Pour prononcer ses « bons vœux » aux salariés d’Airbus, Louis Gallois, nouveau dirigeant de cette société aéronautique et ex-« tueur » d’emplois à la SNCF, a annoncé que les « grandes lignes » de la restructuration qui menace l’entreprise depuis octobre 2006 seraient décidées début février. Ce plan, baptisé « Power 8 », ou « Energie 8 », a été en réalité décidé et tenu au chaud depuis l’été dernier. Il prévoit clairement une vaste réorganisation de la production de l’avionneur européen, actuellement dispersée sur 16 sites en Europe, et des suppressions d’emplois, en vue de réduire les coûts de 2 milliards d’euros par an à l’horizon 2010. Il s’agit d’une attaque en règle contre tous les emplois touchant de près ou de loin la construction de l’Airbus, dans un contexte d’aggravation aiguë de la concurrence qui fait rage entre les plus grands constructeurs de l’aviation.

Cette crise, qui touche l’industrie aéronautique européenne à travers Airbus (face à son concurrent principal Boeing) est un exemple frappant de la guerre commerciale que se livrent les nations capitalistes. Ainsi, pour renforcer leur compétitivité, les bourgeoisies européennes concernées tentent de diminuer au maximum le coût de fabrication de l’A380 tout en accélérant sa finalisation. Ce qui se traduit pour la classe ouvrière, en termes de licenciements et d’exploitation accrue touchant des centaines de milliers d’ouvriers en Europe.

Une attaque d’envergure contre la classe ouvrière
Alors que la direction d’Airbus prétend que les mesures du plan de restructuration prendront effet après février 2007, l’attaque a de fait déjà commencé . Le grand mot d’ordre est : « Il faut réduire les coûts de production. » Depuis l’annonce de la crise (septembre 2006) les contrats précaires (CDD, intérim) ne sont plus renouvelés, ce qui signifie 1000 emplois supprimés sur chacun des sites d’Hambourg et de Toulouse depuis l’automne 2006.

Ces 2000 licenciements ont pour conséquence une augmentation des charges de travail qui se traduit déjà par des heures supplémentaires imposées. Mais si l’attaque a déjà commencé, elle va toucher dans un premier temps, les sous-traitants. 56 000 personnes, dont le nombre doit être réduit de 80%, sont concernées pour la seule région Midi-Pyrénées. Les chiffres annoncés sont d’une rare brutalité : « Le report du calendrier va coûter près de 5 milliards d’euros à l’avionneur Airbus, qui vient d’annoncer une réduction du nombre des sous-traitants de 3000 à 500. Un sur deux sera installé dans un pays à bas coût de main-d’œuvre. » (La Nouvelle République du 14 novembre 2006)

Toutes ces mesures d’économies sont inévitables pour « restaurer » la compétitivité d’Airbus. Aussi, afin de bien « remettre Airbus sur les rails », ses dirigeants ont aussi préparé un plan d’austérité impitoyable pour les ouvriers d’Airbus eux-mêmes, plan que la direction a commencé à mettre en place depuis bien avant les récentes déclarations de Gallois : « Airbus compte notamment réduire de 30% ses frais de fonctionnement »(AFP du 3 octobre 2006) ; il faut gagner « 20% de productivité dans toutes les usines dans les 4 prochaines années » et réduire « les coûts de 5 milliards d’euros jusqu’en 2010″(Libération du 9 octobre 2006). Enfin, « à partir de 2010, l’entreprise doit économiser 2 milliards d’euros par an pendant 3 ans »et « diminuer le nombre de fournisseurs »pour tenter de trouver de nouveaux capitaux.

Les syndicats ont masqué l’attaque
Le nouveau PDG a réuni depuis le mois de septembre tous les « acteurs »du sommet de l’Etat au Comité Central d’Entreprise, c’est-à-dire les syndicats. Dans cette situation, ces derniers ont tous eu le même langage, celui de minimiser la gravité de ce qui se préparait, s’inscrivant pleinement dans les mensonges de la direction et des différents Etats concernés. Dès le début, FO, syndicat majoritaire, a fait semblant de dénoncer les commentaires des médias qui amplifieraient la crise : « Il faut arrêter de déstabiliser notre entreprise au risque d’aggraver dangereusement la situation ! » (tract du 10 octobre). De son côté, la CGT minoritaire dénonçait les actionnaires comme fauteurs de la crise : « Ce sont bien les actionnaires avec leurs exigences de rentabilité immédiate qui sont à l’origine des difficultés actuelles et à venir dans cette industrie… »(octobre 2006). Ils sont même allés jusqu’à féliciter les salariés, comme le font les patrons, d’avoir accepté des sacrifices dans l’intérêt de l’entreprise. Les syndicats ont montré, par là, qu’ils sont bien les garants de la bonne gestion de l’entreprise. Tous les syndicats ont donc appliqué les consignes de discrétion soi-disant pour ne pas « déstabiliser l’entreprise vis-à-vis de la concurrence ». Ceci est confirmé par cette déclaration du secrétaire de la section syndicale FO à Toulouse : « Si je laisse filer un quelconque document ou si je dis un mot de travers, ça peut se retrouver le lendemain dans la presse américaine ou anglaise. Et je ne voudrais pas être à l’origine d’un effondrement du titre EADS en Bourse. » Les syndicats des sites de Nantes et Saint-Nazaire, ainsi que tous les élus de la région (qui ont eux aussi été mis au courant depuis belle lurette), peuvent bien à présent se « mobiliser » et crier leur « indignation »contre la menace de licenciement qui risque de frapper 16 000 emplois en Pays de Loire, tout ce beau monde savait ce qu’il en était depuis des mois.

Aux sacrifices supplémentaires que demande la direction et les « partenaires sociaux », il faut répondre par la lutte. Pour être forts et unis, pour faire reculer les attaques, nous devons rejeter la division entre ouvriers d’EADS et sous-traitants, entre ouvriers français et ouvriers d’Europe ou d’Amérique. La concurrence et le profit sont les maîtres-mots des patrons, de l’Etat et des syndicats, pas les nôtres! La classe ouvrière doit au contraire cultiver ce qui fait sa force, celle de la lutte collective qui seule peut faire reculer une exploitation toujours plus féroce.

Pour développer la lutte, il ne faut pas faire confiance aux organisations syndicales qui créent la division et font passer les attaques. Les récents combats menés par d’autres ouvriers, qu’il s’agisse des jeunes générations lors du mouvement contre le CPE en France, ou de la grève des ouvriers métallurgistes à Vigo en Espagne, montrent l’exemple du chemin à suivre, par la solidarité ouvrière et la volonté de tenir les luttes en mains dans les assemblées générales les plus massives possibles, en-dehors et contre les syndicats.
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