Suivant un appel lancé sur le net, 200 à 300 personnes se sont réunies place Royale mercredi vers 18h afin de participer à une Agora, à une Assemblée citoyenne, peut importe le nom qu’on lui donne, nous étions là dans le but de discuter, de débattre et surtout de s’organiser.
Une table était montée au pied de la fontaine, un microphone était à disposition et la voiture de CRS avait pris place sur le côté, passive pour l’instant, devant une foule calme et détendue.
La prise de parole à d’abord été difficile et comme toujours quand il s’agit de parler en public, les « habitués » ont commencé. Appel à s’organiser, à créer un réseau de résistance et de veille par le biais d’un site web et d’une newsletter d’information et de communication. L’idée étant de devenir le plus réactif possible en cas de nécessité de mobilisation rapide ou ne serait-ce que pour communiquer les dates et heures de rassemblements .
L’idée est bonne mais certains prennent la parole pour appeler à plus. Et dans cette veine, les idées sont nombreuses: investir et développer des médias alternatifs par exemple afin d’informer sur les faits et de proposer d’autres manières d’analyser la réalité politique que celle des médias de masse. Des sites comme Indymedia existent déjà mais la proposition est plus celle de créer un journal papier qui pourrait circuler facilement, être accessible à tous et créer une dynamique de mobilisation. Ensuite, d’autres appellent à créer, à s’exprimer de la manière qui nous ressemble individuellement: la musique, la peinture, le montage pour faire des affiches, la vidéo, que sais-je encore, l’esprit de ces interventions était d’appeler à la créativité, à la prise d’initiative pour faire vivre un mouvement de résistance positive en plus de la position de veille que nous devons tenir pour répondre aux invectives de nos amis des hautes sphères.
L’un ne perdure pas sans l’autre.
Mais la réussite de cette Agora est marquée aussi par la prise de paroles de personnes n’ayant pas l’habitude de s’exprimer en public. Certains nous ont parlé d’eux, d’autres de leurs analyses et idées sur la situation. Et bien entendu, à travers ces témoignages, la gestion policière des manifestations des soirs précédents est apparue dans toute sa violence et son absurdité. Plusieurs ont raconté comment ils s’étaient fait insultés, photographiés, fichés alors qu’ils rentraient chez eux. Le délit de sale gueule semble être devenu banal ces derniers jours. On peut sentir la révolte collective quant à ces problèmes, un sentiment d’injustice partagée par les personnes réunies sur la place. Des huées montent en direction des CRS postés à l’écart et la tension monte d’un cran quand une jeune fille gueule son dégoût car elle vient de se faire insulter par un des CRS. Elle décide, comme l’avait conseillé un intervenant, de demander son nom, grade et matricule au CRS en question mais celui-ci nie l’obligation. Les droits et devoirs des forces de l’ordre en matière de respect des libertés individuelles devraient être clarifiés pour tous afin de pouvoir se défendre en cas d’interpellation.
Les prises de parole continuent, des étudiants, des jeunes issus des quartiers, des travailleurs, des personnes à la rue, des mères, la diversité fait plaisir à voir et l’investissement de la place royale comme lieu de rassemblement est intelligent ne serait-ce car cela n’exclut personne et permet de ne pas cantonner ce mouvement aux espaces et acteurs de la fac trop routiniers.
A plusieurs reprises, on appelle à prendre conscience de nos différences en matière de raisons d’agir, d’opinion politique, d’appartenance à des organisations et c’est un point positif de ce rassemblement que d’être resté, et je l’espère pour longtemps, indépendant de toute affiliation à un parti ou une organisation de quelque sorte que ce soit. Il semble que les « habitués de la mobilisation » avaient compris l’inutilité et le danger de parler au nom d’un collectif quand le but est de rassembler et de s’organiser dans le respect de chacun. L’énergie et l’impulsion de ces acteurs est nécessaire et peut être tout à fait positive si non abusive.
Bref, le bilan est motivant pour la suite.
Soyons encore plus nombreux et créatifs mercredi prochain et je crois bien que nous allons voir pas mal de choses intéressantes pousser sur les murs de la ville ainsi que derrière notre écran d’ordinateur ces prochains jours et semaines.
On m’a dit que la fin du rassemblement s’est passée dans plus de confrontation avec nos amis les bleus mais je n’en sais pas plus et je ne pense pas que c’est ce qu’il faut retenir de cette soirée.