Voici quelques conseils d’un « vieux » militant qui prétend modestement apporter son point de vue sur les luttes lycéennes d’en ce moment en espérant qu’il leur servira un peu.

Mon jugement est parfois sévère mais il s’agit bien de conseils amicaux (un ami n’est-il pas aussi celui qui vous dit franchement quand il pense que vous prenez un mauvais chemin ?)

Tout d’abord, je pense qu’avoir fixé la prochaine manif, le 15 mai, c’est n’importe quoi… Soit on est en lutte, soit en ne l’est pas et ça n’a aucun sens de retourner en classe sans avoir eu sattisfaction… A moins, bien sûr, d’admettre que le mouvement a échoué, ça arrive (on ne gagne pas à tous les coups) mais alors ça ne sert à rien de se faire un baroud d’honneur pour la forme : on rentre chez soi et on attend la prochaine… Donc, si le mouvement a encore de l’énergie, la prochaine manif ça devrait être demain, après demain et encore après ! ! !

La politique de « journées de mobilisation » et de coups d’éclat ne sert pas les intérêts des lycéen-ne-s mais seulement les bureaucrates de la FIDL et autres centrales similaires (des manipulateur-ice-s de luttes souvent affilié-e-s aux JS ou aux JC qui font leurs premières passes d’armes dans le syndicalisme lycéen avant de finir à l’UNEF puis à la CFDT)… Ces gens là ne sont pas vos allié-e-s, pas même des gens avec qui on peut négocier : ce sont vos ennemi-e-s déclaré-e-s et vous le découvrirez bien assez tôt.

Vous êtes généralement très jeunes mais ne vous complaisez pas dans l’idée discriminatoire, répandue par les « adultes »,selon laquelle le monde et la politique seraient trop compliqués pour vous : parlez d’égal-e à égal-e avec n’importe qui et dites vous bien que ni le ministre ni le proviseur ne savent mieux que vous comment vit un lycée !

vous devez vous préparer à prendre vos luttes en main, à parler seul-e-s en votre nom, et à assurer l’autonomie de vos luttes !

Si vous ne changez pas de stratégie très vite, votre mouvement se cassera la gueule bientôt et les plans que vous combattez passeront comme une lettre à la poste avec la complicité de celles et ceux que vous pensez aujourd’hui être vos porte-paroles

Fouttez les syndicats dehors de vos cortèges, refusez les délégations de pouvoir et ne négociez jamais !

Seule la lutte paye ! seul le rapport de force fera reculer le gouvernement !

Lorsque je parle de « rapport de force », ce n’est pas forcément violent (l’opinion lycéenne ne semble pas prête à accepter l’usage de la violence même si personnellement je crois qu’elle est souvent utile) mais il faut taper l’état là où ça lui fait mal : au profit… Sortez de vos lycées, bloquez les routes (les autoroutes, je veux dire, pas des sit-in symboliques), les gares, les aéroports, occupez vos rectorats et refusez la coexistence avec les « jaunes » (c’est à dire les vendu-e-s qui ne font pas grêve). Lorsqu’un lycée est en grêve, aucun cours ne doit avoir lieu : bloquez les entrées et SABOTEZ LA REPRESSION… Le meilleur moyen de rallier à vous les élèves qui ont peur de « se faire punir » s’ils font grêve c’est d’empêcher que les absences soient relevées… C’est très simple à mettre en place : il suffit de bloquer le bureau de la personne qui s’occuppe de ça.

OCCUPEZ VOS LYCEES JOUR ET NUIT : c’est en vivant ensemble qu’on apprend à se comprendre et à parler vrai… Et ORGANISEZ DES DEBATS SUR CE QUE VOUS VOULEZ REELLEMENT quitte à changer de ligne politique aussi souvent que vous le voulez… Ca n’est pas important de paraître crédible dans ce qu’on revendique… L’imagination est bien plus importante qu’on ne le croit et vous vous apercevrez bien vite que des choses qui vous paraissent aujourd’hui complètement absurdes et lointaines se présenteront alors comme à portée de main. Par exemple, vous demandez aujourd’hui à avoir encore plus de profs mais vous êtes vous vraiment demandé si vous aimiez qu’un individu, prétende avoir autorité sur vous ? Ne seriez vous pas interréssé-e-s par une éducation sans autorité ? Ou les colles, les notes, les ordres, ça n’existerait plus ? Et d’ailleurs, souhaitez vous même être éduqué-e-s ?

Si vous parvenez à lutter ensemble avec des non-lycéen-ne-s (des profs ? des étudiant-e-s ? des ouvrier-e-s ?) c’est bien mais assurez vous de garder votre autonomie : leurs intérêts ne sont pas les votres et vous devez décider seul-e-s de la direction de votre mouvement…

Pour garder le contrôle sur vos luttes, pas de secret : décidez TOUT TOUT TOUT, absolument TOUT en assemblée générale et refusez les tractations secrètes… Une AG n’est certes pas libre de toute manipulation mais c’est encore ce qu’on fait de moins pire et il existe des moyens de limiter les phénomènes de manipulation : par exemple, s’il y a une personne pour désigner qui prend la parole, il faut que ce soit à chaque AG une personne différente et qu’elle ne prenne pas elle même la parole entre chaque intervention… De même, n’hésitez pas à demandez leur avis aux gens timides et prennez le temps de vous écouter. Les personnes qui coupent la parole aux autres et parlent plus fort pour couvrir les autres voix doivent impérativement être remises à leur place voir EXCLUES du mouvement… Evitez évidemment les discriminations de tout type dans le temps de parole.

Essayez de prendre les décisions au consensus aussi souvent que possible afin de ne pas exclure les minorités, mais il est parfois indispensable de voter : dans ce cas, un-e individu-e possède bien évidemment une voix mais les non-grêvistes n’ont ni le droit de vote ni le droit de parole et les non-lycéen-ne-s n’ont qu’une voix consultative.

Voili. Voilou, j’espère ne pas avoir paru trop « donneur de leçons »… Bonne chance pour la suite du mouvement !