M. le maire François Rebsamen
Mairie de Dijon
Place de la liberté
21000 Dijon

Monsieur le Maire de Dijon,

Sans consultation publique, la mairie de Dijon s’apprête à prendre des
décisions qui pourraient mener à la fin de l’Espace Autogéré des
Tanneries, lieu autonome d’activités culturelles, sociales et politiques
ouvert en 1997 à la suite d’une occupation de locaux laissés à l’abandon
par la Mairie de Dijon. Suite à quelques années de lutte contre des
menaces d’expulsion, le lieu bénéficiait depuis 2002 d’une convention
d’occupation gratuite.

Pourtant la Mairie a récemment fait des propositions à la Générale de
Santé, premier trust hospitalier en France, contrôlé par des fonds de
pension et ayant réalisé la moitié de ses bénéfices en 2006 sur des
opérations de spéculation immobilière. Les négociations en cours
pourraient aboutir à octroyer à cette multinationale l’ensemble des
terrains dont les Tanneries occupent une parcelle, afin qu’elle y
construise un mégapôle hospitalier privé de dix hectares, et ce en
fermant les quatre cliniques qu’elle détient actuellement dans
l’agglomération.

Nous pensons que la Mairie de Dijon devrait revenir sur ses propositions
et affirmons aux cotés du collectif des « Tanneries » qu’après dix ans
d’activités et de travaux, cet espace autogéré ne doit pas être déplacé
ni dépecé.

L’Espace Autogéré des Tanneries est en effet installé sur un espace
restreint en périphérie d’un terrain immense sur lesquels divers projets
d’urbanisme sont possibles. Si un nouvel aménagement du quartier se
concrétise, nous souhaitons qu’y demeure ce que les collectifs impliqués
aux Tanneries y ont construit : les structures et le projet dans sa
globalité. Ce n’est manifestement pas impossible vu la taille de
l’espace disponible, et avec une volonté politique en ce sens le
maintien des Tanneries peut aller de pair avec d’autres plans
d’aménagements.

Pourquoi avons-nous choisi de soutenir l’Espace Autogéré des Tanneries ?

Les « Tanneries », c’est une salle de spectacle, un collectif
d’habitation, un espace d’informatique populaire, de développement des
logiciels libres et de maintenance de serveurs indépendants, une zone de
gratuité, un espace mécanique et vélo, des locaux de répétition et de
sérigraphie, une salle de réunion, un potager, un centre de diffusion et
de création de presse alternative, un centre d’aide juridique et
pratique aux occupant·e·s sans droits ni titre et mal-logé·e·s, une
bibliothèque, des chantiers d’auto-construction écologique, des dizaines
d’associations, collectifs, réseaux locaux et internationaux qui
viennent y organiser des soirées, actions, ateliers et échanges de
savoirs, des réunions et des projets…

Alors que le fonctionnement de nombreux lieux culturels publics est
dépendant des politiques institutionnelles et les espaces privés du
commerce et des sponsors, il y a aux « Tanneries » des centaines de
personnes qui, chaque semaine viennent faire vivre une culture
indépendante et participer à des activités accessibles gratuitement ou
sur la base de participations aux frais. Pour garantir sa liberté, le
lieu a toujours fonctionné sans subventions ni salariat.

Dans un pays où les structures autogérées sont quasi systématiquement
réprimées et donc précaires, les « Tanneries » sont un des trop rares
exemples de projet qui a pu s’inscrire dans le long terme. Il est à ce
titre devenu un espace ressource et un maillon important d’une scène
culturelle et militante autonome en Europe.

Les « Tanneries » offrent des outils pour s’engager, se confronter
concrètement à ses idées et se réapproprier des savoirs faire. Les
collectifs et individus impliqués dans le lieu cherchent à faire tomber
les barrières entre la « vie personnelle » et le «monde politique », à
autonomiser plus qu’à assister, à agir collectivement et directement sur
ce qui nous opprime plutôt qu’à déléguer, à s’organiser sur des bases
formelles horizontales plutôt qu’autoritaires et hiérarchisées. Les
Tanneries remettent en cause les logiques marchandes et l’accumulation
de biens pour prôner la propriété d’usage et les échanges solidaires.
Elles cherchent à oeuvrer en direction d’une société qui ne soit plus
fondée sur les rapports de profits et de domination, sur le racisme, le
sexisme et l’homophobie.

Les « Tanneries » ne se fantasment cependant pas comme un quelconque
univers utopique « en-dehors » de cette société mais comme un processus
qui se construit à tâtons sans prêt-à-porter idéologique… Les
« Tanneries » ne se vivent pas comme une gentille alternative parallèle
qui se construirait en ne bousculant pas trop les pouvoirs en place. Si
cette expérience persiste, c’est afin de contribuer à une lutte globale
pour que se multiplient des espaces autogérés et des foyers de
contre-pouvoir.

Si la Mairie de Dijon optait pour la disparition des Tanneries, elle
s’engagerait ainsi avec le Parti Socialiste, dans le sens d’une France
sécuritaire, aseptisée et privée de ses lieux de résistance,
d’expérimentation et de culture populaire.

Sincèrement,