Invitation

Un instituteur à Nantes organise un colloque sur l’enseignement de l’histoire qui se tiendra le 17 mars, dans cette même ville.
Parmi les participants, Olivier Le Cour Grandmaison, enseignant de sciences politiques et de philosophie politique à l’université d’Evry-Val-d’Essonne (auteur de « Coloniser. Exterminer »), Yannick Le Marec, maître de conférences en Histoire CREN, à l’université de Nantes.
Ce colloque, auquel je vous invite, se déroulera dans une école primaire, un lieu chargé de symboles, où les enfants abordent pour la première fois cet enseignement.
L’élaboration d’un appel à enseigner l’histoire autrement sera proposé afin de répondre au désarroi d’enseignants confrontés à des directives ministérielles qui sont en elles mêmes contradictoires (l’apologie d’un système ou d’un homme étant incompatible avec le développement du discernement et de la pensée critique chez les élèves). Pour exemple, le ministère de l’Education nationale demande :
-d’une part, de faire l’apologie de la troisième République :
« La République s’installe durablement, consolide les libertés fondamentales et développe l’instruction. Le XIX ème siècle est marqué par une lente marche vers le régime républicain…La conquête…des grandes libertés est liée à cette progression… il suffit de montrer comment triomphe le régime républicain… » A propos de Jules Ferry, notamment, « des individus au parcours singulier dont on peut mettre en valeur la personnalité ou l’exemplarité du comportement sur le plan des valeurs. L’élève, à la fin de l’école primaire, devra en connaître quelques uns, constituant un premier panthéon culturel qui sera poursuivi au collège.»
– d’autre part de développer la formation de l’esprit critique chez l’élève :
« L’enseignement l’initie à la méthode du questionnement et, comme dans la méthode scientifique, lui apprend progressivement à émettre des hypothèses, à privilégier la recherche du sens sur l’accumulation des faits et des preuves, à les justifier par des arguments, à y renoncer quand elles apparaissent fausses. »
Une pareille approche impose une histoire officielle, contraire à la neutralité scolaire affichée par le ministère public et au respect de la liberté de pensée.
Ce colloque et l’appel qui en résultera, concernent les enseignants, les chercheurs et tous ceux qui sont attachés à l’explication du monde tel qu’il est, et qui refusent une représentation conforme aux intérêts de certains.

Solidairement vôtre.
Alain Vidal

Merci de diffuser cette invitation ainsi que l’argumentaire

Le colloque aura lieu le samedi 17 mars
de 9h à12h et de 14h à 18h
Ecole de la Fraternité, 24 bd de la Fraternité, Nantes

Pour la participation au colloque,
envoyer les réponses à:

Alain Vidal, Nantes
vidal.mothes at wanadoo.fr

un argumentaire
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Imposer la représentation d’un monde conforme aux intérêts de certains,
ou expliquer le monde tel qu’il est ?

