Sans consultation publique et dans la discrétion qui caractérise la période
électorale sur les dossiers chauds, la mairie PS de Dijon prend des décisions qui
pourraient mener à la fin de l’Espace Autogéré des Tanneries, lieu autonome
d’activités culturelles, sociales et politiques ouvert en 1997. Mais nous
n’entendons pas les laisser faire !

Suite à cinq ans de luttes contre l’expulsion et quelques années de

statu quo

,
nous annonçons donc aujourd’hui la reprise officielle des actions et manifestations
en soutien aux Tanneries.

Nous savions dès le départ que malgré la convention d’occupation gratuite obtenue en
2002, il nous faudrait garder une vigilance permanente. Après diverses rumeurs un
peu plus insistantes que d’habitude sur des projets nous menaçant, nous avons
contacté la Mairie début mars pour connaître la vérité. Malgré des demandes répétées
par téléphone et par courrier, nous n’avons reçu aucune réponse. Il y a deux jours,
nous avons pourtant su de source sûre, mais encore officieuse, que les services
concernés de la municipalité avaient fait une proposition par écrit à la Générale de
Santé. Cette proposition vise à octroyer à celle-ci l’ensemble de terrains dont nous
occupons une parcelle, afin qu’elle y construise son mégapôle de clinique privée de
dix hectares pour 2009.

Alors que les services publics de santé sont mis en péril par les stratégies
néo-libérales de privatisation en vigueur en Europe, la mairie de Dijon
favorise-t-elle à son tour l’instauration d’une médecine à deux vitesses ? Veut-elle
contribuer aux stratégies de monopole et de conquête de la plus grosse
multinationale européenne de santé privée (1,741 milliards d’euros de chiffre
d’affaire en 2006, contrÃ’lé par des fonds de pension et à 10% par Vivendi) en lui
offrant un terrain public proche du centre-ville et en quasi vis-Ã -vis de l’hÃ’pital
public ? La Générale de Santé préfère ainsi profiter de l’aubaine municipale pour
fermer ses cliniques de proximité plutÒt que de les remettre aux normes.

Malgré sa propagande pour ladite « démocratie participative», la Mairie n’a
consulté ni nous ni aucune autre personne ou organisation du quartier avant de
conclure des tractations qui non seulement menacent notre espace mais décident aussi
de l’avenir d’un morceau de la ville.

Pourquoi soutenir les Tanneries haut et fort ?

La politique de la ville met déjà en danger le cinéma indépendant Eldorado et
l’espace d’activité squatté « le Toboggan». Si elle planifie avec ce projet la
disparition des Tanneries, elle s’engage ainsi avec le Parti Socialiste, aux yeux de
tous, dans le sens d’une France sécuritaire, aseptisée et privée de ses lieux de
résistance, d’expérimentation et de culture populaire.

En effet, les Tanneries, c’est une salle de spectacle, un collectif d’habitation, un
espace d’informatique populaire, de développement des logiciels libres et de
maintenance de serveurs indépendants, une zone de gratuité, un espace mécanique et
vélo, des locaux de répétition et de sérigraphie, une salle de réunion, un potager,
un centre de diffusion et de création de presse alternative, un centre d’aide
juridique et pratique aux occupants sans droits ni titre, une bibliothèque, des
chantiers d’auto-construction écologique, des dizaines
d’associations/collectifs/réseaux locaux et internationaux qui viennent y organiser
des soirées, actions, ateliers et échanges de savoirs, des réunions et des
projets…

LÃ où les lieux culturels publics tournent avec d’énormes subventions et les privés
à base de commerce et de sponsors, il y a aux Tanneries des centaines de personnes
qui, chaque semaine viennent faire vivre une culture indépendante et participer Ã
des activités accesibles gratuitement ou sur la base de participations aux frais.
Pour garantir sa liberté, le lieu a toujours fonctionné sans subventions, ni
salariat.

Dans un pays où les structures autogérées sont quasi systématiquement réprimées et
donc précaires, les Tanneries est un des trop rares exemples de projet qui ait pu
s’inscrire dans le long terme. Il est à ce titre devenu un espace ressource et un
maillon important d’une scène culturelle et militante autonome en Europe.

