Depuis son indépendance en 1960, cette ancienne colonie est pour l’impérialisme français un pays d’importance stratégique, « l’un des piliers de la zone franc » avec la Côte d’Ivoire. La France y est toujours le premier investisseur étranger, avec plusieurs centaines de d’entreprises dans tous les secteurs d’activité, employant plusieurs dizaines de milliers de personnes ; les grands groupes français présents se trouvent dans l’agroalimentaire, le BTP, le secteur bancaire, le pétrole, etc. Les privatisations imposées par les organismes financiers internationaux ont largement profité aux entreprises tricolores.

L’ « aide » de la France au Cameroun est importante ; elle comporte divers volets destinés à faciliter la bonne marche des entreprises capitalistes, y compris un volet militaire, depuis la signature d’accords militaires (en partie secrets, comme à l’habitude !) lors de l’indépendance en 1960 et en 1974. C’est en vertu de ces accords militaires que la France avait fait échouer une tentative de coup d’Etat en avril 1984 ; le gouvernement Biya y a a fait appel plus récemment, en 2005, lorsqu’il s’est senti menacé par des militaires. Une partie importante de cette coopération militaire française est l’entraînement donné aux forces de gendarmerie camerounaise pour le « maintien de l’ordre ». Les gendarmes camerounais ont démontré qu’ils étaient de bons élèves en réprimant à plusieurs reprises de manière sanglante des manifestations : répression de grèves d’étudiants (2 morts fin 2006), de manifestants pacifiques (2 morts cet automne lors de la répression d’une manifestation pacifique contre le manque d’électricité à Abong Mbang), de manifestations de moto-taxis protestant contre les exactions de la police, etc.

La paupérisation croissante des travailleurs et des larges masses de la population a rendu la situation explosive dans le pays, alors que s’accélère la hausse des prix. Le mécontentement généralisé vis-à-vis du gouvernement actuel s’est en outre cristallisé contre la décision de Paul Biya de modifier la constitution afin de pouvoir se présenter à nouveau. Lors des dernières élections cet été, guère plus de la moitié des électeurs inscrits (et qui ne représentent qu’une fraction du corps électoral : 5 millions sur une population de près du triple) avait jugé utile de participer à la mascarade à l’issue de laquelle les autorités avaient annoncé la classique victoire du parti au pouvoir. Les observateurs internationaux avaient sévèrement critiqué cette farce qui a été entérinée sans sourciller par le nouveau gouvernement français, soucieux avant tout de la « stabilité » de ses réseaux de domination imérialiste. Lorsqu’il est venu en visite officielle en octobre dernier à Paris, Biya a pu déclarer, à propos de la politique de la France en Afrique, qu’elle se caractérisait par une « continuité dans le fond » : continuité du pillage impérialiste et de soutien aux capitalistes locaux contre leurs prolétaires et les masses déshéritées qui sont laissées à l’abandon.

Samedi 23 février l’interdiction d’un meeting de l’opposition à Douala, capitale éconnomique du Cameroun, s’est accompagnée d’une répression sanglante et d’affrontements. Une chaîne de télé privée qui avait eu le malheur de passer un reportage sur ce sujet a été aussitôt interdite par le pouvoir.
En début de semaine les syndicats des transporteurs (taxis, moto-taxis essentiellement) ont appelé à la grève pour protester contre la hausse des prix du carburant.
Très rapidement et spontanément, en dehors de toute consigne de syndicats ou partis politiques, la grève a débordé les seuls propriétaires de taxis pour être suivie par une large partie de la population pauvre.

Plusieurs milliers de personnes contre la vie chère, les manifestants et grévistes établissent des barrages avec leurs slogans « Ona faim ! » « Baissez les prix des denrées de première nécessité » « Non à la vie chère et à la clochardisation des camerounais » ainsi que des slogans antigouvernemantaux : « Biya doit partir ! » « Popaul tu seras pendu avec ta constitution », etc. Les forces du désordre capitaliste ont répondu en tirant sur les manifestants. Le port de Douala, qui est le poumon économique non seulement du Cameroun, mais aussi de tous les pays de la sous-région a été paralysé.

Au cours des émeutes, des centres commerciaux ont été attaqués et pillés, divers édifices publics attaqués (le Centre des impôts et la sous-préfecture de Douala V ont été incendiés), des entreprises appartenant à la famille Biya, des symboles de la présence française, etc.

Les manifestations et émeutes se sont ensuite étendues mercredi à la capitale Yaoundé où la gendarmerie a tiré à balles réelles sur les manifestants qui protestaient pacifiquement contre la répression tandis qu’un hélicoptère piloté sans doute par un coopérant militaire survolait la foule ; par mesure d’intimidation, les gendarmes ont attaqué la résidence universitaire ; à Bafoussam, la troisième ville du Cameroun, on signale un manifestant tué par la police, et des manifestations ont également eu lieu dans d’autres localités
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Devant cette situation qui leur échappait complètement les syndicats de transporteurs appelaient ce même jour, à l’issue de discussions éclair avec le gouvernement, à l’arrêt de la grève (sans se soucier des victimes de la répression et des emprisonnés) : « nous voulons laisser le temps au gouvernement d`achever son programme économique en juin prochain » a expliqué le représentant de la CGST…

Cependant jeudi matin la grève plus ou moins générale continuait. Des manifestations étaient signalées à Douala et dans l’ouest, avec de nouveaux morts.
Il faut dire que le gouvernement a royalement accepté de baisser le prix de l’essence, du gaz-oil et du pétrole lampant de… 1% ! Le gouvernement a mobilisé l’armée pour patrouiller dans la capitale, tandis que dans une déclaration le président a déclaré que « force resterait à la loi » et que la grève avait été « instrumentalisée à des fins politiques » par des politiciens opposés au « fonctionnement normal des institutions démocratiques » ; le fonctionnement normal des institutions démocratiques signifie pour les bourgeois que les travailleurs doivent accepter de se faire exploiter, d’être condamnés à la misère sans se révolter, en acceptant le jeu pipé de la farce électorale.

A ce jour le nombre de victimes à Douala et Yaoundé se monte probablement à plusieurs dizaines et les personnes arrêtées à plusieurs centaines.

«Nous avons une caste de privilégiés qui vit au détriment de la majorité qui souffre» a déclaré un manifestant. Cette caste de privilégiés, c’est une classe sociale: la classe bourgeoise ; classe vampire, comme partout elle s’enrichit de la sueur et du sang des travailleurs. La solution n’est pas le départ de Biya et son remplacement par l’un des partis de l’opposition bourgeoise (tous complètement absents des luttes en cours), mais la lutte de classe contre cette classe et contre le système dont elle est l’incarnation : le capitalisme camerounais soutenu par l’impérialisme international, français en tout premier lieu.

Dans leur lutte vitale contre la misère, l’oppression et l’exploitation capitalistes, et face à la répression sanglante d’un régime soutenu par l’Etat français, les prolétaires et les masses camerounaises ont un besoin pressant de la solidarité des prolétaires d’ici ; solidarité de classe avec les prolétaires des pays sous domination de l’impérialisme français qui doit culminer dans la reprise de la lutte de classe révolutionnaire contre le capitalisme.

Solidarité avec les prolétaires et les masses du Cameroun en lutte ! Non au soutien au régime meurtrier de Biya ! Arrêt de la coopération, notamment militaire, avec lui
Impérialisme français hors d’Afrique !
Vive la lutte prolétarienne internationale !

Parti Communiste International, 28/2/2008

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