Chômage
Du régime d’assurance au régime d’assistance

Imagine-t-on que, sous prétexte de « sauver le régime de la Sécurité sociale » et de faire recouvrer de gré ou de force la santé aux malades, les « partenaires » sociaux et l’Etat décidaient de ne plus rembourser les soins des personnes atteintes de longues maladies et de laisser celles-ci au bon vouloir des collectivités locales, passant ainsi du régime de la solidarité à celui de la charité ?

C’est la mésaventure qui touche le régime d’indemnisation du chômage dans lequel les chômeurs, victimes de la lèpre ultralibérale, vont bientôt être renvoyé-e-s à la charité -parfois peu désintéressée-, des maires et des CCAS.

Les retraites ont été dynamitée en deux fois, en 93 pour le privé, cette année pour le public. Les régimes spéciaux sont d’ores et déjà programmés.

Pour le chômage, la méthode est plus insidieuse et néanmoins efficace. Le code du travail est l’objet depuis des décennies d’un travail de sape mené sur le long terme et qui passe quasiment inaperçu.

Il est d’autant plus efficace que le Medef peut quasiment légiférer par le biais de l’Unédic que le patronat, profitant d’une division syndicale aux conséquences funestes, domine depuis sa création.

Historiquement l’assurance chômage aurait dû être une des branches de la Sécurité Sociale, comme la maladie, la vieillesse, les allocations familiales. Dans l’esprit des fondateurs de 1945, il s’agissait de créer une vraie sécurité sociale, un vrai filet de sécurité, un système qui assure des droits, qui rompt avec toutes les pratiques d’assistance ou de charité, un système financé par les cotisations, géré par les représentant-e-s élu-e-s des salarié-e-s. En 1945, et ce jusqu’aux ordonnances de 1967, le patronat fut exclu de la gestion de la sécurité sociale : il n’avait le droit d’occuper qu’un tiers des sièges. Les syndicats de salarié-e-s, en collaboration avec les pouvoirs publics en cas de nécessité, décidaient de la répartition de ces fonds (supérieurs au budget de l’État).

Mais la France de 1945 avait surtout des préoccupations de pénurie de main d’œuvre : l’heure était à la « reconstruction » et la branche chômage ne fut pas mise en place. Les rares chômeurs continuèrent de recevoir les aides publiques existantes.

En 1958, l’entrée dans le marché commun, les restructurations technologiques et structurelles des entreprises firent craindre des phases récessives importantes. De Gaulle exhorta patronat et syndicats à négocier. Le patronat et FO sautèrent sur l’occasion. Le premier y vit une possibilité de rompre avec une gestion aux mains des syndicats de salarié-e-s, l’autre de contrebalancer la présence de la CGT dans la gestion de la Sécurité Sociale. Il en sortira l’UNEDIC (Union Nationale pour l’Emploi Dans l’Industrie et le Commerce) et les ASSEDIC (Association pour l’Emploi Dans l’Industrie et le Commerce). L’accord fondateur (signé par CNPF, CFTC, FO et CGC) introduisait le patronat dans la gestion à travers le paritarisme et faisait payer aux salariés une partie du risque chômage à travers les cotisations alors que le chômage est de la stricte responsabilité du patronat. La CGT refusa de signer.

L’Unédic décide des règles d’indemnisation du chômage. Ces règles sont révisées à l’occasion de chaque renégociation de la convention. Elles sont soumises à l’agrément du gouvernement. Une fois agréées, elles deviennent obligatoires et entrent dans le code du travail. Au besoin, le gouvernement fait voter des lois pour rendre le code du travail conforme à la convention.

A l’époque du plein emploi, l’Unédic assurait un revenu de remplacement sensiblement égal au salaire et favorisait la mobilité en indemnisant l’allocataire 110% de son ancien salaire pendant un an de formation librement choisie. Heureuse époque !

En 1967, l’Etat complèta le dispositif en créant l’Agence nationale pour l’emploi, établissement public.

La chasse aux « faux-chômeurs » fut ouverte.

Arriva « la crise », le chômage de masse, les subventions aux patrons de la sidérurgie et des chantiers navals, les discours d’Yves Montant à la télé, Bernard Tapie en modèle pour la jeunesse, les chantres de la liberté d’entreprendre, de licencier, de délocaliser, le chômage de très longue durée, les nouveaux pauvres, les SDF. Les politiques de l’emploi firent leur deuil du plein emploi comme objectif directement réalisable.

