Parce que nous n’avons pas choisi d’exister, parce que nous ne croyons pas à la réalité que l’on nous impose, fruit d’une idéologie que nous refusons, parce que la souffrance et les injustices qui nous touchent et nous entourent sont multiples, violentes et indéniables, parce que nous assumons pleinement la liberté qui fonde l’existence humaine et que chacune de nos actions est faite en son nom, aujourd’hui, nous décidons de sortir des sous terrains sociaux où l’on nous cantonne et exigeons de l’état français l’autonomie politique du 93.

L’histoire ne peut démentir la longue et constante dégradation de nos conditions de vie et d’habitats et la misère sociale se trouve désormais pérennisée par un appauvrissement culturel et intellectuel des masses voulu et contrôlé par la logique de consommation du néocapitalisme. La situation est à l’évidence bloquée, verrouillée de manière consciencieuse et l’heure n’est malheureusement plus à l’analyse.

Nous ne sommes pas un parti, encore moins un lobby, nous sommes des artistes libres qui avons choisi en conscience de résister au système voulant nous empêcher de créer, qualifiant nos œuvres de subversives. Pour certains le règne de l’injustice est supportable, pour nous il ne l’est pas. Ce n’est pas notre faute. Intérieurement, et parfois publiquement, cela fait longtemps que nous ne reconnaissons plus l’ensemble des lois votées par le parlement et contestons l’autorité suprême du président de la république sur notre territoire. A ce titre, nous avertissons les autorités qu’il est fort probable que nous envisagions à un moment ou un autre le recours à des actions illégales dans le cadre d’un mouvement unitaire de désobéissance anarchiste.

Nous avons conscience que notre département n’est pas un cas unique et que d’autres banlieues et provinces restent étouffées par l’oppresseur et sa junte. Nous savons que partout en France et dans le monde le peuple nous regarde et que des rappeurs sont aussi dans la lutte. Dès lors tous ceux qui se reconnaissent dans notre combat sont invités à nous rejoindre pour mettre en place les conditions de l’utopie concrète et préparer l’indépendance de leur région d’origine. Le 93 constituerait dans un premier temps le laboratoire de notre révolution prônant entre autre l’autogestion, la décroissance, l’accès aux drogues et le sexe libre dans un cadre de vie agréable. Etant depuis des décennies le département le plus touché par toutes les formes d’injustices, de discriminations et de privations, il nous semble raisonnable de faire de la Seine Saint Denis l’épicentre de la contestation libertaire et du partage des richesses. C’est à la fois une nécessité et un symbole.

Ce communiqué n’est pas écrit de gaîté de cœur et nous aurions préféré que les choses se passent autrement, toutefois, étant donné qu’il n’est plus tolérable de supporter les humiliations systématiques, que notre imaginaire et notre subjectivité nous apparaissent comme les seuls points de repère fiables et véritables, nous affirmons notre détermination à lutter à travers ce texte et l’ensemble de nos œuvres artistiques contre la compétition, la compétitivité, les normes absurdes et la bureaucratie kafkaïenne. Nous ne tolérons plus les mensonges et les masques qui sont le fondement de l’ordre arbitraire et brutal. Les grands artistes et penseurs qui ont fait avancer les civilisations humaines ont toujours contesté et refusé les sociétés qui, de leur vivant, les maintenaient en marge. Ces hommes et ces femmes guident nos actes et nos parcours, nous comprenons et nous ressentons leurs œuvres avec empathie et violence ; c’est donc avec tristesse et rage que nous regardons leur sens être minoré et instrumentalisé par des institutions qui font passer leur révolte pour un simple folklore. Nous ne comprenons pas, et ce malgré des efforts soutenus de compréhension et d’adaptation, pourquoi et de quel droit nous devrions nous soumettre à un système qui exige de nous les pires reniements éthiques pour se perpétuer. Nous avons conscience qu’à chaque instant, chacune de nos actions est déterminée par un impératif moral impliquant l’humanité toute entière, cette responsabilité nous écrase et nous pousse à agir en conséquence.

C’est pourquoi, et ce dans les plus brefs délais, nous exigeons l’autonomie du 93, afin de repenser librement, affranchis des exigences absurdes et des contraintes injustes, les modes d’organisation de la société contemporaine. Ceux qui comprennent nos œuvres et entendent la voix de nos rêves comprendront, les autres, en connaissance de cause, devront prendre leur responsabilité.

Devenons qui nous sommes. Vive le 93 libre !

E.one de Eskicit & Skalpel de la K.bine

NB : Ce document n’est pas un programme politique mais un manifeste poétique. En tant qu’artistes nous ne pouvons faire autrement que prôner l’irresponsabilité dans ce monde sérieux. « L’utopie n’est pas un rêve, elle est ce qui manque à nos vies ».