Délocalisation à domicile!!!

Nous avons tout d’abord rencontré 5 indiens avec qui nous avons tenté de dialoguer en avec en anglais (car ils parlent très mal le français) sur ce qu’ils vivaient comme ouvriers des chantiers navals de Saint-Nazaire. En réalité, ces 5 indiens travaillent pour une entreprise sous-traitante avec les chantiers navals qui s’appelle AVCO Marine. C’est un véritable internationalisme de l’exploitation.
Dans cette entreprise il y a en effet : 234 Indiens, 96 Roumains, des Italiens, environ 30 Français et 45 Polonais. Le staff (entendez les cadres et chefs d’équipe) est uniquement composé d’italiens et d’indiens. C’est une entreprise à un niveau légal italo-indienne.

Cette entreprise effectue tous les travaux de ventilation du Queen Mary II (et que Ouest-France nous invitera à venir regarder avec émerveillement quand il sortira en mer… et pour en savoir plus n’allez surtout pas voir le dossier du site web de [Ouest-France consacré au Queen Mary II ->
http://www.ouest-france.fr/Dossiers/qm2.asp]
puisqu’il ne contient aucun article sur les luttes ouvrières des chantiers. c’est ce qu’on appelle de l’humanisme !).

Ces Indiens vivent à Nantes et sont amenés quotidiennement à Saint-Nazaire par un bus de l’entreprise. Certains travailleurs d’AVCO habitent Saint-Nazaire ou encore Pornic. Ceux de Nantes sont logés dans des résidences à deux par chambres. On ne peut pas dire qu’on ne prend pas soin d’eux. Et comme ça au moins, ils ne vont pas tenter d’apprendre le français : ils risqueraient d’expliquer ce qui se passe réellement dans cette belle entreprise que tous les élus vantent avec éloquence.

Ils travaillent en France depuis 15 mois. Aujourd’hui, ils sont en grève et demandent 3 mois et 15 jours de salaire. Leur patron ne leur propose que deux mois. Tous nous disent avoir eu un « good helping » de la part de la CGT qui les a aidé à s’organiser dans leur premières luttes en mars et en septembre dernier.

Nous n’avons pas eu le temps d’aborder leur réelle condition de travail (horaires, salaires, droits sociaux…) car la discussion était rendu un peu simpliste par nos faiblesses de pratique de la langue anglaise…

Pour en savoir un peu plus, nous avons ensuite rencontré un responsable CGT des chantiers navals.

Lui, nous a dit directement et dès sa première phrase, comme pour résumer la situation, qu’Alstom organisait un véritable marché de négrier. Car c’est bien cette entreprise qui organise avec les entreprises sous-traitantes complices un véritable système d’embauches d’ouvriers étrangers (mais aussi de travailleurs étrangers locaux) flexibles à souhaits dans le seul but de faire baisser le coût du travail. Par exemple, l’entreprise AVCO Marine où travaillent les Indiens rencontrés : elle n’a pas eu le contrat avec Alstom parce qu’elle était la plus compétitive sur le marché. Non, c’est une entreprise qui a été créée spécialement, sur mesure pourrait-on dire, pour se charger de toute la ventilation du Queen Mary II.

Mais pourquoi Alstom procède ainsi : évidemment pour réduire les coûts du travail comme nous l’avons dit mais également parce que ça permet de créer une marge de main-d’œuvre importante en cas de fluctuation des contrats. Mais cela permet aussi de monter les ouvriers français contre les ouvriers étrangers et les ouvriers étrangers eux-mêmes, moyen bien pratique afin que personne ne se plaignent de cette exploitation.

Ce système de sous-traitant permet de faire travailler ces ouvriers en ne respectant quasiment rien du code du travail français. Par exemple, les ouvriers provenant des pays de l’est font 250 heures par mois (calculez ça fait un peu plus que 35 heures par semaines…). Les Roumains sont payés en liquide, sans fiche de paye française… les portugais, eux, n’ont même pas de contrat de travail. En général, les ouvriers font tous entre 60 et 65 heures par semaine payés au SMIC ce qui revient à les payer entre 2 et 3 € l’heure. Et ce qu’il y a de « bien » avec ces étrangers, c’est, qu’ils soient dans leur pays d’origine ou en France, ils sont toujours aussi compétitifs. C’est ce que doivent se dire en tout cas les responsables d’ALSTOM qui, sûrement par brin d’humour, appellent ces équipes
qu’ils exploitent largement les « équipes exotiques ».

La CGT qui est évidemment contre le système de sous-traitance (il n’y a pas une entreprise de sous-traitance mais une cascade d’entreprises de sous-traitance qui s’exploitent entre elles…) essaye d’exiger ce qu’elle appelle « la close de sauvegarde ».
Celle-ci oblige une entreprise qui pratique la sous-traitance à assumer, en tant que donneur d’ordre, les problèmes financiers des boîtes avec qui elle sous-traite comme par exemple, les salaires non payés. Il est en effet trop facile qu’une fois exploités lors de leur travail, les ouvriers aient encore à payer les pots cassés en assumant les déboires financiers de ces entreprises de sous-traitance comme c’est le cas pour les roumains également présents à la manifestation.

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Parce que nous le trouvons très bien fait et (très) largement complèmentaires à nos informations quelque peu éparses, nous vous mettons à disposition le tract que la CGT a distribué lors de la manifestation du 8 Octobre
QUEEN MARY 2 L’ENVERS DU DECOR

La construction du Queen-Mary touche à sa fin…. Mais à quelques mois de la livraison il traîne déjà dans son sillage son cortège de travailleurs jetés purement et simplement à la rue. Et les mois à venir sont déjà lourds de menaces pour les travailleurs précaires, sous-traitants qui travaillent encore sur le site et pour les salariés d’Alstom.