Les millions d’ancien-ne-s salarié-e-s, de licencié-e-s, furent fustigé-e-s pour leur passivité, pour leur manque d’esprit d’entreprise. Patrons et hommes politiques appelèrent à la chasse aux faux-chômeurs. En 1979, le ministère du travail créa les Services du Contrôle de la Recherche d’Emploi. A effectif égal, l’inspection du travail contrôle moins les entreprises pour mieux contrôler les chômeurs. La loi renversa la charge de la preuve : au contraire des principes du droit, les chômeurs accusés « d’insuffisance d’actes positifs de recherche d’emploi », doivent désormais fournir les preuves de leur innocence.

En 1984, l’Unédic inventa les filières d’indemnisation (les droits devinrent proportionnels à sa durée de cotisation) : ce fut la fin de la mutualisation et de la solidarité dans le régime.

Une nouvelle catégorie de chômeurs apparut : les « fin de droit ». Sans droit au travail, sans droit à l’indemnité chômage.

L’Allocation de Solidarité (payée par l’État et versée par l’Assédic) créée la même année en récupéra une partie.
Le patronat mit ainsi entièrement à la charge de la solidarité les victimes de sa politique.
Les conditions d’obtention de l’ASS exclut des centaines de milliers de chômeurs qui se retrouvèrent sans aucun revenu.

En 1988, le gouvernement créa le revenu minimum d’insertion, RMI (payé par l’État et versé par la CAF). Les moins de 25 ans, particulièrement touchés par la précarité, n’y avaient pas droit.
La patronat ne contribuait toujours pas.

En 1991, Michel Charasse lança une campagne contre les « faux chômeurs ».
Le Parlement vota une loi sur le contrôle des chômeurs. La précarité entra dans le code. Les textes d’application obligèrent les chômeurs à accepter le temps partiel, les baisses de salaire (jusqu’à 30 % de son ancien salaire), à répondre à toutes convocations y compris téléphoniques, à fournir des preuves. Le chômeur devint suspect.

En 1992, le patronat choisit la CFDT pour présider l’Unédic. Il ne le regretta pas. L’Unédic mit en place de la dégressivité des allocations (elles baissèrent tous les 4 mois de 17 %), imposa des délais de carence, allongea les durées de cotisations requises pour ouvrir des droits … Les jeunes furent particulièrement touchés (alors que les contrats précaires se multipliaient, l’ouverture de droits passa de 3 mois de travail exigés dans les douze derniers mois à quatre mois dans les huit derniers).

En même temps, des avantages financiers encouragèrent le patronat à recourir aux temps partiels (1993 ; 1996 -loi Robien- ; 1998-2000 -lois Aubry).

En juillet 1997, l’Unédic s’en prit à la formation : elle baissa l’AFR (allocation formation reclassement) qui avait pourtant fait la preuve de son utilité.

Enfin, elle supprima les fonds sociaux d’urgence dans les antennes ASSEDIC. Le principe qui avait présidé à la création du régime en 1958 selon lequel le chômeur devait avoir les moyens de se consacrer à sa recherche d’emploi ou à sa formation fut définitivement enterré. Désormais les chômeurs doivent justifier leur état de « pauvres » pour quémander l’assistance dans les divers bureaux d’aide sociale.

En quelques années, l’Unédic a mis en oeuvre les principes du libéralisme le plus sauvage, considérant que la diminution voire la privation du revenu de remplacement constituent une incitation au retour à l’emploi.
Chômeur affamé est moins exigeant.

L’Unédic n’assure plus depuis longtemps la mission d’indemnisation de tous les chômeurs qui lui a été confiée lors de sa création en 58. Il n’indemnise même pas une partie de celles et ceux qui cotisent au régime. Les conditions d’ouverture des droits excluent massivement les jeunes et les précaires. Ce système n’assure même pas une protection par rapport aux conditions de la flexibilité que le patronat ne cesse d’appeler de ses vœux.

En 1997 toujours, l’Etat restreignit encore les conditions d’attribution de l’ASS (baisse du plancher de ressources du foyer de 10 000 à 8 000 f et non prise en compte des périodes de chômage indemnisé dans les périodes de travail requises pour ouvrir le droit) : des milliers de demandeurs d’emploi se retrouvèrent au RMI ou sans aucune allocation.

