développement durable. Ainsi, une circulaire de juillet 2004, impose à l’enseignement élémentaire et secondaire une dose de développement durable. Cette circulaire « s’inscrit dans la stratégie nationale en faveur du développement durable, adoptée par le gouvernement en juin 2003, qui souligne le rôle déterminant du système éducatif. ».
Ce même rôle d’endoctrinement vers le développement durable tel qu’il est promu par l’Etat est également présent dans la prévention des risques industriels, et notamment des risques nucléaires. En Haute-Normandie, Arlette, la tortue d’alerte, nous apprends à nous protéger du risque nucléaire : « Si vous entendez la sirène d’alerte, vous devez immédiatement « vous mettre à l’abri », c’est-à-dire : Rentrer dans une habitation, fermer portes et fenêtres, obturer les aérations (cheminées… ), couper les ventilations mécaniques. » Un magnifique remake de la propagande des films de l’armée américaine compilés dans « Atomic Café » où l’on conseillait au bon peuple yankee de se coucher sous des tables pour se protéger des rayonnements des bombes russes… Par ailleurs autour des sites, comme en Nord-Cotentin, de nombreuses visites scolaires sont organisées par l’exploitant, AREVA ou EDF.

Le Codirpa (Comité Directeur pour la gestion post accidentelle) n’est pas véritablement autre chose dans la logique de l’habituation au pire. Ce magnifique prolongement des programmes COWAM ou SAGE prépare avec l’aide d’écologistes émérites comme l’ACRO (laboratoire indépendant) ou Monique Sené (GSIEN), l’après catastrophe en France. Comment organiser la dépollution, gérer les déchets, dimensionner les indemnisations ? Bref comment continuer à vivre après que le nucléaire ait dévasté une région ou un pays.
On voit immédiatement en quoi ce programme n’est qu’un clone des programmes CORE ou ETHOS qui en Biélorussie et ukraine « gère » l’après catastrophe. Bien évidemment non pas en remettant en cause les causes même de la catastrophe, le nucléaire et la société qui va avec, mais en travaillant uniquement sur les conséquences de celles-ci. Qui plus est, ces programmes d’après Tchernobyl entendent apprendre aux populations locales à diminuer leurs risques d’exposition et renvoient ainsi la responsabilité des maladies aux habitant-e-s eux-même, qui ne respectent pas les bonnes nomenclatures de protection.

L’irruption réelle de la catastrophe ne laisse quant à elle aucune place à la démocratie. Elle est autoritaire et policière. L’expérience de la Nouvelle Orléans en est l’une des dernières manifestations. Lors du dernier ouragan Katrina, les populations se sont tout autant confrontée à l’ouragan qu’à l’armée et la police protégeant la marchandise contre les pillard-e-s souvent noirs assoiffés et affamés. Les quartiers pauvres ont été les plus touchés , tandis que les prisonnier-e-s crevaient noyés ou était parqué dans des zoos….
Ceux et celles qui ont connus les luttes antinucléaires de Chooz à Plogoff en passant par Flamanville se souviennent de la violence de l’Etat nucléaire, la même que celle de la rue Gay Lussac et des barricades de 68…

C’est bien un Monde qui continue de travailler, celui-là même où le nucléaire s’est édifié et a contaminé la vie et la pensée. La nouvelle gouvernance écolocrate, qu’elle s’exprime dans le grenelle ou ailleurs, n’est au final qu’en appendice de ce Monde-là.
Ce n’est pas tant les conclusions de ce Grenelle qu’il s’agit de dénoncer que ce grenelle même. Ni les organisations environnementalistes (ONG), ni les tenants de l’écologie politique n’ont véritablement dénoncé cette nouvelle gouvernance. Tout juste, certains comme le réseau sortir du nucléaire ont dénoncé ce Grenelle parce qu’il ne parlait pas de nucléaire ou visait à sa relance, tandis que le plus souvent c’est le jeu des concurrences de boutique qui jouait, Greenpeace travaillant ainsi à l’éviction du réseau sortir du nucléaire…

Plusieurs textes qui nous semblent intéressants ont traités cette question du grenelle de l’environnement :
Le texte « notes sur l’écologisme d’Etat et le capitalisme vert » des compagnon-ne-s de la coordination contre la société nucléaire qui a largement inspiré ce texte parut notamment dans l’a-périodique cette semaine.
Le texte de Roger et bella Belbéocq, « les écologistes contre la sortie du nucléaire » parut dans le bulletin Stop Nogent-Sur-Seine n°115
Le texte de l’OLS , « de Grenelle à l’ONUE, sauver la planète pour sauver le capital » parut dans Offensive.
Le texte « Quelques remarques sur le grenelle de l’environnement » par JV parut sur le site ami Subversion.

L’ensemble de ces textes sont disponibles sur notre site (catégorie textes et analyses) :
http://www.anartoka.com/cran/
Ou auprès du collectif:
CRAN(a)no-log.org

Haute tension n°2 – mai 2008