Le journal le Monde nous informe que les étudiants sont des cons. En effet dans un article de ce vendredi 9 Novembre de Philippe Jacqué , nous pouvons lire que le mouvement étudiant actuel est noyauté par l’extrême gauche, manoeuvré par elle. Il faut être complètement débile pour croire un tel propos. Cependant relayé par un journal de référence, voilà comment on légitime une opinion, aussi basse soit-elle, nous renvoyant à l’heure du maccarthysme où toute mobilisation venait de Moscou.
Si ce monsieur avait quelque culture politique, historique ou sociologique, il saurait que l’extrême gauche en France est un groupuscule de quelques milliers de personnes selon un rapport des renseignements généraux publié en 2000, et l’extrême gauche sur les universités tout au plus trois cents dont au moins les deux tiers sur Paris. Ce qui, au final, ne fait plus beaucoup par Université (on compte plus de 80 universités en France). Que ces personnes participent aux AG est une chose, mais confondre participation et manipulation, d’autant que la tactique des années 70 d’avancée masquée n’a plus court. Elles ne sont que quelques poignées ici et là, donc n’ont pas les capacités de plier le vote. Alors croire que des assemblée générales de plusieurs centaines de personnes voire d’un ou deux milliers sont manipulées par l’extrême gauche, il n’y a qu’un pas que seul les imbéciles arrivent à franchir. Une telle affirmation suppose que les étudiants ne votent pas en conscience et sont des veaux. La conséquence de ce raisonnement biaisé est que les étudiants ne savent pas ce qu’ils font, dès lors ils ne sont plus souverains de leur vote et donc devrait être mis sous tutelle.

Cet article nous a rien appris de la loi. Il ne fait que jeter l’opprobre sur un mouvement social. Dès qu’un mouvement social se profile, il faut le déconsidérer et ne pas répondre sur le fond. Alors des fois c’est « les usagers qui sont pris en otages » et là nous sommes face « au mouvement étudiant noyauté par l’extrême gauche ». Le journalisme au lieu de nous rendre intelligent se fait alors le relais des puissants. Car cette propagande ne sert que les personnes qui ont envie de décrédibiliser un mouvement social sans débattre sur le fond.

Cette loi donne la pire autonomie aux universités. Ce n’est pas une autonomie de la communauté universitaire, ils l’ont théoriquement pour l’instant, mais l’autonomie financière, ce qui change tout. A partir de ce moment, les présidents d’université, au pouvoir élargi, deviennent des managers. Il s’agit alors pour eux d’aller chercher les financements là ou ils sont, c’est-à-dire vers les entreprises locales. Il s’agira alors pour elles de capter l’intelligence et les savoirs découverts, l’intelligence collective issu de l’université. Ceci ne se fera alors pas sans une reconfiguration de l’université. Il n’y aura pas de fermetures de filières, mais une reconfiguration de ces savoirs dans leur rapport à l’entreprise. Nous pourrions même dire que la norme-étalon, c’est-à-dire l’univers et les lois à l’aune des quels les savoirs seront jugés seront celle de l’entreprise. Par exemple pas de fin de la sociologie mais une sociologie au service du marketting ou encore au service de la gestion des populations ; une philosophie à la Comte-Sponville cherchant à justifier l’action des puissants, et puis quelques labos clairsemés indépendant. Les sciences seront au service de l’industrie (pharmacetique, nucléaire, énergie etc..). Bref il s’agit d’un nouveau dispositif de capture du general intellect. Ceci bien évidemment sera, non seulement inclus dans un bassin local d’emploi, mais également dans une compétition nationale européenne et mondial. Certaines universités deviendront des Harvard à la française, c’est-à-dire des pôles d’excellence dans la capture des savoirs et des financements. Il va sans dire que les universités Parisiennes (Panthéon Sorbonne mais pas Nanterre, Assas mais pas Tolbiac) et quelques unes en province, par exemple Grenoble ou l’université est déjà au service de la technopole, tireront leur épingles du jeu. Les universités telle que Rennes II ou Nantes (spécialement Lettre/Sciences Humaines, de nombreuses filières en science etc…) seront les dernières roues du carrosse. Ainsi le mouvement contre la LRU, est une enjeu : quel type d’université voulons nous ? Doit-elle être uniquement au service des entreprises ? Doit-elle servir le citoyen ? Etc. Un vrai débat politique que le Monde, les médias, les politiciens ne veulent pas entendre.

Je vous renvoie pour la suite aux articles du Monde Diplomatique qui parlent un peu de cela et sont consultables en ligne.