A cette date, les ASSEDIC n’indemnisaient que 42 % des demandeurs d’emploi inscrit-e-s. Nous n’avons pas de chiffre actualisé. C’est que l’augmentation des radiations est devenue tellement exponentielle et tellement rapide qu’on ne dispose plus de chiffre précis.

Entretemps, il y a eu le PARE.
Le PARE est la convention Unédic de juillet 2001.
Le PARE est le plus beau fleuron du Médef dans son projet de refondation sociale.
Le PARE consacre la main mise du patronat sur le service public de l’emploi.
L’ANPE, en partie financée par l’Assédic, est contrôlée par elle et soumise à des objectifs de rendement y compris pour les radiations.
Le PARE substitue le contrat individuel au droit collectif.
Le PARE achève de liquider les droits à une formation librement choisie : l’AFR est supprimée, les formations sont réduites à 6 mois. Les formations mises en place répondent directement aux besoins décidés par les patrons qui contrôlent les ASSEDIC, et utilisent l’ANPE (via le PAP) pour les imposer. (Avant juillet 2002, il était encore possible d’obtenir des formations longues assorties d’un revenu tout au long de la formation (l’AFR). Avec le PARE, le chômeur en formation ne perçoit un revenu que pendant la durée des droits qu’il s’est ouvert.) Les ASSEDIC décident du type de formation dispensée : les exigences transmises par le patronat et entérinées par les Bureaux des ASSEDIC pour les « formations homologuées » sont : formations courtes, non diplômantes, pour un « rapide retour à l’emploi » dans les secteurs où le patronat manque de main d’oeuvre.
Le PARE finance les formations qui, avant, étaient payées par les patrons.
Le PARE sert de modèle à la réforme des droits à la formation dans le secteur privé.
Le PARE détourne les cotisations prélevées sur les salaires, destinées aux chômeurs, et verse les indemnités qui leur sont dues … aux employeurs. (Pendant 3 ans maximum, l’Assédic verse aux employeurs qui embauchent un chômeur une aide dégressive égale ou inférieure au montant de l’allocation antérieurement perçue.)
Le PARE formate la main d’oeuvre pour la préparer à la précarité généralisée et à la baisse du coût du travail.
Le PARE surtout est une machine à radier pour des motifs administratifs.
Grâce au PARE, les signataires de la convention (patronat + CFDT + CFTC + CGC) attendaient plus de 113 milliards d’excédents. Au lieu de quoi, ils prirent, en décembre 2002, de nouvelles mesures, rétroactives, pour encore une fois, « sauver le régime » : l’Unédic annonça lors de l’été 2003 que 613 000 à 850 000 chômeurs allaient voir leurs droits diminuer (de moins 8 mois à moins 24 mois !) ou disparaître dès le premier janvier 2004. 2 chômeurs sur 5 vont sortir du régime dans les mois qui viennent et vont rejoindre les cohortes des « fin de droit » en ASS, au RMI ou sans revenu.

