Depuis plus d’un mois, l’impérialisme français intervient militairement au Tchad et en Centrafrique, mobilisant tous ses dispositifs militaires dans la région, à savoir 1200 soldats basés au Tchad, 800 hommes au Gabon et des centaines d’autres soldats présents en Centrafrique avec aussi des avions Mirage, des hélicoptères et d’autres engins de mort.

Officiellement, l’Etat français intervient au Tchad et en Centrafrique pour « accentuer la coopération des forces de paix »et prêter « main- forte »aux pauvres forces de l’Union africaine au Darfour. Voilà un gros mensonge, tellement énorme qu’un autre justificatif plus « présentable », moins cynique, est mis en avant. Celui qui consiste à dire que la France serait intervenue uniquement pour protéger des « régimes amis », dont Paris est lié par des « accords de défense mutuelle », agressés par des forces extérieures : le Soudan et ses alliés. Mais il s’agit là aussi d’une ignoble mystification pour mieux masquer le but de l’intervention de l’impérialisme français.

Quelles que soient les « raisons »avancées, l’intervention de Paris est une réponse à l’exportation au Tchad et en Centrafrique du conflit qui ravage le Darfour depuis plusieurs années. Les dissensions aggravées entre les fractions dites « rebelles »opposées à Khartoum et les forces du gouvernement soudanais appuyées par les bandes armées, les « djanjawids », à sa solde ont provoqué une situation de plus en plus incontrôlable. Entre l’exode massif de plus d’un million et demi de gens depuis trois ans, la dispersion des forces « rebelles »au-delà de la frontière même du Soudan, avec les tensions qui se manifestent ouvertement en Ethiopie et en Somalie, avec un redémarrage des guerres dans cette région, les risques sont grands pour la France de se voir rapidement débordée. Aussi, ce n’est nullement pour venir soutenir les forces de paix de l’Union africaine et de l’Europe, ni pour aider une population qu’elle laisse crever depuis des années que le gouvernement français vient apporter son soutien logistique militaire : c’est pour essayer d’endiguer les risques de perte de contrôle d’une région stratégiquement fondamentale dans sa position impérialiste en Afrique. En effet, l’extension actuelle du conflit au Darfour vient clairement mettre en cause la stabilité des régimes du Tchad et de Centrafrique, qu’elle soit voulue ou non par le Soudan et derrière lui éventuellement les Etats-Unis. Voilà les vraies raison de l’intervention musclée de l’Etat français. « Si la France maintient une forte présence militaire au Tchad (1 350 soldats, 6 avions de chasse Mirage et 3 hélicoptères), c’est pour des raisons historiques, stratégiques et diplomatiques. A deux reprises, de 1980 à 1984 et 1985-1986, elle a décidé de se retirer et chaque fois, elle a dû renvoyer un contingent militaire à N’Djamena. Depuis l’indépendance en 1960, tous les présidents tchadiens, du Français Tombalbaye au général Maloum, d’Hissène Habré à Idriss Déby, ont entretenu des rapports étroits avec Paris. » (Le Monde du 17 avril 2006)

Et pour mieux se faire comprendre face à ses ennemis impérialistes, la France a dû dépécher sur place, à N’Djamena (en novembre dernier), Mr de Villepin, son premier ministre, afin de notifier à tous la volonté de Paris d’user de tous les moyens pour se défendre. Ce message s’adresse d’abord aux grands concurrents des Français au Tchad, c’est-à-dire aux Américains et aux Libyens, dont la forte présence dans ce pays sonne comme une volonté d’éjecter Paris de son ancien pré carré. « En attendant, fidèles à leurs habitudes, les Américains ne se sont pas fait prier pour renforcer leur présence dans le pays. Déjà présents sur le champ pétrolier du bassin de Doba (200 000 barils/J de brut) avec la firme américaine Exxon Mobil, qui détient 40% du consortium d’exploitation, c’est dans la foulée de la visite de Donald Yamamoto (sous-secrétaire d’Etat aux affaires africaines) qu’un accord dit’ ciel ouvert’ a été signé le 31 mai 2006. » (Jeune Afrique du 2 décembre 2006) La riposte de l’Etat français et de ses alliés est donc massive : « Kadhafi vient en effet de prêter à Idriss Déby Itno, confronté aux rebelles de Mahamet Nouri, cinq avions d’attaque au sol italiens Machetti, deux appareils russes de transport de troupes- le tout équipage compris- et un important stock d’armes, dont certaines se sont aussitôt retrouvées entre les mains des milices zaghawas du Darfour, qui combattent l’armée soudanaise sous la houlette de Daoussou, le propre frère du président tchadien. »(idem)

Le contrôle du Tchad et de sa région constitue donc l’enjeu principal de la guerre entre les divers vautours impérialistes. C’est cela qui les pousse à régler leurs comptes dans cette région. Voilà pourquoi le Tchad et ses voisins sont à feu et à sang depuis des décennies, ruinés à jamais et qu’ils n’ont jamais connu la « paix »depuis leur « indépendance ».

Parallèlement à leurs confrontations indirectes mais sanglantes sur le terrain, les brigands impérialistes se battent à l’ONU comme des chiffonniers à coups d’innombrables « résolutions de paix »sur le Darfour. En réalité, leurs résolutions ne sont que des masques visant à cacher les abominables crimes qu’ils commettent sur le terrain. En clair, pendant leurs interminables bavardages hypocrites à l’ONU, les mêmes puissances impérialistes, France et Etats-Unis en tête, laissent sciemment les bandes criminelles qu’ils téléguident poursuivre tranquillement les massacres et les mutilations des populations. C’est ainsi qu’en trois ans, on dénombre au Darfour des centaines de milliers de morts et des millions de réfugiés. Et on vient d’apprendre, au moment où nous écrivons ces lignes, que l’offensive en cours a déjà tué, en quelques jours, des centaines de civils et provoqué l’exode de 80 000 personnes.

Amina – Courant Communiste International – www.internationalism.org