A l’approche du premier tour de la présidentielle, tout est bon pour convaincre les indécis de « voter utile », y compris les faux sondages et la « méthode Coué ».

Dans une interview publiée par Le Parisien-Dimanche, le président du Front national Jean-Marie Le Pen affirme ne pas croire que la candidate socialiste Ségolène Royal sera au second tour. Lui, en revanche, s’y voit comme en 2002.

« Je pense être mieux placé pour représenter la France dans son continuum historique que M. Sarkozy », réaffirme au passage le dirigeant d’extrême droite, en faisant allusion aux origines étrangères des parents du candidat de l’UMP.

Nicolas Sarkozy, qui continue il est vrai de faire la course en tête dans les sondages sur les intentions de vote, compte plutôt les jours qui le séparent du second tour que du premier.

Les deux autres « grands candidats » ne sont pas en reste.

Ségolène Royal, deuxième dans les intentions de vote mais talonnée par le candidat de l’UDF, évoque ainsi dans Le Journal du Dimanche « l’événement planétaire » que sera son élection. Et François Bayrou se sent « conforté » dans ses ambitions par l’appel de l’ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard à une alliance anti-Sarkozy avec le président de l’UDF.

Des milliers d’internautes ont eux reçu un e-mail intitulé « Aux armes citoyens, c’est urgent » se présentant comme un message émanant d’une chercheuse de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

Ce courriel fait état d’une enquête du Centre d’études de la vie politique française (Cevipof), organisme de recherche de Sciences Po, selon laquelle Ségolène Royal serait éliminée dès dimanche prochain. Jean-Marie Le Pen arriverait en tête avec 20% des suffrages, suivi par Nicolas Sarkozy (19%), Ségolène Royal (18%) et François Bayrou (11%).

« Si comme moi vous ne voulez pas d’un second tour Le Pen-Sarkozy, nous n’avons plus qu’une solution, c’est de voter Ségolène Royal », conclut la signataire du message, qui demande aux destinataires de faire « circuler ce mail au maximum ».

Le directeur du Cevipof démentait formellement dès la semaine dernière l’existence de cette enquête, sur le site web du centre. Pascal Perrineau rappelle que la dernière enquête du Cevipof a été réalisée du 5 au 19 février 2007 et donnait 31% d’intentions de vote à Nicolas Sarkozy, 25% à Ségolène Royal, 15% à François Bayrou, 12% à Jean-Marie Le Pen.

A QUI PROFITE LE CRIME ?

La semaine dernière, aussi, Le Nouvel Observateur évoquait sur son site une enquête réalisée par les Renseignements généraux auprès de 15.000 personnes et prédisant l’élimination de Ségolène Royal au premier tour.

Selon l’hebdomadaire, elle plaçait Nicolas Sarkozy en tête, suivi par François Bayrou et Jean-Marie Le Pen avec « une conjoncture positive pour le dirigeant d’extrême droite, et la candidate socialiste quatrième.

Les Renseignements généraux ont démenti avoir réalisé une telle enquête. Quant à l’hypothèse selon laquelle le ministère de l’Intérieur aurait demandé à des organismes spécialisés de faire une telle étude, le directeur adjoint du département opinion de l’institut Ifop en doute fortement.

« Une enquête auprès de 15.000 personnes, c’est un budget et un travail colossaux. Nous n’avons vu passer aucun appel d’offres en ce sens », a déclaré à Reuters Jérôme Fourquet.

Alors, « à qui profite le crime ? » Les avis sont partagés.

Le fait que Le Nouvel Observateur soutienne Ségolène Royal pointe plutôt vers une tentative de « créer du vote utile » en faveur de la candidate socialiste. Mais placer celle-ci en quatrième position, comme l’enquête prêtée aux RG, « c’est plutôt démobilisateur pour les électeurs de Royal », estime Paul Bacot, professeur à l’Institut de Sciences politiques de Lyon. « Par contre, ça serait dans l’intérêt de François Bayrou. »

Pour Jérôme Fourquet, le bénéficiaire pourrait être Jean-Marie Le Pen, ces « rumeurs » accréditant l’idée d’une dynamique en faveur du dirigeant d’extrême droite alors que le président du FN serait plutôt en retrait par rapport à 2002.

« La situation est très différente de 2002 », estime le responsable de l’Ifop. « Un tiers des électeurs lepénistes de 2002 disent aujourd’hui qu’ils voteront pour Sarkozy. On aura le Pen à environ 13% », prédit Jérôme Fourquet.

Il prévoit plutôt un duel Sarkozy-Royal au second tour, même si les appels de Michel Rocard et de l’ancien ministre PS de la Santé Bernard Kouchner « brouillent un peu les choses ».

Paul Bacot a un avis sensiblement différent. « On peut très bien imaginer les quatre dans un mouchoir et, à partir de ce moment-là, l’ordre d’arrivée est presque aléatoire », estime ce politologue, qui n’écarte pas la possibilité que Ségolène Royal ne soit pas au second tour.