Quand le gouvernement s’occupe de l’ASS

En ASS ? Oui mais pas longtemps. Le gouvernement s’en occupe aussi.
Le gouvernement Juppé avait inscrit la disparition de l’ASS au Parlement … juste avant la dissolution.
Le gouvernement Raffarin prétend la restreindre drastiquement.
L’ASS, aujourd’hui, c’est 420 000 personnes environ qui ont justifié de cinq ans d’activité salariée dans les dix ans précédant la fin du contrat de travail et qui recherchent activement un emploi.
L’ASS est une allocation différentielle, plafonnée à 13,56 euros par jour (soit 406,80 euros par mois de 30 jours).
Elle est majorée de 40 % pour les plus de 55 ans qui justifient de 20 ans d’activité salariée ou les plus de 57,5 ans comptant plus de 10 ans d’activité salariée.
L’ASS complète d’éventuels revenus du ménage et est supprimée au-delà de 949,20 euros de revenu mensuel pour une personne seule et 1 491,60 euros par mois pour un couple.
Elle est versée pour une durée illimitée sous réserve d’un réexamen du dossier tous les six mois.
L’ASS entre dans le calcul des annuités pour la retraite.
61 % des bénéficiaires de l’ASS ont plus de 45 ans et 28 % plus de 55 ans.
90 % des allocataires sont sans emploi depuis plus de deux ans, 50 % depuis plus de six ans.
Plus de 50 % des allocataires étaient ouvriers (deux fois plus que parmi l’ensemble des demandeurs d’emploi).
Les licenciements économiques comme rupture de contrat de travail sont trois fois plus nombreux que pour l’ensemble des chômeurs.
12 % des sorties d’ASS sont dues à un arrêt de la recherche d’emploi du fait d’une maladie, 10 % représentent les départs en retraites, plus de 30 % le recouvrement d’un emploi.
Un quart seulement des personnes indemnisées le 31 octobre 1999 sont sorties de l’allocation un an plus tard.
Afin de « dynamiser le marché du travail et d’améliorer les conditions de retour à l’emploi »!!! (Fillon, présentation du budget 2004), le gouvernement entend éliminer 130 000 bénéficiaires dès l’an prochain, beaucoup plus ensuite.
Parmi les mesures :
– Limitation de l’ASS à 2 ans dès le 1er janvier 2004 (3 ans pour les allocataires actuels mais la mesure sera rétroactive à compter du 1er juillet) sauf pour les plus de 55 ans.
– Suppression de la majoration de 40 % pour les plus de 55 ans, certes « vieux » mais néanmoins redynamisables. (Pour les nouveaux entrants uniquement.)
– Rétroactivité de la réforme de 1997 aux allocataires entrés en ASS avant cette date (abaissement du plafond des ressources pour les couples).
La durée et les taux de l’ASS étant fixés par décret, la décision peut être signée par le gouvernement sans débat.

Toutes les mesures sont prises pour que les chômeurs ne puissent pas résister aux conditions précarisées de l’emploi développées par le Patronat et institutionnalisées par les politiques publiques de l’Emploi.
Pour des centaines de milliers de salariés en France, la norme de travail n’est plus le CDI, le temps plein et le SMIC, mais le CDD, le temps partiel et le demi-SMIC. C’est un des buts du Patronat. Certaines organisations syndicales l’ont fait leur.

A une exception près, l’État a toujours agréé les conventions UNEDIC (1984, 1992, 1996, 2001), le Parlement a toujours voté les modifications législatives nécessaires, sans compter les innombrables mesures de la politique de l’emploi créant et subventionnant des contrats « atypiques ».

Après les RMIstes, une caste de chômeurs sans droit au chômage,
les RMAstes, une caste de travailleurs sans droit du travail

Le RMA est le dernier de ces contrats atypiques. Mais quel contrat !
Le RMA, discuté, amendé et finalement voté par le Sénat le 27 mai a surgi de nulle part en surprenant tout le monde, en premier lieu les associations dites d’insertion. Rien à voir avec le RMA d’Alain Lambert précédemment adopté par le Sénat. Ce projet de loi-là a été discuté au conseil des Ministres et présenté par le gouvernement après avis du Conseil d’État. Il a été choisi pour étrenner la nouvelle loi constitutionnelle sur la décentralisation. L’Assemblée nationale doit l’adopter définitivement prochainement.
Date d’ouverture prévue : 1er janvier 2004.

Il est intitulé : loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité.
En fait, il modifie profondément la loi de 1988.

Le postulat du gouvernement est que le I d’insertion n’a jamais été pris au sérieux, particulièrement par les RMIStes.
On se souvient des débats en 1988 pour conditionner l’aumône à un contrat d’insertion.
Que l’Etat ait enrichi de quelques milliards de plus la famille Seillière lors de la liquidation de la sidérurgie ou gavé Dassault de subventions est naturel. Que Jean-Marie Messier ait reçu en 2001 un salaire équivalent à un RMI toutes les 34 secondes (36,26 millions d’euros) sans parler des 20,55 millions d’euros d’indemnité de licenciement n’émeut pas ces braves gens, pas plus que le fait qu’une ouvrière bangladaise de Michael Eisner, le PDG de Disney devrait travailler 210 ans pour gagner l’équivalent d’une heure de salaire de son patron.
Mais verser une obole, sans contrepartie, aux victimes du libéralisme pour qu’elles ne meurent pas de faim perturbe profondément les parlementaires.

