[TIERRA Y LIBERTAD, periódico mensual de la Federación Anarquista Ibérica, # 227, junio 2007]

Au premier trimestre 2007, 23 manifestations populaires furent réprimées par le gouvernement vénézuelien et 99 activistes furent détenus. Ce fait évoque le malaise grandissant ainsi que la criminalisation des revendications sociales dans ce pays latinoaméricain, réalité recouverte par la propagande et la mystification d’un régime qui se valorise comme l’avant garde du « socialisme du XXI siècle », avec l’appui de différents groupements et personnages liés à la gauche autoritaire du monde entier.

Malgré tout, ceux qui s’intéressent à la situation réelle des opprimés et des exploités au Vénézuela connaissent les inconséquences et les contradictions du gouvernement populiste emmené par le militaire Hugo Chavez. Loin d’avancer structurellement vers la réduction des inégalités et le déroulement des possibilités de développement social, le gouvernement régnant à Caracas continue à maintenir une des distributions des richesses les plus injustes du Continent, approfondissant de surcroît le rôle assigné au pays par la globalisation économique comme fournisseur d’énergie au marché mondial, avec les corporations transnationales du pétrole comme associées choyées et bénéficiaires principales de l’action de l’Etat vénézuelien. Après huit années et demi d’un gouvernement comptant sur les plus hauts cours du pétrole, avec une rentrée fiscale la plus élevée de l’histoire nationale, les résultats sociaux des politiques du chavisme sont médiocres, l’apparition d’une nouvelle bourgeoisie parasitaire des faveurs de l’Etat, la « bourgeoisie bolivarienne », en étant l’aspect le plus remarquable.

Selon des statistiques et des informations gouvernementales récentes, 5 millions de travailleurs -46,5% de la force travailleuse- se maintiennent dans le secteur informel de l’économie, 43 % des travailleurs reçoivent une rémunération inférieure au minimum légalement permis -un peu plus de 200 dollars par mois-, 2 millions et demi de personnes rêvent d’une habitation décente, 18% de la population souffre de dénutrition, le réseau des hopitaux publics présente des carences et des limites de tous types, 90% de la population indigène vit dans des conditions de pauvreté, plus de 400 personnes meurent violemment chaque année dans les prisons et il y a une moyenne mensuelle de 15 personnes tuées par les corps répressifs de l’Etat.

Le gouvernement vénézuelien a maintenu ces cinq dernières années une dispute intra-classe avec certains secteurs traditionnels de la bourgeoisie locale, au moyen d’une forte polarisation politico-électorale qui a permis de diviser, d’immobiliser et de récupérer les mouvements sociaux du pays. Quiconque critique la corrompue, inefficace et frondeuse bureaucratie officielle est qualifiée de suite comme étant « au service de l’impérialisme » et, sous couvert de « faire face aux pratiques de coups d’état et aux provocations réactionnaires », diverses lois ont été promulguées qui pénalisent avec la plus grande force les actions de rue et les grèves dans les entreprises de base de l’Etat. Ce sont là des pans des mécanismes légaux qui, depuis 2006, ont été utilisés contre les mobilisations populaires qui, en tentant de récupérer leurs propres revendications, manifestent toute les semaines pour le droit à la sécurité personnelle, pour un logement digne, l’emploi et des conditions de travail décentes. La réponse gouvernementale a été des bombes lacrimogènes, du plomb et des détentions.

Devant la polarisation qui trompe et qui est vécue dans le pays, et en particulier en réplique au mandat présidentiel de dissoudre des partis et d’autres groupements pré-existants pour s’affilier au parti unique du chavisme, le PSUV, diverses organisations du Vénézuela essaient de construire des espaces d’autonomie pour les mouvements sociaux. Parmi ces organisations, il faut remarquer le travail des compagnons hommes et femmes, anarchistes, qui, à partir de diverses initiatives, comme la publication et la diffusion du journal El Libertario (www.nodo50.org/ellibertario), construisent une alternative éloignée autant de l’opposition socialdémocrate et de droite que du capitalisme de l’Etat bolivarien. Mais cet effort anarchiste pour construire des options et des voies conséquemment autonomes impliquent des risques: le Libertario, par exemple, doit faire face à une campagne systématique de récriminations et est discrédité par des groupements factices payés par l’Etat, ainsi qu’à un harcèlement croissant contre l’activisme antiautoritaire.

Ce présent manifeste veut rappeller aux compagnons et compagnes libertaires du Vénézuela, ainsi qu’aux autres organisations sociales autonomes de base dans ce pays, qu’ils peuvent compter avec notre estime, notre appui et notre solidarité. Nos organisations et initiatives anarchistes dénonceront, dans la mesure de leurs possibilités, la démagogie et l’incohérence qui se cachent sous l’alibi de la « révolution bolivarienne », en activant les mécanismes d’appuis nécessaires à chaque attaque gouvernementale contre les aspirations concrètes de justice sociale et de liberté du peuple vénézuelien.

Internationale des Fédérations Anarchistes
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