(Sur http://www.rebellyon.info/article3239.html peuvent être téléchargés des tracts juridiques et des affiches au sujet du refus du fichage ADN)

Quelques infos sur le fichage ADN

Le fichage ADN était au départ destiné à prévenir les récidives en matière de violences sexuelles par le fichage de touTEs les condamnéEs.
A la misère sexuelle, à un problème de société sur la considération de la femme en son sein, l’Etat répond en emprisonnant génétiquement à vie l’individu coupable dans le statut de criminelLE sexuelLE. Augmentant encore notre sentiment de dépendance à son égard.
Le fichage ADN perpétue ainsi la logique carcérale -à un problème correspond un ou des individus qu’il suffit de punir- et ne fait avancer en rien nos problématiques de société.

Sous les différents gouvernements, de gauche et de droite, le fichage a peu à peu été élargi.
La police est maintenant autorisée à prélever notre ADN dans la quasi-totalité des crimes et délits d’atteinte aux personnes et aux biens :
du vol à l’étalage au tag, de la consommation de stupéfiant à la dégradation de biens publics en passant par l’outrage à agent… Les délits financiers, d’abus de confiance et d’autorité publique n’étant pas concernés !

Nul besoin que ces crimes et délits soient même prouvés : la Loi sur la Sécurité Intérieure (LSI) précise que ce fichage peut être exécuté sur les seules « présomptions de culpabilité » que pourraient avoir les gardien-n-e-s de l’ordre. TouTEs présuméEs coupable !
Le statut de la preuve est modifié. Quand l’instruction était nécessaire au bon déroulement d’une affaire (enquête de voisinage, sociale…), elle s’efface aujourd’hui au profit d’un relevé biologique pour juger de la culpabilité d’un individu. Le transfert du judiciaire au policier s’intensifie.

L’arbitraire policier renforcé, toute la population des contestataires est en cours de fichage :
manifestantEs anti-CPE, jeunes des banlieues, faucheurs-euses d’OGM, fumeurs-euses de cannabis, syndicalistes, militantEs antipub ou simples voleurs-euses… mesuréEs, numériséEs et fichéEs désormais comme criminelLEs.

Refuser le fichage ADN

Le refus de prélèvement ADN (frottement de l’intérieur de la joue avec une languette de bois) est possible, en garde à vue ou suite au procès, profitant d’un « paradoxe » légal : le refus de prélèvement s’appuie sur un droit, celui de l’inviolabilité du corps, mais constitue un nouveau délit et provoque une poursuite judiciaire.
De plus, on touche alors de très près à la notion de délit continu (anticonstitutionnel en France) : une fois passée l’affaire pour un 1er refus de prélèvement, et reconnuE coupable du délit de refus, on peut se faire convoquer pour prélèvement suite à ce dernier délit…

Le refus en masse reste jouable : la saturation des tribunaux s’envisage avec seulement 10% de refus. Jusqu’ici, à ce que nous savons, les amendes n’ont pas excédé 500€, bien loin des 15 000€ et de l’année de prison prévus par la loi et brandis par les flics lors des gardes à vue pour « encourager » au don de son ADN.
Un collectif et un fond de soutien se constituent autour du site refusadn.free.fr afin de permettre au plus grand nombre de refuser. Envoyez vos dons à Témoins, 39 rue Courteline, 69 100 Villeurbanne, mention refus ADN au dos de l’enveloppe.

Quelques éléments de réflexion

Le fichage ADN est un outil de contrôle fort : il plonge dans l’effroi d’être épiéE dans son intimité, il donne la sensation d’être rendu transparentE aux yeux de l’Etat.
C’est la même sensation qu’éprouve unE prévenuE lors de sa photographie : ille préférerait disparaître et se tord intérieurement le visage pour ne pas être identifiéE.
Cette peur est aujourd’hui utilisée pour contraindre au silence et à la paralysie les contestataires.

Mais cette peur s’appuie sur un sentiment erroné, celui d’être son ADN. Une pensée intériorisée, héritée de la cybernétique, veut que notre identité se réduise à des informations stockées dans les hélices de notre ADN. En somme, une identité seulement biologique qui met de coté toute notre subjectivité.
Dans cet exemple d’identification des prévenus, le prévenu est bien plus la personne qui voudrait cacher son visage et qui tremble sous l’objectif, que le visage qui apparaît sur la photo.

Le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques, le FNAEG, s’ajoute à tous ces autres fichiers qui constituent par fragments notre identité virtuelle, cette identité à laquelle il est fait appel en quelques chiffres, pour tel ou tel contrôle, telle ou telle identification, telle ou telle gestion de nos droits. Pour parfaire cette identité virtuelle, nos caractéristiques physiques comme l’ADN sont aujourd’hui numérisées : c’est la biométrie, ou la mensuration des diverses parties du corps humain.
En 2008 s’ajouteront deux nouveaux fichiers avec l’arrivée de la nouvelle carte d’identité biométrique française, INES ( Identité Nationale Electronique Sécurisée). Elle contiendra dans sa puce 3 de nos empreintes digitales numérisées ainsi que la photo vectorisée de notre visage. C’est ici à toute la population que l’on appliquera les relevés biométriques anciennement réservés aux criminels.

Parler de criminalisation de la société permet d’illustrer comment, en s’adressant aux fichiers qu’elle a crées, l’administration les fait parler à notre place, en nous dé-subjectivant.
Face au tribunal, la parole du criminel n’a pas de poids, on ne lui fait pas confiance : ce sont les preuves qui parlent à sa place.
Les informations que l’Etat récolte sur nous dans ses fichiers deviennent de la même façon les preuves qui parlent à notre place. En s’adressant à notre identité numérique, l’administration peut gérer automatiquement notre cas. Elle n’a pas besoin de nous entendre.

Ce mode de gestion lui permet de nous traiter en cheptel d’individus isoléEs. Les individuEs, identifiéEs à leur double numérique, peuvent se déplacer ici ou là, ont le droit de faire ceci ou cela, doivent être placéEs ici ou là dans la limite où leur double administratif les y autorise… Au mépris de toutes les interactions sociales qu’illes peuvent vivre.

Finalement, accepter le fichage biométrique, c’est rentrer dans la gestion automatisée du vivant, réduit à son expression organique, qui ne laisse aucune place à nos revendications politiques ou personnelles.

Pointer, comme le fait aujourd’hui la CNIL*, les dérives des technologies biométriques et ses dangers liberticides ne remet aucunement en cause notre identité numérique de gestion Elle l’entérine plutôt, en nous pressant de la protéger et par là de s’y attacher.
Ce n’est pas la mauvaise utilisation que pourrait faire un fasciste de la biométrie que nous tentons ici de dénoncer. C’est la simple utilisation de cette technologie.

*CNIL, Commission Nationale Informatiques et Libertés

Les réflexions exposée ici sont grandement inspirées d’articles de fond sur la biométrie. Merci aux redacteurices et pensereuses.