Donc l’insertion.
Avant d’être associé à RMIstes, l’insertion était accolée à délinquant, à repris de justice. Ou encore à fou. Le mot en dit long sur la résurgence des vieilles peurs bourgeoises des classes dangereuses.

Après l’avoir spolié-e de ses droits à des moyens convenables d’existence, comme le prescrit pourtant la constitution, et l’avoir réduit-e à l »indigence, les adeptes de la réinsertion ont forgé une image caricaturale et délirante du/de la RMIste : ce n’est pas une personne qui recherche un emploi, qui participe à des activités associatives, militantes, sportives, culturelles, qui déploie des trésors de stratégies pour boucler ses fins de mois à partir du 15, non, c’est une sorte de handicapé-e social-e, voire mental-e. Quand elle n’est pas une fainéante à laquelle il faut « réinculquer la valeur Travail », (tous les termes cités ici proviennent des débats au Sénat) c’est une personne « fragile », qui, en perdant son « employabilité » a perdu « ses repères », et l’ « estime de soi », qui a besoin « de l’ « accompagnement » d’un « référent » ou d’un « tuteur » dans son « cheminement parfois chaotique. »

Sous ces sentiments de dame patronnesse, il s’agit de faire le tri parmi les RMIstes entre employables et irrécupérables, de rationaliser la gestion de cette main d’œuvre, particulièrement celle qui n’est pas qualifiée, pour la livrer au patronat à un prix défiant toute concurrence.

Qu’est-ce que le RMI aujourd’hui ?
Le RMI est un différentiel. C’est aussi un revenu familial fondé sur les revenus du foyer et non sur la situation de la personne,
Le montant maximum de l’allocation depuis le 1er janvier 2003 est de 411,70 euros pour une personne seule. En fait, il est de 362,30 euros (2376 f) pour la plupart des RMIStes auxquel-le-s un « forfait logement » (- 49,40 euros) est systématiquement déduit.
27 % des allocataires sont des célibataires.
Il est de 617,55 euros théoriques pour un couple, 518,74 euros réels (3402f) (- 98,81 euros de « forfait logement »). Un couple avec 2 enfants est censé vivre avec 742,3 euros (4870f).
C’est l’un des minima sociaux les moins élevés d’Europe.
Contrairement aux pays voisins qui accordent un revenu à la majorité légale, il est interdit aux – de 25 ans.
Il est indexé sur les prix et non sur les salaires.
Il compte pour 0 dans la retraite.
Aujourd’hui, 1 million de personnes perçoivent le RMI, plus de 2 millions en vivent en comptant les ayants droits. L’évolution du nombre d’allocataires du RMI épouse étroitement la conjoncture économique et la courbe du chômage.
La moitié a signé un contrat d’insertion.
L’allocataire est théoriquement libre de choisir son Insertion : activités culturelles, artistiques, bénévolat associatif, soins médicaux.
Pas d’obligation d’insertion professionnelle même si la pression est forte pour que l’allocataire inscrive la recherche d’emploi dans son contrat. La moitié des allocataires serait toujours inscrite à l’ANPE malgré les radiations massives provoquées par les quotas imposés aux agents de l’ANPE.
10 %, trop éprouvés par la précarité et les galères, seraient considérés comme irrécupérables par le patronat.
Bon an mal an, 300 000 entrent dans le dispositif et 300 000 en sortent.

Pour inciter ces paresseux à travailler, ils peuvent cumuler pendant au maximum un an un salaire avec une partie du RMI. Cette mesure dite « d’intéressement » concerne un peu plus de 10 % des allocataires ce qui fait dire à Fillon que « les efforts dits de  » redynamisation  » n’ont pas abouti au résultat escompté. »
Salauds de pauvres !

Le système est cogéré par le préfet et le président du conseil général.

La loi impose encore que le Département inscrive obligatoirement à son budget un crédit au moins égal à 17 % des sommes versées par l’Etat, au cours de l’exercice précédent, aux bénéficiaires du RMI vivant sur leur territoire et les consacre à l’insertion.