Les Tanneries portent la mise en pratique d’une vision sociale et les outil pour se
confronter à ses idées. Nous cherchons à éclater les barrières entre la « vie
personnelle » et le « monde politique », à nous organiser sur des bases formelles
horizontales plutÃ’t qu’autoritaires et pyramidales. Nous voulons construire
nous-mêmes et changer nos vies, ici et maintenant, plutÃ’t que d’attendre le grand
soir. Nous remettons en cause les logiques marchandes et l’accumulation de biens
pour prÃ’ner la propriété d’usage et les échanges solidaires. Nous croyons toujours
qu’il est possible d’Å »uvrer en direction d’une société qui ne soit pas fondée comme
elle l’est actuellement sur les rapports de profits et de domination, sur le
racisme, le sexisme et l’homophobie.

Les Tanneries ne se vivent pas comme une gentille alternative parallèle qui se
construirait en ne bousculant pas trop les pouvoirs en place : un zoo folklorique
censé faire la preuve de la bienveillance démocratique de nos dirigeants. Si nous
sommes là , c’est pour faire évoluer la société et lutter !

Les Tanneries ne se fantasment pas comme « en-dehors » de cette société mais comme
un processus qui se construit à tâtons sans prêt-à -porter idéologique… Mais {a
contrario} de la norme cynique du monde politico-médiatique, nous ne cesserons pas
de nous battre pour prouver qu’il est possible de remettre en cause la logique
capitaliste. Nous désirerons toujours plus que les beaux discours électoraux de
changement qui n’essaiment que du vent. Avec le temps, les Tanneries ont, Ã ce
titre, apporté la preuve précieuse qu’il était non-seulement réaliste mais pertinent
de s’auto-organiser sans les institutions, qu’il ne s’agissait pas d’une utopie
délirante de jeunes idéalistes destinés plus tard à retourner leur veste.

Les Tanneries, comme tous ces lieux construits envers les normes les environnant,
constituent un espace unique, fruit des rêves, des complicités, des rencontres, de
la combativité de tant de gens. Son histoire est celle de plusieurs générations, ses
murs en reflètent les joies et les colères, les rages et les passions, les aventures
et les émotions…

{{{Notre projet ne peut être déplacé ni dépecé. Il doit demeurer dans le
quartier…}}}

Quel que soit le projet d’aménagement du quartier, nous lutterons pour qu’y demeure
ce que nous avons construit ici pendant dix ans : nos bâtiments et notre projet dans
sa globalité. Ce n’est pas sorcier, vu la taille de l’espace disponible. Il est
évident qu’avec une volonté politique en ce sens, des solutions techniques adéquates
seront trouvées.

C’est grâce au soutien populaire et à une succession de pressions et d’actions de
rue diversifiées pendant cinq ans, que les Tanneries ont acquis leur maintien dans
les lieux. Quatre ans plus tard, nous sommes totalement prêt·e·s à recommencer Ã
défendre cet espace et à reconstruire un mouvement de résistance fortifié par tous
les contacts, expériences et complicités acquises avec le temps. Les Tanneries, bien
que solidement implantées localement, sont aussi portées par une large communauté,
dont les affinités n’ont que faire des frontières, qui peut se mobiliser tant par
des actions de soutien à travers le monde que par une convergence pour défendre
physiquement le lieu contre l’expulsion. Espérons que résonneront à temps dans la
tête des dirigeant·e·s dijonnai·se·s, les longues journées et nuits de
manifestations radicales qui ont immobilisé il y a quelques semaines la capitale
danoise et les multiples offensives à travers l’europe en faveur de nos ami-e-s
d’Ungdomshuset. Au même titre qu’eux, notre lutte est une lutte globale pour que
demeurent et se multiplient des espaces autogérés et des foyers de subversion en
Europe.

Nous gagnerons avec toutes les petites et grandes initiatives de protestation de
chacun-e d’entre vous. Nous encourageons tout type d’actions de solidarité. {A
minima}, vous pouvez dès maintenant écrire ou téléphoner à la Mairie de Dijon pour
lui exprimer votre volonté que les Tanneries perdurent là où elles sont :

M. le Maire François Rebsamen

Mairie de Dijon

21000 Dijon

(+33|0) 3 80 74 51 51

Si vous voulez être prévenus d’actions et de manifs de soutiens concernant les
tanneries, envoyez votre mail ou votre numéro de portable à {{tanneries à squat
point net}}.

Dijon, le 24 mars 2007