L’ANNONCE FAITE PAR OLIVIER

L’annonce faite par le facteur médiatique, se veut être un évènement politique. … Tenez vous bien : « Un nouveau parti anticapitaliste, mi guévariste, mi libertaire ». Voilà qui a de la gueule dans les médias et qui va faire gamberger dans les jeunes esprits en manque d’objectifs dans leur contestation.

Qu’est ce qui peut justifier une telle initiative ? Plusieurs facteurs dont tous sont parfaitement formellement fondés :

la Ligue se traîne depuis 1969 dans les marges de la classe politique… il est temps de changer de modèle. Soit.

les temps ont changé : le PCF à l’agonie n’est plus un obstacle et laisse même un espace vide à la gauche du PS… Bien vu !

les dernières élections placent, en pourcentage (4%), la LCR en tête de toutes les organisations à la gauche du PS. Electoralo-arithmétiquement incontestable.

les tentatives de regroupements, d’ententes, d’initiatives communes,… ont toutes échoué,… « Mieux vaut être seul que mal accompagné ». Vrai aussi, du moins dans une certaine mesure.

Ces quatre raisons, toutes plus justes les unes que les autres, semblent militer pour la décision prise… Pourtant c’est à un nouveau fiasco que la LCR, sans le savoir, se prépare.

Pourquoi ?

L’ERREUR DE BASE

Ce fiasco, inévitable, les dirigeants, et à fortiori les militant-e-s de la LCR ne peuvent pas le voir, et ce pour une raison simple : leur raisonnement, formellement juste, est faux à la base. D’une certaine manière, ils veulent construire leur maison en commençant par le toit. Le toit ils vont certes le construire, mais ils ne monteront jamais la maison sous lui ( ?).

Cette erreur remonte loin… au 19e siècle quand on a cru, et largement théorisé et même expérimenté avec le succès que l’on sait, que la construction d’un parti permettrait de prendre le pouvoir et qu’alors, et seulement alors, on pourrait changer de système. Formellement l’idée est séduisante mais elle est fausse et ce sont les leçons de l’Histoire qui nous le montrent.

Jamais, à aucun moment, ni en aucun lieu, cette expérience n’a marché. Toutes les tentatives, toutes sans exception, ont abouti à un échec.

L’erreur de base, qui consiste à construire un parti sans structures de base alternatives dans le système dominant, n’a jamais été corrigée, au contraire, quasiment tous les « révolutionnaires » ont persisté, et persistent, dans cette erreur qui a toujours conduit à la faillite de leurs entreprises.

Etre « au cœur des luttes », « solidaire des luttes », « à l’unisson des luttes », comme le dit la LCR n’est manifestement pas suffisant, surtout qu’aujourd’hui, plus qu’hier, les luttes, les formes de lutte, la manière d’organiser stratégiquement les luttes aboutissent systématiquement à des échecs. Il y a là une mythification de la « lutte » qui ne correspond à aucune réalité stratégique sur le terrain. Le Capital ne lâche, et ne lâchera plus rien, avec les luttes actuelles…

L’OBSTINATION VERTU REVOLUTIONNAIRE ?

Pourtant, par une sorte d’obstination aveugle, ou d’incapacité, de manque d’analyse, la LCR, comme d’autres, recommence à commettre, en toute bonne foi, la même erreur.

De la part des « anciens » de la LCR, du moins celles et ceux qui n’ont aucun intérêt bureaucratique, ceci prouve que le principe de « fidélité » l’emporte sur la clairvoyance politique… reproduisant le même phénomène que l’on a vu et que l’on constate au PCF. Pour celles et ceux qui ont des intérêts bureaucratiques, leur attitude est parfaitement logique.

De la part des « nouveaux », nourris au biberon de la politique spectacle et des campagnes électorales, n’ayant quasiment aucun référent historique conséquent, ou du moins mal compris, on ne peut que déplorer leur myopie précoce. Fondée sur l’illusoire et dérisoire résultat électoral qui a enflammé l’esprit de nos « révolutionnaires », les dirigeants de la LCR ont complètement perdu le sens des réalités et se sont crus investis d’une mission qu’à une autre époque et dans d’autres circonstances on aurait qualifié de « divine ».