Les dossiers de demande et de renouvellement sont instruits par les CLI composées de représentants de l’Etat, du département, des collectivités locales, de l’ANPE, des associations dédiées à l’insertion…

Ces CLI ont une très mauvaise réputation parmi les RMIstes. Sorte de tribunal, moralisateur, humiliant, culpabilisant, il propose aussi la suspension des allocations des mauvais pauvres.
Les radiations sont prononcées par le préfet.
Outre les suspendu-e-s pour non respect de leur contrat d’insertion, on a vu des RMIstes radiés pour refus d’emploi ou pour refus d’effectuer un CES, on a vu une femme de 59 ans vivant avec son fils majeur privée de ressources parce que le fils refusait de se rendre à l’ANPE et de se présenter à la CLI.
Conserver son RMI requiert que toute la famille soit dotée d’une échine souple.

Demain, cela risque d’être pire.
Le projet de loi place les RMIstes sous la férule du président du conseil général. Il maintient seulement le cadre législatif et réglementaire unique fixant les conditions d’attribution et le barème de l’allocation de RMI.

Il dote le président du conseil général de pouvoirs régaliens : c’est lui qui attribue, renouvelle, suspend le versement de l’allocation.
C’est lui qui nomme les membres de la CLI laquelle perd ses prérogatives sauf celle de donner son avis sur les sanctions à l’égard des RMIstes rétifs.

C’est encore lui qui nomme le référent qui élaborera le contrat d’insertion avec l’allocataire et les ayants droits majeurs et veillera à son application, à moins que, comme il est probable, il ne délègue ce pouvoir au maire (bonjour le clientèlisme !), à une collectivité intercommunale ou à une association agréée.
Combien de CCAS ou CIAS seront-ils chargés du contrôle voire du flicage des allocataires ?
Comment assurer le respect de la vie privée quand une partie de leurs concitoyens connaîtra la situation professionnelle, sociale, financière et de santé de l’allocataire et des ayants droit ainsi que leurs conditions d’habitat ?
Comment éviter le sentiment de honte et d’humiliation dans les bourgs et villages où la fierté cache la misère ?

Comment éviter que les élus aient « leurs pauvres », leurs « bons pauvres » qui fileront doux et voteront bien, comme au 19ème siècle les bourgeois avaient « leurs indigents » ?

Le projet de loi ne prévoit qu’un contrôle a posteriori de l’IGAS (inspection générale des affaires sociales).

L’insertion décline emploi, travail, activité économique et RMA.
Fillon déclare : Il s’agit « d’inciter l’allocataire à prendre une part plus active à son parcours d’insertion (responsabilisation accrue dans le processus de contractualisation) et à mettre l’accent sur l’insertion professionnelle à laquelle une priorité est donnée dans le contenu du contrat d’insertion. » Il s’agit aussi « d’améliorer son employabilité ».
Pour ce, l’allocataire est immédiatement orienté sur l’ANPE.
Fillon ajoute : « La réforme s’inspire aussi des expériences européennes en matière de gestion et d’activation des minima sociaux qui le plus souvent s’appliquent à rechercher un meilleur équilibre entre une mobilisation accrue des allocataires pour l’accès au travail et une obligation plus forte pour les pouvoirs publics de développer l’offre locale d’emploi par des travaux d’intérêt général ou par une insertion dans l’entreprise, dans le cadre d’un pilotage confié généralement aux collectivités territoriales. »

Des travaux d’intérêt général ! Des TIG !

Cela fait longtemps que le travail n’est plus envisagé comme un moyen de se procurer un revenu mais comme une mesure de maintien de l’ordre.

Le gouvernement en tire les conséquences en introduisant dans le code du travail un nouveau type de contrat qui, selon le rapporteur du projet de loi, permettra aux employeurs de bénéficier « d’une aide substantielle permettant de réduire significativement les coûts salariaux ».

Et comment !
Selon nos calculs, cette main d’œuvre coûtera aux employeurs de 2,70 à 3,40 euros de l’heure (17.71f à 22,30f), toutes charges et exonérations comprises. Un sénateur a compté 4,3 euros de l’heure dans le secteur marchand. Peu importe.

Guillaume Sarkozy, vice-président du MEDEF déclarait le 28 novembre 2002 (devant les journalistes de la presse économique) : « Je suis fier d’être le représentant d’une industrie qui délocalise ». Demain, il va pouvoir délocaliser sur place en embauchant des RMAstes. Car le RMA fournira de la main d’œuvre à prix cassé au secteur privé.

Le RMA intéresse les employeurs du secteur non marchand, dont le champ est identique à celui des employeurs des contrats aidés du type CES ou CEC (à l’exception des services de l’Etat et du département). Ils bénéficient d’une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale.

