Dans la nuit du 7 au 8 septembre dernier, à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, près d’une centaine de squatters ivoiriens ont été délogés du campement qu’ils avaient établi depuis le mois de juillet à la suite d’une première expulsion de quelques familles de leur logement occupé illégalement, et en solidarité avec elles. Cette brutale opération policière est le résultat d’une décision de justice obtenue par la municipalité d’Aubervilliers quelques jours auparavant.

Jusque là, cet événement tragique et inhumain reste malheureusement un fait divers que la décomposition sociale a fait entrer dans la banalité. Les discours fermes et décidés de Nicolas Sarkozy sur la nécessité de produire des résultats tangibles en matière de lutte contre l’immigration clandestine trouvent là leur traduction immédiate au plan local. Sauf que ce qui aurait pu paraître cohérent de la part d’une municipalité UMP l’est déjà moins de la part de la mairie d’Aubervilliers, dirigée par le PCF, qui a toujours été parmi les premiers à dénoncer vigoureusement les politiques de l’immigration des gouvernements de droite, et qui s’est toujours fait le fer de lance à gauche de la promotion d’une politique du logement humaine et respectueuse des besoins des plus démunis.

En 2005 le PCF « [refusait] l’expulsion des immigrés et [appelait] l’ensemble des forces
démocratiques à résister » (www.pcf.fr) et en 2006, le même parti écrivait : « Expulsions : Sarkozy veut du chiffre. (…) Il faut que les avions partent à l’heure, il faut que les pilotes n’aient pas d’état d’âme et que les passagers ne disent mot et consentent. Il faut s’il est besoin menotter les élus. La machine à expulser doit fonctionner. Elle fonctionne jusqu’à l’absurde » (Ibid).

Que la bourgeoisie se rassure : d’état d’âme, il n’y en a pas quand c’est le PCF lui-même qui est aux commandes. La dénonciation d’une logique « absurde » s’efface derrière les « procédures contrôlées et démocratiques » d’attribution de logements sociaux, selon les propres termes du maire d’Aubervilliers, et que la clique stalinienne au pouvoir dans la commune entend bien faire respecter par la justice et par la force, cette même justice et cette même force qui sont pourtant aux mains d’un Sarkozy honni par son inhumanité et sa brutalité aveugle.

Les femmes et les enfants traînés violemment par les forces de l’ordre apprécieront cette fermeté « communiste » à sa juste valeur. Mais peut-être n’est-il pas inutile de leur rappeler qu’en la matière, le parti stalinien n’est est pas à son coup d’essai. Loin de là ! En 1979, des maliens qui refusaient d’être expulsés d’un foyer de Vitry-sur-Seine avaient goûté à la délicate intervention d’un bulldozer. En 1992, c’est à Montreuil-sous-Bois, autre fief du PCF, que des ouvriers immigrés était jetés dans la rue, pendant que dans la plupart des communes de la « ceinture rouge » parisienne (nom donné en raison de l’encerclement de Paris par des communes de banlieue aux mains des staliniens), le PCF participait comme tout parti bourgeois à faire raser les quartiers d’ouvriers pour réaliser en fait des profits dans la construction immobilière.

Cette politique n’est ni circonstancielle, ni liée à quelques corrompus qui occuperaient les mairies en question. La politique anti-immigrés pratiquée par le PCF relève de son attachement ancien à la défense du capital national. Voici ce que nous écrivions à ce sujet il y a presque dix ans : « Au nom du « travailler français », il organise des actions-commandos contre le minerai « allemand » et exige le refus d’embauche de main-d’oeuvre « étrangère » (notamment lors de la grève des marins, en novembre 78). Faisant de la suren­chère sur les mesures anti-immigrés adoptées par le ministre Stoleru, il réclame carrément au gouvernement Giscard « l’arrêt de la politique d’immigration » et pousse aux expulsions d’im­migrés dans les communes qu’il dirige en récla­mant la fixation d’un « quota d’immigrés ». Le chauvinisme du parti stalinien passe par des campagnes racistes et xénophobes qui n’ont rien à envier à ce que mettra bientôt en avant à son tour le Front National. Ainsi, plusieurs maires staliniens de la région parisienne prennent des initiatives contre l’augmentation du nombre d’immigrés dans leur commune. (…) en février 1981, le si « démocrate » et « débonnaire » secrétaire général actuel, Robert Hue organise une mani­festation dans sa commune de Montigny-lès-Cormeilles pour faire expulser une famille ma­rocaine sur laquelle il a fait courir la fausse rumeur qu’elle se livrait à du trafic de drogue » (voir Le PCF contre la reprise de la lutte de classe (1968-1989) dans RI n° 283, 284 et 285, octobre à décembre 1998).

Et quand il s’agit d’obtenir du soutien dans sa politique, le PCF peut compter sur tous les courants de sa classe pour voler à son secours. La ministre du logement, d’abord, Christine Boutin qui a rappelé qu’ « une décision de justice doit être appliquée, sinon nous ne sommes plus un Etat de droit ». Et quand Rama Yade, la froide Cruella mascotte du gouvernement, vient verser ses larmes de crocodile auprès des familles dont elle ne peut qu’ignorer la profonde détresse qu’ils vivent, c’est Lutte ouvrière qui vient tancer la vilaine Rama en lui rappelant que la plupart des communes UMP de la banlieue parisienne ne respectent pas les 20 % de logements sociaux imposés par la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) et qu' »elle ignore donc volontairement l’attitude de ses amis politiques sur ce terrain-là pour ne consacrer son temps et ses critiques qu’aux communes dirigées par le Parti communiste ! » (LO du 14 septembre). Une honte, en effet : après tout, les communes staliniennes, si elles ne font pas mieux que leurs voisines de droite, elles ne font pas pire non plus ! Elles prennent et appliquent simplement les décisions rendues nécessaires par les intérêts d’un capital en crise, qui jette toujours plus de prolétaires à la rue, sans aucun moyen de survivre et sans s’en soucier le moins du monde.

Cette politique menée depuis des décennies par le PCF ne peut que pousser au dégoût quand on voit qu’ils osent encore imprimer l’Humanité tous les jours sur leur journal historique. Il y a bien longtemps que le sort de l’humanité ne figure plus dans la liste des préoccupations d’une clique politique certes moribonde mais qui défendra son camp et sa classe, la bourgeoisie, sans fléchir, jusqu’à son dernier souffle.

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Courant communiste International.