La critique, la contestation, la dénonciation des dérives du système est tout ce qu’il y a de sérieux. Les critiques sont incontestablement fondées. Pourtant elles ne restent que des critiques formelles, dans la mesure où rien d’alternatif, sortant du cadre du système, n’est proposé, à fortiori entrepris. La seule perspective n’est, et ne sera avec ce « nouveau parti » que la perspective électorale pour faire un « bon score » ( ?)… bon score dont on espèrera une « dynamique », mot magique au contenu mystérieux et jamais défini.

LA DERIVE MEDIATIQUE

La course médiatique est lancée entre les organisations d’extrême gauche pour les places à prendre. Chacune va faire assaut d’originalité, de radicalité dans le message envoyé aux électeurs, de séduction pour plaire à l’électeur,… faire « jeune et dynamique » reste le mot d’ordre secret qui fonde l’essentiel de l’action – principe marketing classique.

La LCR a fait son choix : ce sera Che Guevara et l’esprit libertaire ( ?)

Le premier a l’avantage d’avoir les tee shirt déjà imprimé et son romantisme révolutionnaire est depuis longtemps sur le marché un produit de grande consommation. Tirer les bilans des désastres des luttes – qui ont toutes échoué – en Amérique Latine et en Afrique (lieux de prédilection des actions du Che),… pas question… on fait dans le médiatique et l’affectif, pas dans le politique.

Le second, qui va plaire à n’en pas douter aux libertaires et anarchistes, va rafraîchir à peu de frais la rigueur d’un trostkysme austère plus du tout adapté aux exigences du « marketing politique ». Que va-t-il rester du trotskysme et du léninisme, et même du marxisme après ce ravalement ?… ça va être très intéressant de voir comment va être pris le virage qui, jusqu’à présent,… et puis qu’est ce au juste qu’un « esprit libertaire » ? On peut faire confiance aux théoriciens de la LCR pour nous concocter une analyse des plus soignée pour faire passer le tout pour une percée théorique fondamentale.

Enfin, n’étant « jamais aussi bien servi que par soi même » c’est la LCR qui va porter sur les fond baptismaux le nouveau parti qui, dans l’état de concurrence dans lequel sont les organisations, ne va pas manquer d’attirer l’essentiel du peuple (sic) et en particuliers les militants des autres organisations (re-sic).

On va assister, ce qui n’est pas nouveau, à une surenchère en « radicalité », un affinement de la rhétorique susceptible de rallier les plus déterminé-e-s et de séduire celles et ceux qui s’interrogent, une avalanches d’analyses expliquant le nouveau cours, un raffinement dans les apparitions publiques et les prouesses médiatiques … Mais pour faire finalement quoi ? Voter pour le candidat du nouveau parti et gagner quelques pourcentages !… Autrement dit, rien de neuf et rien d’essentiel.

Ainsi va la vie politique avec, ses pratiques dérisoires, ses erreurs maintes fois répétées, ses discours enflammés, ses meetings survoltés, ses vedettes médiatiques, mais aussi ses vains espoirs et ses illusions suivies des mêmes désillusions.

Le fait de confondre fidélité à une cause, à des valeurs, avec la fidélité à une organisation, de confondre le moyen et l’objectif, est le plus sûr moyen que rien ne change dans cette société. Les projets – toujours théoriques – soit disant « alternatifs » ainsi élaborés en dépit du bon sens de l’Histoire et en ignorant ses enseignements, ne sont que la répétition de stratégies qui ont largement fait la preuve de leur stérilité.

Patrick MIGNARD

Février 2008

Voir aussi :

« L’HERITAGE »

« DUALITE SOCIALE / DUALITE DE POUVOIR »

« MISERE DE LA CONDITION MILITANTE »

« ILS NE CEDERONT PLUS RIEN ! »