UN COLLOQUE POUR UN APPEL A ENSEIGNER L’HISTOIRE AUTREMENT

Un devoir d’histoire, à Nantes, le samedi 17 mars

Depuis 125 ans, des pans entiers des programmes et manuels scolaires contredisent la neutralité de l’Ecole revendiquée par les pouvoirs publics.
Mythes et croyances fausses masquent en partie la réalité de la société. Comme un voile jeté sur les mécanismes qui sous-tendent le fonctionnement des institutions. A l’aide d’une morale du bon sens, et de lois supposées naturelles, l’histoire comme la géographie, font l’apologie de l’économie de marché, de la consommation, de la croissance, du salariat, et de la monnaie à intérêts…considérés comme autant de garants de la démocratie.
Tout en prônant le recours à l’esprit critique, les programmes tendent à orienter les enfants vers l’acceptation de la société telle qu’elle est… L’Ecole ressemble à une fabrique à obtenir du consentement. En histoire et en géographie, la pauvreté des outils caractérise l’approche du social, de l’économique et du politique. Le cours d’éducation civique, privé des connaissances indispensables ressemble à un cours d’éducation à la charité, l’action caritative prenant le pas sur la démarche citoyenne. Si tous ces mythes ont la vie dure, c’est que, comme l’écrit le sociologue Alain Accardo, «Aujourd’hui, la vulgarisation surabondante des connaissances relatives au monde physique et biologique masque la persistance d’un quasi-analphabétisme en matière de connaissance du monde historique et social. »
La volonté de faire apparaître l’époque contemporaine comme étant en rupture radicale avec les structures inégalitaires de la société de l’Ancien Régime, occulte la relation maître serviteur qui caractérise la société salariale.
Dans le passage de l’Ancien Régime à l’époque contemporaine, aucune contradiction n’est relevée entre l’affirmation de faire vivre les droits fondamentaux et le développement d’une société salariale.
« Tout au long du XVIII ème siècle, monte une aspiration à la liberté, symbolisée par les combats de Voltaire pour la tolérance, et un certain désir d’égalité des droits. Le phénomène dépasse la France…la Révolution française en est l’aboutissement et marque la fin de la monarchie absolue d’Ancien Régime…La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en est le texte fondamental. » Direction de l’enseignement scolaire, 2002.
Rien n’est dit sur la relation maître serviteur qui perpétue l’Ancien Régime et qui caractérise le salariat. Rien n’est dit sur la part gratuite de la production donnée par le salarié et sans laquelle on ne saurait expliquer le profit du patron.
Au Moyen-âge, les habitants des villes, les bourgeois réussiront à faire interdire les droits de péage sur les routes, péages par lesquels les seigneurs prélevaient arbitrairement des taxes sur les marchandises. Le seigneur ne pourra plus se prévaloir d’un privilège pour s’emparer d’une partie de la richesse des bourgeois. Mais parallèlement, les marchands d’argent, les orfèvres, puis les banquiers imposeront indûment, par le biais des intérêts, le servage monétaire. Les rois laissèrent faire, la République aussi… car le voile de la monnaie rendra invisible l’accaparement des richesses par les banquiers. Tant et si bien que la relation maître serviteur continue aujourd’hui encore. Si les droits féodaux ont été abolis la nuit du 4 Août 1789, les intérêts, véritables droits de péage monétaire imposés sur la circulation des marchandises, eux, n’ont jamais été abolis. Les intérêts bancaires n’ont aucune justification au plan économique, si ce n’est d’enrichir les seigneurs de l’argent avec le travail gratuit du plus grand nombre. Est-ce décrit dans les manuels ou les programmes ?
Le capital apparaît comme la source de toutes les richesses, alors que l’argent n’est, en réalité, qu’une mesure de la richesse.
Il n’est pas expliqué aux enfants que la monnaie n’intervient que dans l’échange, jamais dans la production. Que la monnaie n’est qu’une pure convention inventée pour dépasser les lourdeurs du troc. Que la monnaie, formidable invention, pour pacifier les échanges ne coûte, en réalité, quasiment rien à créer (payer, de pacare, en latin faire la paix…) Que si le travail de gestion du banquier doit être reconnu, il doit être rappelé que les intérêts sont des privilèges qui s’inscrivent dans la continuité de l’Ancien Régime.
Un pouvoir économique exonéré de toute responsabilité d’ordre politique.
Jamais le pouvoir économique, celui du grand patronat n’est mis en cause. Dans les livres d’histoire, les procès ne concernent que les politiques, rarement les détenteurs de capitaux. Par exemple, rien n’est dit sur l’aide financière et politique apportée à Hitler par le grand patronat américain, anglais et français. Rien n’est dit sur le rôle majeur joué par Henry Ford qui apporta un soutien politique et économique considérable au développement du complexe militaro-industriel nazi, avant et pendant toute la guerre.
L’enseignement de l’histoire devrait avoir la même rigueur que celui concernant les sciences physiques ou les sciences de la vie.
