Parole à la défense

Le 7 mai 2000, 200 personnes participaient au Festival de résistance aux OGM. Celui-ci se concluait par la décontamination d’un centre expérimental de la firme Monsanto. Le 10 mars 2003,
lors de l’audience d’ouverture du procès, les 13 prévenus se sont exprimés sur le contexte et les motivations de leur action. Deux témoins y ont pris la parole : Jacques Van Helden et Paul Lannoye.

Le lundi 6 octobre 2003, une journée de plaidoyer pour la liberté du vivant et des hommes qui en prennent soin aura lieu devant la 10ème chambre du Palais de Justice de Namur.

Au programme :

* 9h00 Petit déjeuner.

Ensuite, quatre nouveaux témoins seront appelés à la barre :
– Gabriel Dewalle, endivier français, éclairera le rôle du développement et des technologies en tant que machines à éliminer les paysans;
– Percy Schmeiser, agriculteur canadien, expliquera comment il a été poursuivi par Monsanto pour  » vol de technologie  » à la suite de la contamination de ses champs par des OGM semés à proximité;
– Michel Tibbon-Cornillot, épistémologue, interrogera les catégories sur lesquelles se fondent le caractère scientifique et la légitimité des pratiques en biologie moléculaire;
– Jean-Pierre Berlan, directeur de recherches à l’INRA (Institut National de Recherche Agronomique), nous initiera à une lecture des OGM agricoles en tant qu’aboutissement d’un double mouvement, en cours depuis 150 ans, d’industrialisation de l’agriculture et de privatisation du vivant

* 13h30 Repas bio et convivial avec Kokerellen

* 19h30 Conférence :  » La résistible imposition des OGM en agriculture  » aux Facultés Universitaires Notre Dame de la Paix, Aula Maior, 1 Rue Grafé, 5000 Namur

Avec : Percy Schmeiser (Canada), Gabriel Dewalle (France), Paul Lannoye (Belgique).
Contact : 085/61.38.92 ou soutien7mai@altern.org

Parallèlement, une seconde conférence aura lieu à Bruxelles :  » Les OGM, point de bascule des rapports entre science et société ? « 

Orateurs : Jean-Pierre Berlan (France), Isabelle Stengers (Belgique), Michel Tibon-Cornillot (France), Jacques Van Helden (Belgique), Jean-Claude Grégoire (Belgique), Sébastien Denys (Belgique)
Lieu : ULB (auditoire H.1301 (bâtiment H, niveau 1))
Contact : 0473/315.639 ou soutien7mai@altern.org

Le dernier acte du procès se tiendra quant à lui le lundi 17 novembre 2003. Il sera consacré aux plaidoiries.

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Un dossier complet (38 faces) sur la décontamination chez Monsanto et l’ouverture du procès vous sera envoyé sur demande à soutien7mai@altern.org
Photos et compte-rendu du Festival de résistance aux OGM : http://sbb.collectifs.net
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Rappel du contexte et de la procédure
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 » Festival de résistance aux OGM « 

La décontamination du 7 mai 2000 clôturait le Festival de résistance aux OGM. Dans la matinée, Isabelle Stengers (professeure de philosophie des sciences à l’ULB) avait animé un débat où intervenaient Paul Lannoye (député vert européen), Marc Vanoverschelde (paysan du Mouvement d’Action Paysanne), René Riesel (éleveur de brebis en Lozère) et Jean-Pierre Berlan (directeur de recherches à l’INRA). La majorité des participants s’est ensuite rendue à Marchovelette, localité située à quelques km de Namur, d’où s’est élancé vers le centre d’expérimentation de Monsanto à Franc-Waret un cortège coloré et dansant, entraîné par la musique du groupe  » René Binamé et les roues de secours « . Peu après l’arrachage, Monsanto décidait de fermer deux de ses quatre implantations en Belgique, au nombre desquelles le Centre de dissémination de Franc-Waret.

* Les préventions

Sur la base d’une plainte déposée par Monsanto, 13 des 200 participants à la décontamination sont arbitrairement choisis, pour être inculpés :
– de  » violation de domicile « ,
– d’avoir  » méchamment coupé ou dévasté  » des cultures de colza, d’orge de printemps et de blé d’hiver,
– d’avoir  » méchamment ravagé  » des semis de maïs et de betteraves.

* Les prévenus

Sébastien DENYS, Jean-François JACQUET, René RIESEL, Gilles HENROTAY, Paul WILMES, Jacques BOULVIN, Nicolas VANDENBROUCKE, Cédric LOSANGE, Isabelle STENGERS, Frédéric LEVEQUE, Vincent WATTIEZ, Paul VERJANS et Chantal CORNET

* Les exigences de Monsanto

Monsanto réclame 137 500 euros (soit 5.131.000 Fb) en dommages et intérêts, sans justifier le moins du monde l’ampleur de ce montant. Que du contraire, puisque certaines des dépositions de travailleurs de la multinationale indiquent que les plants piétinés n’étaient pas génétiquement manipulés.

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Monsanto traîné en justice par 13 décontaminateurs
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Quel crédit accorder à Monsanto et à ses semblables semenciers lorsqu’ils prétendent s’engager dans des combats contre la  » Faim dans le Monde  » ou contre l’utilisation accrue de produits chimiques, phénomènes dont leur activité est la principale cause ?