Le RMA intéresse les employeurs du secteur marchand, à la seule exception des employeurs particuliers. Il n’est pas prévu d’exonération, mais il est probable que s’appliqueront les abattements pratiqués sur les bas salaires.

Le RMA s’ajoute aux autres contrats précaires type CES, CEC, CQA. Il est d’ores et déjà prévu qu’un CES ou tout autre contrat dit « aidé » pourrait succéder au RMA dans ce long parcours d’insertion qui mènera le salarié du XXIe siècle au minimum vieillesse sans avoir jamais goûté au CDI…

Le RMA est un contrat précaire de 6 mois renouvelable 2 fois (maximum 18 mois).

La condition de 2 années d’ancienneté dans le RMI pour devenir l’heureux bénéficiaire d’un RMA a été supprimée. Mais l’ancienneté pourra être fixée par décret.

Le RMA est un contrat à temps partiel d’une durée hebdomadaire minimale de 20h avec une période d’essai de 15 jours maximum.

Le département pourra financer des formations, en dehors du temps de travail. Mais le département ne sera plus obligé d’inscrire à son budget un crédit au moins égal à 17 % des sommes versées par l’Etat et il est probable que certains départements trouveront mieux à faire que de financer la formation des chômeurs.

Le RMAste travaillera comme un vrai salarié mais il n’aura pas un vrai salaire. Pour 20h de travail hebdomadaire, ses revenus s’accroîtront de 130 euros de plus que son RMI, quelle que soit sa situation de famille.

L’employeur touchera du département l’équivalent RMI net (forfait-logement déduit) pour célibataire et lui reversera cette somme augmentée de 130 euros pour atteindre un demi-SMIC soit un total de 545 euros.

Le RMAste ne cotisera que sur la base de 130 euros.
Pour ouvrir des droits à la retraite, il faudrait qu’il travaille 160 ans à ce régime.
L’Assedic empochera ses cotisations mais ne lui reversera rien quand il retournera au chômage. Il n’aura que le RMI.
Il n’aura pas droit à des indemnités journalières en cas d’accident ou de maladie, mais son RMA lui sera versé jusqu’à la fin de son contrat.
Le régime de la CMU sera maintenu comme il l’aurait été s’il avait retrouvé un emploi normal. (Dans ce dernier cas, la CMU est maintenue pendant un an)

Il est sans précédent que, sur un contrat de travail, la base des cotisations ne soit pas la totalité du salaire perçu.

Dans le RMA, le travail s’appelle « mesure d’accès à l’emploi » ou « action d’insertion », le patron se nomme un « tuteur » et le salarié un « bénéficiaire ». L’employeur-tuteur atteste tous les 3 mois au référent que l’action d’insertion est suivie.
S’il est établi que le non-respect de l’action d’insertion est imputable, sans motif légitime, au bénéficiaire, le versement du RMI peut être suspendu.

On peut en déduire, tout à fait légitimement que cette nouvelle caste de salarié-e-s n’aura ni le droit de grève, ni le droit de déplaire à son patron.
Exclue du droit au chômage, elle est exclue du droit du travail.

Le RMAste est autorisé à rompre son contrat s’il justifie d’une embauche en CDI, ou en CDD d’au moins 6 mois ou du suivi d’une formation qualifiante.

Le contratpeut être suspendu afin de lui permettre d’effectuer la période d’essai afférente à une offre d’emploi.

Le RMA ne peut se cumuler avec une autre activité professionnelle rémunérée que si la convention le prévoit et à l’issue d’une période de quatre mois à compter de la date d’effet du contrat initial.

Autant dire qu’on maintient le RMAste dans la pauvreté, d’autant que le RMA est moins avantageux que tous les autres revenus, cumulables partiellement avec le RMI pendant un an.

Employeur, pour embaucher un ou plusieurs RMAstes, il suffit de ne pas avoir licencié pour motif économique dans les six mois précédant la date d’effet du RMA, de ne pas licencier un salarié sous CDI pour le remplacer par un RMAste et d’être à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales.
Virez vos intérimaires, ne prorogez pas les CDD, et tant que vous y êtes, virez les CDI, personne n’ira vérifier ! Soyez généreux ! Devenez tuteurs !