Si la relation du passé est déformée, fausse, voire niée, quel futur solide et solidaire peut-on espérer construire? Or la résolution d’un problème de société exige autant de rigueur que la résolution d’un problème de mathématiques, un énoncé incomplet, et le problème subitement, devient insoluble. Mythe d’une société dite démocratique qui évite de souligner qu’avec les profits tirés de la part de travail gratuit des salariés, le grand patronat peut s’acheter des médias et les utiliser à formater les consciences et les comportements des consommateurs comme celui des électeurs. Tout renvoie au mythe entretenu d’un régime qui se qualifie de démocratique, mais qui laisse l’économie hors du champ de la démocratie.
L’économie de marché est présentée comme relevant de lois naturelles, laissant croire aux élèves que la misère du monde ne serait due qu’aux ratés d’un système dont les principes ne seraient pas à remettre en question. La rigueur déployée dans l’étude du corps humain doit être la même quand il s’agit d’étudier le fonctionnement du corps social. Si l’on veut que l’Ecole soit un instrument de compréhension et de transformation du monde, il est urgent que les enfants n’appréhendent pas les concepts de chômage, de productivisme, de croissance, plus globalement d’ économie de marché, comme relevant du fatalisme.
En 2002, un ministère qui fait encore l’apologie de la troisième République et de Jules Ferry.
Le ministère de l’éducation nationale a-t-il rompu avec les principes qui animaient les pères fondateurs de l’Ecole ? Apparemment non, quand on prend la peine de parcourir les passages concernant la troisième République dans les « Documents d’application des programmes », publiés par la Direction de l’enseignement scolaire:
« La République s’installe durablement, consolide les libertés fondamentales et développe l’instruction. Le XIX ème siècle est marqué par une lente marche vers le régime républicain…La conquête du suffrage universel masculin, du droit à l’enseignement pour tous (lois de Jules Ferry) et des grandes libertés est liée à cette progression. Il n’est pas utile de rentrer dans le détail des régimes politiques successifs ; il suffit de montrer comment triomphe le régime républicain. » Ce qui importe pour le ministère, c’est le triomphe du régime républicain. Qu’importe, le Code de l’Indigénat (adopté sous l’autorité de Jules Ferry) et ces millions de Français, Arabes d’Algérie, département rattaché à la métropole, soumis au travail forcé et privés de tout droit? Qu’importe que les gouvernements de l’époque n’aient été composés que de représentants des intérêts du grand patronat. Au côté de Marie Curie et de Victor Schoelcher, Jules Ferry est rangé parmi ces personnages considérés « comme des individus au parcours singulier dont on peut mettre en valeur la personnalité ou l’exemplarité du comportement sur le plan des valeurs. L’élève à la fin de l’école primaire devra en connaître quelques uns, constituant un premier panthéon culturel qui sera poursuivi au collège .» On est loin de l’esprit critique revendiqué par ces mêmes instructions.
Des options idéologiques de Jules Ferry à la recherche du questionnement et du sens, prônées par le ministère : une contradiction flagrante.
En 1879, à la veille de la mise en place des lois sur l’Ecole, Jules Ferry déclare : « Il est à craindre que d’autres écoles ne se constituent, ouvertes aux fils d’ouvriers et de paysans, où l’on enseignera des principes totalement opposés, inspirés peut-être d’un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre [la Commune]… comprise entre le 18 mars et le 24 mai 1871… Il y a deux choses dans lesquelles l’Etat enseignant et surveillant ne peut pas être indifférent, c’est la morale et la politique, car en morale et en politique l’Etat est chez lui.» Ernest Lavisse, l’historien officiel de la troisième République, renchérit :
« N’enseignons point l’histoire avec le calme qui sied à l’enseignement de la règle des participes; il s’agit ici de la chair de notre chair et du sang de notre sang…puisque la religion ne sait plus avoir prise sur les âmes, cherchons dans l’âme des enfants l’étincelle divine; animons là de notre souffle. Les devoirs, il sera d’autant plus aisé de les faire comprendre que l’imagination des élèves, charmée par des peintures et par des récits, rendra leur raison enfantine plus attentive et plus docile. »
Or, dans les directives ministérielles de 2002, il est affirmé : « Peut-on laisser les élèves démunis face à l’expérience du monde et du temps social qui est aujourd’hui la leur ? …L’histoire donne une grande partie des connaissances nécessaires pour construire une éducation civique raisonnée…L’enseignement l’initie à la méthode du questionnement et, comme dans la méthode scientifique, lui apprend progressivement à émettre des hypothèses, à privilégier la recherche du sens sur l’accumulation des faits et des preuves, à les justifier par des arguments, à y renoncer quand elles apparaissent fausses. »
A la lecture des programmes et des manuels scolaires, la contradiction est flagrante entre les principes affichés par le ministère et les orientations idéologiques préconisées, à l’école élémentaire comme dans le secondaire. L’objet du colloque serait de lancer un appel à enseigner l’histoire autrement.
Alain Vidal (01/01/07)

Le colloque aura lieu le samedi 17 mars
de 9h à12h et de 14h à 18h
Ecole de la Fraternité, 24 bd de la Fraternité, Nantes

Participation au colloque, envoyer les réponses à :

Alain Vidal, 44 000 Nantes

vidal.mothes at wanadoo.fr

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