Il y a un peu plus d’un an, les chantiers « communiquaient » sur la pénurie de main-d’œuvre qui « l’obligeait » à recruter dans les pays lointains.

Mais les véritables raisons de ce recrutement n’étaient pas que le simple « manque de main-d’œuvre qualifiés ». Le projet des Chantiers, malgré tous leurs démentis, était et reste bel et bien de faire baisser le coût du travail.

Et c’est tout particulièrement pour la construction du Queen-Mary 2 qu’Alstom a fait appel massivement à des sous-traitants complices qui ont accepté de recruter du personnel à des niveaux de salaires bien inférieurs à ceux pratiqués dans la navale, et même bien inférieurs au minimum légal prévu en France.

C’est ce qu’ont mis en lumière les luttes récentes des travailleurs d’AVCO, de Vulkan, de B&Company, ou de Klas-Impex.

Le piège d’Alstom se referme sur les sous-traitants qui font payer la note à leurs salariés.

Comment les Chantiers de l’Atlantique peuvent-ils prétendre ne pas savoir cela alors que plusieurs de ces sociétés ont été créées spécialement pour le Queen-Mary ?

Ces entreprises qui ont fourni de la main-d’œuvre à Alstom-Marine en ne respectant quasiment rien du Code du travail français ont pourtant obtenu toutes les autorisations nécessaires par l’administration française : le ministère du travail, la direction départementale du travail…

Malgré le faible coût du travail de ses salariés, Alstom, comme a son habitude, a décidé de faire supporter les aléas de la construction du Queen-Mary principalement sur ses sous-traitants.

Mais les patrons de ces entreprises sous-traitantes tout comme la direction Alstom considèrent que la priorité est la sauvegarde des profits. C’est ainsi que lorsque des différents financiers sont apparus entre les Chantiers et leurs sous-traitants , et même entre les sous-traitants entre eux, l’ensemble de ces patrons se sont retournés contre leurs salariés pour leur faire payer la note.

Et c’est comme cela que Klas-Impex, employeur de 96 travailleurs roumains, et d’autres sociétés du même type, en sont arrivés à ne plus payer l’intégralité des salaires de leurs employés qui étaient déjà payés sous le SMIC, et finalement à ne plus les payer du tout

Alstom victime?

Les Chantiers mènent actuellement une campagne où ils accusent sans la nommer la CGT de mener une entreprise de déstabilisation de la construction navale. Alstom tente de se présenter comme victimes d ‘entreprises sous-traitantes ayant des « pratiques sociales illégales ».

Quelle mauvaise blague!
Les Chantiers savent se montrer très exigeants sur le respect de ma qualité, des délais et des coûts de production. Des garanties sont prises a priori, des contrôles sont effectués en permanence, des sanctions sont prises régulièrement contre les sous-traitants contrevenants.

Mais rien de tout cela en ce qui concerne le respect du Droit du travail. Les Chantiers considèrent que tout ce qui peut arriver aux salariés sous-traitants ne les concerne plus.

L’exemple AVCO/Klas-Impex

En mars dernier, la grève des ouvriers indiens a contraint AVCO à respecter les salaires minima de la métallurgie et à restituer les passeports confisqués.

Début Septembre, les différends commerciaux entre les directions d’AVCO et des Chantiers se sont soldés par la mise à la rue de plusieurs centaines d’ouvriers. La 2ème lutte des salariés indiens, engagée depuis, a imposé le paiement des sommes qui leurs sont dues et la prise en charge de leur rapatriement.

Parallèlement, depuis leur arrivée à Saint-Nazaire en janvier 2003 jusqu’à ce jour, les 96 ouvriers roumains de Klaus-Impex n’ont touché que des sommes en liquide au bon vouloir de leurs patrons, bien en dessous des minima légaux et sans fiche de paie. Ils n’ont disposé d’aucune couverture maladie et ont subie toutes sortes de menaces.

Finalement, ce qui tenait lieu de salaires et d’indemnités de juin et juillet n’étant plus du tout versés, ils sont entrés en grève le 18 août.

Cette lutte leur a permis une 1ère victoire !

– Remboursement des 600 € qu’ils avaient dû avancer pour pouvoir être recrutés,
– Paiement partiel des salaires d’août
– 3.200 € couvrant une partie des arriérés accumulés.

Les ouvriers roumains ont alors repris le travail, en contrat direct Klas-Impex/Alstom Marine, dans l’attente du résultat de l’enquête de l’Inspection du travail. Trois semaines plus tard, l’immobilisme de leurs patrons à moins d’un mois de la fin prévue de leur contrat à Saint-Nazaire faisait peser de lourdes menaces sur le paiement des arriérés et même des salaires de Septembre et d’octobre. Ils ont décidé de redémarrer leur grève pour obtenir des Chantier s de l’Atlantique une garantie de paiement conforme à la législation.

Non contents de refuser cette garantie pour le travail effectué à son profit, Alstom Marine aurait décidé de casser le contrat le liant à Klas-Impex, jetant ainsi à nouveau des travailleurs à la rue, mais cette fois-ci en entravant gravement leur droit de grève.

Aujourd’hui, si l’Inspection du Travail a finalement constaté les nombreuses infractions dont sont victimes les salariés de Klas-Impex, ni leur patrons, ni AVCO, ni les Chantiers de l’Atlantique ne veulent s’engager à leur payer les quelques 2.000 € d’arrièrès, les salaires de septembre, les loyers et même leur rapatriement en Roumanie qui leur sont dus.

Avec le soutien de la CGT, les salariés roumains qui distribuent aujourd’hui ce tract, en appellent aux Pouvoirs Publics pour que les responsables de cette situation scandaleuse fassent face à leurs obligations.

Quelques photos de la manifestation