Le projet s’annonçait intéressant. Mais la fondatrice a vite montré à l’équipe des cinq autres salariés qu’il fallait exécuter ses ordres. Et sans discussion. En janvier, ces petites mains de la radio, webmaster, journalistes, comptable et technicien en ont marre du caporalisme au quotidien. Ils ont écrit à leur employeur protestant contre « tant d’autoritarisme, d’ordres impulsifs et catégoriques, de colères, de manque de respect et de vexations. Face aux demandes répétées de réunions, de mise au point et de recherche de solutions, la directrice n’a répondu que par des gestes hostiles : attaques individuelles, contrôles tatillons du boulot de chacun, menace de virer les récalcitrants, ou refus d’adresser la parole à ceux qu’elle considère comme des obstacles. »

Devant ce conflit collectif, l’association employeur, patron de gôche dans toute sa splendeur, a préféré couvrir sa directrice, menaçant les signataires de sanction disciplinaire voire de procès en diffamation. Décidant finalement de virer par surprise l’un des deux journalistes, convoqué au bistrot voisin où on lui met sous le nez sa convocation à l’entretien légal avant licenciement. Pour bien marquer sa dangerosité, on fait même venir un huissier pour le sommer le 11 février de quitter son travail dans la minute, toujours sans lui dire ce dont on l’accuse.

Trois semaines plus tard, faute de vrais reproches professionnels, la lettre de licenciement retient une « insubordination directe ou insidieuse », tout en versant au dossier des détails burlesques : ne pas avoir relayé l’interdiction de manger et boire dans le local de la rédaction, ou avoir répondu « oui chef ! » à la cheffe en question. Autant de « piques » insoutenables qui mettraient donc en danger l’entreprise. L’acte d’accusation l’explique : « l’ironie est une forme d’agression, de même que tout le langage non verbal » et plus précisément les « moues, haussements d’épaules et de sourcils ». Le droit du travail ne connaissait pas encore le concept d’insubordination insidieuse, ni le poids de l’agression non-verbale du sourcil haussé.

Par ailleurs, tout est bon pour désolidariser les salariés. Comme les autres, le technicien a signé la lettre collective de défiance envers la directrice. Il préside par ailleurs une association humanitaire qui demande au Conseil Général une aide d’urgence pour le Burkina. On fait pression très explicite sur lui. Devant le chantage, il craque et signe une lettre désavouant ce qu’il a écrit quelques semaines plus tôt. L’ordre règne.
CNT interco 44