APPEL DE TOULOUSE

Si nous sommes fiers d’un trait de notre caractère, c’est bien de notre rage contre l’idée que ce monde puisse recommencer, quand bien même ce serait d’une meilleure façon : devant les nouvelles « bonnes volontés », les nouvelles modes, les alternatives, quand un Sarkozy nous parle de « rupture », il y a quelque chose en nous qui, même dans l’admiration d’un nouveau téléphone portable, des énergies renouvelables, des promesses du plein emploi et d’une paix à l’échelle mondiale, ne peut retenir un accès de violence.

C’est précisément ce qui est perdu dans la volonté aveugle de ceux qui aiment notre temps et qui veulent à tout prix en faire un monde heureux, y compris un monde heureux grâce à notre « misère ». Des idées comme démocratie participative, insurrection électorale, révolution écologique, révèlent l’esprit de hyène qui se cache dans tous ceux qui nous disent que ça va s’arranger : l’essentiel est à chaque fois de montrer que la situation est en train de changer, ou sur le point de changer ; ou qu’elle pourrait commencer à changer et que les signes autour de nous sont à déchiffrer dans ce sens. Il faut frapper sans retenue ceux qui, dans le malaise général, font de la souffrance des plus démunis, les nouvelles possibilités du bonheur.

Ce que signifie l’élection de Sarkozy, c’est la fin de la thématique de la gauche, de ses constantes décompositions, de la possibilité de sa victoire. La gauche est morte et le sarkozisme dans toute sa splendeur répressive se déculpabilise en criant sur les toits : « La gauche ne fait plus peur à personne, vivent les riches, à bas les pauvres ! ».

Pour notre génération, la légitimité à mettre son existence toute entière en jeu contre une certaine vision du monde faisait défaut jusqu’alors. Il y avait toujours une loi passée en force, un projet de loi ou un gouvernement scélérat qui masquaient notre désir profond d’un changement radical. Par le passé pourtant, les guerres puis les luttes sociales avaient des fronts identifiables. Par exemple, les termes prolétaires et bourgeois avaient un sens clair et net. Trouver son camp était comme une évidence. C’est cette évidence que remet au jour le sarkozisme. Tous ceux qui ne s’y opposent pas, répondent du sarkozisme ! La LCR qui a condamné les violences au soir de l’élection présidentielle. Le PS et ses rats qui quittent le navire. Les syndicats qui ne savent qu’attendre.

C’est pourquoi, nous ne les laisserons pas prendre en main la contestation qui là ; ils ne veulent pas combattre, mais seulement mourir en paix. La nostalgie des légitimes revendications des travailleurs, de la Sécu, des fonctionnaires solidement organisés, des instituteurs de l’école laïque ne fait plus bander ceux qui, au soir de l’élection de sarkozy, partout en France, dans les centres-villes comme dans les quartiers, affirmaient, dans leur manière de s’y opposer, la vie toute entière comme politique.

Partant de là, nous n’avons plus rien à dire au pouvoir ; juste à l’affronter. Notre force est d’être libre de toute organisation politique. Nous ne revendiquons rien, nous agissons. Ne nous contentons pas de remporter des batailles. Entrons en résistance.

Entrer en résistance, c’est lutter contre l’ignominie d’un Sarkozy, mais c’est surtout faire émerger localement des points où partager des idées, c’est dans le même temps partager des pratiques.

Les résistants de la première heure n’ont que leurs certitudes pour tenir bon. L’une d’entres-elles est que beaucoup seront amenés à les rejoindre.

Des occupants de la fac Toulouse le Mirail