La grande parade du Grenelle de l’Insertion s’achève. On y a beaucoup parlé de la représentation des premiers concernés, de l’importance des associations, des collectifs de chômeurs et précaires, de la nécessité de les associer à l’élaboration et au suivi des politiques menées.

En ce joli mois de mai, loin du Grenelle, les politiques menées ont un seul visage : la sale gueule du contrôle.

Et les précaires, ceux qui trouvent la force de s’organiser ont une préoccupation commune : témoigner, informer sur la réalité brute qui se cache derrière les termes policés , le dernier en date étant l’ « inclusion active » ..

Les travaux du Grenelle mettent en lumière un fait intéressant : au minimum vingt pour cent de la population passerait à un moment ou à un autre par les « dispositifs d’insertion ».

Pour ces vingt pour cent, l’inclusion active, ce sont les radiations, les convocations, l’obligation de tout dévoiler de sa vie privée aux multiples instances de contrôle, la CAF, l’ASSEDIC, l’ANPE, les opérateurs privés de placement.

Nombre d’entre eux auront à subir l’humiliation du contrôle à domicile par les agents assermentés de la CAF.

Alors, les précaires parlent : une urgence vitale, partagée par ceux qui ont un emploi autant que par ceux qui sont au chômage. Raconter ce qui se passe, exprimer son désespoir, sa colère, son dégout. Mais aussi échanger expériences et astuces, sortir de l’isolement.
Si certains parlent, d’autres se taisent et meurent en silence, comme l’année dernière ce Rmiste qui s’est jeté par la fenêtre d’un service d’insertion parisien, ou cet intérimaire bordelais qui avait tenté de s’immoler par le feu dans une ASSEDIC.

D’autres s’en prennent à celui qui est en face d’eux, l’agent ANPE, le contrôleur CAF, l’assistante sociale. Dans ce jeu de rôle pervers imposé aux contrôleurs comme aux contrôlés, l’agent derrière le guichet n’est rien d’autre qu’un bouclier humain destiné à protéger les véritables maitres du jeu.

La violence est partout, quoi d’étonnant à ce que sur les rares sites où les précaires peuvent s’exprimer, certains fantasment sur la possibilité de s’en prendre à ces contrôleurs du quotidien que deviennent les travailleurs sociaux ou les managers au boulot ?

Suite à un article sur le train de vie des Rmistes posté sur notre site Sea, sex and RMI – Le décret RMI : un train d’enfer (http://www.collectif-rto.org/spip.php?article613), un commentaire propose de retourner la violence directement contre les contrôleurs CAF. Il est immédiatement suivi de six autres, qui tous récusent le bien fondé comme le sens de ce type d’action : en rappelant le statut de simples rouages des contrôleurs CAF, mais aussi et surtout en défendant l’usage d’une arme bien plus efficace , la solidarité et la lutte collective contre les véritables responsables de la situation.

Pour avoir osé mettre un lien vers cet article, le site de l’APCD (Action des Précaires et Chômeurs de Dordogne) est suspendu par le Conseil général du Périgord, et son président socialiste.
Voir l’article de l’APCD, « Fermeture intempestive du site par le Conseil Général de la Dordogne » (http://www.apcd24.fr/blabla.html) et la page d’accueil du portail : http://www.apcd24.fr/

Belle illustration de la démocratie participative, et du respect de la parole des usagers : héberger un site de lutte contre la précarité oui, mais à condition que son contenu et même ses liens soient conformes à la ligne politique.

Et nous imaginons bien que nos analyses sur le rôle et les responsabilités des collectivités territoriales dans le contrôle des chômeurs et l’institutionnalisation de la répression anti pauvres, ne correspondent guère à l’ »inclusion active « telle que définie par les Conseils Généraux, de droite ou de gauche.
Aucun ne refuse de jouer le jeu, qu’il s’agisse d’appliquer le décret sur le train de vie, ou d’imposer aux précaires des contrats aidés sous payés.

Une remarque : le Président du Conseil général , qui lit manifestement nos écrits avec une grande attention n’a pas été choqué par les commentaires nombreux , émanant notamment d’agents de la CAF, qui traitent les précaires d’assistés, de fainéasses, et de fraudeurs. En effet, ceux là aussi nous les laissons, car nous n’avons nul besoin de censurer ceux à qui il n’est pas difficile de répondre.

Par solidarité avec le collectif APCD, et afin de ne pas ajouter à leurs difficultés actuelles (des menaces pèsent actuellement sur leur local), le débat incriminé a été retiré du site.

Dans ce pays, où des camarades font sept mois de prison pour avoir jeté deux pots de yaourt sur la voiture du Ministre de l’Intérieur, ou héberger un ami sans lui avoir demandé ses papiers conduit droit en correctionnelle, ou l’on peut être un terroriste à peu de frais avec un fumigène, on peut évidemment s’attendre à ce que l’affaire ne s’arrête pas là. La répression est totale et ne s’arrête pas aux portes d’Internet.
La résistance et la solidarité non plus, nous en faisons le pari