Le  » pedigree  » de la Monsanto Chemical Company est explicite. Depuis sa création à la fin du XIXme siècle, la multinationale américaine s’est toujours distinguée par la toxicité de ses activités, produisant entre autres l’Agent Orange pour l’armée américaine, lors de la guerre du Vietnam. Avec les OGM (80% des OGM du monde appartiennent à Monsanto) – et particulièrement avec les moins hypocrites d’entre eux, la gamme des  » Terminator  » – la multinationale, autoproclamée leader des  » Sciences de la vie « , s’attaque à cette fâcheuse caractéristique des êtres vivants : leur faculté de se reproduire librement. Les plantes visées subissent une stérilisation par modification génétique, ce qui contraint les fermiers à racheter des semences chaque année aux sélectionneurs professionnels. Ce mécanisme, inauguré au début du Xxme siècle avec la production des  » variétés hybrides « , instaure une dépendance des paysans inédite dans l’histoire de l’agriculture. Les semenciers produisent aussi les herbicides et les pesticides auxquels 70% des OGM agricoles – de leurs OGM – sont rendus tolérants.

L’introduction du génie génétique dans l’agriculture participe d’une fuite en avant technologique dans une agriculture toujours plus industrialisée, déshumanisée et uniformisée, et approfondit un mouvement mondial de recul de la souveraineté du Sud envers le Nord, des paysans envers l’industrie, des citoyens envers les marchés, de la politique envers l’économie.

Dernier avatar d’une science qui, depuis Descartes, s’est donné pour objectif de nous rendre  » comme maîtres et possesseurs de la Nature « , les biotechnologies tiennent pour un progrès la réduction des êtres vivants à un mécano physico-chimique aux rouages interchangeables à volonté. Au croisement de logiques techno-scientifique (de maîtrise), technocratique (de contrôle) et marchande (d’appropriation), la biologie moléculaire est d’autant moins capable de se détourner par elle-même de postulats théoriques dont la faillite est pourtant complète : le modèle un gène-une protéine, l’irréversibilité de l’enchaînement ADN/ARN/protéine etc.

Le 7 mai 2000, les 200 personnes qui ont manifesté leur refus tant de Monsanto que des expérimentations ou des commercialisations d’OGM ont rappelé pratiquement que la société du  » tout génétique  » n’est pas le seul scénario possible. N’en déplaise aux propagandistes de  » l’Homme programmé « , aucun gène ne prédispose au fatalisme et à la passivité.

Ce procès nous donne l’occasion de réitérer notre interpellation, et de la partager avec vous.

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En Belgique et partout ailleurs : les OGM, ferments d’un laboratoire… civique
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Une nuit de 1987, deux mille fraisiers sont arrachés dans l’enceinte de l’Université de Californie. La première dissémination à l’air libre de plantes génétiquement modifiées est ainsi surtout restée dans l’histoire comme la première manifestation pratique de l’opposition aux OGM.

En Inde, depuis la fin des années 90, le KRRS, puissant syndicat agricole, fédère la grogne et réactualise le Quit India Mouvement de la guerre d’indépendance en détruisant successivement le siège local de la multinationale semencière Cargill, et des champs d’OGM. Une pratique réitérée à plusieurs reprise en France, en 1999, lors de la Caravane Intercontinentale qui a traversé l’Europe : cinq cent Indiens viennent témoigner,  » après avoir bouté les Anglais, nous devons bouter les multinationales « . Ils sont 30 000 lors d’une manifestation qui clôturait le Tribunal populaire des semences de Bangalore, le 26 septembre 2000, à lancer un appel à la  » destruction de tout essai transgénique. Ici et partout sur la planète. « 

Depuis lors : Pays-Bas, Allemagne, Angleterre, France, Brésil, Philippines … autant de laboratoires qui ont vu se développer une résistance croissante à l’exploitation transgénique de la terre.

En Belgique, les OGM émergent publiquement à l’occasion de l’arraisonnement, par Greenpeace, de navires transportant des cargaisons de soja transgénique. C’est déjà lors d’une conférence organisée par Monsanto avec le soutien de la Commission européenne qu’a eu lieu la première action organisée par le comité belge d’accueil de la Caravane Intercontinentale, au printemps 1999, pour contester le confinement de fait que subissent les questions qui y sont abordées. La dépendance des agriculteurs vient à l’avant-plan, c’est l’époque de Terminator.

Le réseau CAGE naît alors d’un constat : les OGM sont bel et bien présents dans notre alimentation mais personne ne le sait et surtout ne fait quoi que ce soit. S’ensuivent une trentaine d’actions dans les supermarchés, au cours desquelles cinquante mille autocollants  » Risque d’OGM  » seront appliqués sur les produits contaminés. En quelques mois, presque toute la filière agro-alimentaire, des producteurs aux distributeurs, tourne le dos aux OGM.

S’il y a des OGM dans notre alimentation, il y en a aussi dans notre environnement : voilà ce que 200 personnes dénoncent publiquement le 7 mai 2000 au sein du Centre de recherches de Monsanto à Franc-Waret (Namur). Il s’agit de la première destruction d’expérimentation transgénique en Belgique.

Depuis lors, une douzaine d’expérimentations a été interrompue par l’intervention de groupes anonymes. A tel point que, l’année passée, la question de la pertinence de ces parcelles de dissémination est ouvertement posée, qu’une centaine de communes adopte une motion contre l’implantation des OGM sur leur territoire et que plusieurs autres implantations font l’objet d’intenses polémiques locales. Les entreprises impliquées ont finalement annoncé, par la voix du lobby BelgoBiotech, qu’elles interrompaient leurs expérimentations. C’est ce nouveau paysage que nous entendons préserver, et ce malgré la levée annoncée du moratoire européen sur l’autorisation commerciale de nouveaux transgènes.