La loi n’interdit pas de faire fonctionner une entreprise avec uniquement des RMAstes…

La décentralisation pourrait bien sonner la mort du RMI.
Pour financer le RMI-RMA, le gouvernement a prévu d’affecter aux départements l’équivalent des dépenses-RMI 2003 (4910M d’euros) de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers).
Le Gouvernement n’envisage pas de clause prévoyant l’évolution de la dotation en fonction des dépenses réelles d’allocation : sa répartition sera fondée sur le constat des dépenses réalisées par l’Etat avant la décentralisation et l’évolution du transfert « devrait suivre celle du produit de l’impôt ».

L’arrivée massive d’une partie des exclu-e-s de l’Assédic et des rejeté-e-s de l’ASS risque d’obliger les conseils généraux à piocher dans le budget départemental pour compléter (et augmenter d’autant la fiscalité locale) et/ou à sélectionner les allocataires au profit des volontaires pour le RMA.

Ainsi, une employée qui percevait un SMIC et demi avant d’être licenciée de, par exemple, Danone, pourrait, au terme d’un rapide parcours Assédic-ASS-RMI, être obligée d’accepter un RMA dans le même groupe Danone pour 130 euros…

La délocalisation sur place ne fait que commencer.

La délocalisation sur place ne fait que commencer : L’ « activation des dépenses passives » est inscrite dans les directives européennes signées par les chefs d’Etats.

Le démantèlement du salariat est en route tandis que l’Inspection du travail a pour consigne de regarder ailleurs.
– De prétendus travailleurs « indépendants », en fait des sous-traitants sans salaires, accomplissent les tâches externalisées des entreprises.
– Des salarié-e-s accomplissent à domicile des tâches autrefois effectuées en atelier, à la chaîne, et font travailler toute la famille, enfants compris, pour tenter d’atteindre le SMIC.
– Sous prétexte d’ « évaluation en milieu de travail », l’ANPE envoie des chômeurs travailler dans des entreprises jusqu’à 80h, absolument gratuitement, les frais étant à leur charge.
– La tour de Babel -pardon, le plan « Montage exotique » selon le nom de code inventé par les patrons des Chantiers de l’Atlantique- ressuscite aux chantiers navals de St-Nazaire où les sous-sous-traitants de sous-traitants oublient l’existence du code du travail, quand ils n’oublient pas carrément de verser les salaires à leurs équipes polonaises, indiennes, roumaines, grecques, portugaises, etc.
Ils ne font qu’anticiper les décisions souhaitées par les négociateurs de l’Organisation Mondiale du Commerce sur le commerce des services qui permettraient d’exploiter des immigrés en les faisant travailler sur notre sol avec des contrats de travail établis selon la réglementation des pays d’origine (« mode 4 » de l’AGCS pour les initié-e-s), qui mèneraient à la fin du droit du travail, du droit de syndiquer, des conventions collectives, du droit de grève …

Pour accélérer le processus, le gouvernement a nommé une commission chargée de la « modernisation du droit du travail ». On peut craindre le pire.

Le droit à un emploi ou, à défaut, à des moyens convenables d’existence est inscrit dans la Constitution.

Il est intolérable que des millions d’hommes et de femmes soient utilisé-e-s puis rejeté-e-s sans moyens de vivre, sans avenir.

La sécurité matérielle de tou-te-s doit être assurée et cela lors de chaque phase de la vie.

C’était l’objectif des fondateurs de la sécurité sociale en 1945.
C’était aussi l’un des objectifs des syndicats qui, comme la CGT et la CFDT, revendiquaient pour les chômeurs des allocations qui, en aucun cas, ne seraient inférieures au SMIC (déclaration commune au Premier Ministre, décembre 1974).

Garantir un revenu équivalent au SMIC à chacun-e, quelle que soit sa situation, voilà qui permettrait de poser différemment les questions de formation, qui permettrait de résister à la précarité, à l’intensification du travail, au harcèlement et à la pression sur les salaires en redonnant de la liberté de choix.

monique.ac61@free.fr pour AC ! Orne
Septembre 2003

(Sources : Sites ministériels, Sénat, argumentations et contributions de militant-e- s et de collectifs AC ! et de chercheurs (Villiers-Coutrot, Véronèse, Vivier, Daniel-Tuchszirer, AC ! Rhône, AC ! Orne, etc. Mille excuses à celles et ceux non cités).