Le 27 novembre dernier, 4000 jeunes ont manifesté au rectorat de Nantes. L’évacuation du parc du rectorat a été demandée par le Recteur d’Académie qui avait auparavant interdit les réunions dans les établissements et demandé une présence policière à la porte des lycées. L’intervention des forces de l’ordre a été selon de nombreux témoignages d’une brutalité hors de proportion. Un jeune homme de 17 ans a été très grièvement blessé à l’œil, un autre à la mâchoire, par des tirs de flashball en plein visage.

Il semble bien que les manifestations de 2005 contre le CPE aient mis fin au traditionnel jeu de face à face entre les jeunes et la police. Si les manifestations n’étaient pas toujours bon enfant, c’est auparavant sans trop d’inquiétude que les parents voyaient les lycéens occuper la rue pour revendiquer haut et fort leur avenir; la citoyenneté active n’est pas juste une pratique d’isoloir.
Depuis les manifestations anti CPE, une recrudescence de faits atteste un glissement incontestable vers la violence ordinaire de la police à l’égard des jeunes manifestants. Les témoignages de menaces verbales ou physiques, de provocations des forces de l’ordre suivies de brutalités ne se comptent plus.
Des questions se posent qui vont au-delà des faits eux-mêmes :
Qui veut en découdre ? Qui autorise ces dérapages ? Que cherchent les autorités responsables en laissant s’installer de tels comportements?
Il est temps de rappeler que sont reconnues aux lycéens les libertés fondamentales d’expression, de réunion, d’association et que manifester n’est pas un délit. Si l’encadrement policier n’est pas capable ou ne se donne pas la capacité d’agir comme force d’apaisement dès lors qu’elle a affaire aux jeunes, on peut craindre que, dans les mêmes circonstances, les mêmes comportements fassent de nouvelles victimes.
L’enjeu démocratique est important et les conséquences tellement prévisibles qu’il faut que chacun se préoccupe d’éviter de nouveaux actes de violence. Déjà, des appels sont lancés pour que les organisations syndicales et de parents d’élèves accompagnent à Nantes les prochaines manifestations lycéennes. C’est bien le signe qu’un pacte déjà fissuré est en train de se rompre, un pacte de confiance dans la protection des jeunes, dans l’exercice de leurs droits, dans la liberté de leur expression.

Pourtant, il n’y a pas si longtemps en mai 2002, au moment des élections présidentielles et des manifestations qui ont suivi, les partis politiques, les syndicats et les médias félicitaient la jeunesse pour son sens de la responsabilité civique, son sérieux et son engagement. Les étudiants, les lycéens, les collégiens, des enfants avec leurs parents, manifestaient aux côtés de tous les défenseurs des droits de l’homme, des libertés et de la démocratie. Mais dès que ce large consensus n’est plus d’actualité, la possibilité pour les jeunes de défendre leurs droits et particulièrement leur droit de participation aux affaires qui les concernent est remise en question au moindre mouvement.

Force est de constater, aujourd’hui, que ces libertés fondamentales d’expression, de réunion, d’association, reconnues aux lycéens s’arrêtent aux portes de la classe et parfois même, aux portes du lycée.
Les lycéens sont-ils informés de leurs droits au sein des établissements, savent-ils qu’ils ont le droit à la parole sur toute affaire les concernant (article 12 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant) ?
Notre responsabilité d’enseignant est là : faire exister les droits pour qu’ils soient connus et reconnus, pour que personne, jamais, ne trouve légitime d’user de la violence contre les jeunes.

Le Comité d’Animation de l’ICEM-Pédagogie Freinet (Institut Coopératif de l’Ecole Moderne)
Le 1er décembre 2007 à Paris