A deux jours de l’université d’été de l’association, Le président d’Attac tape sur l’extrême gauche
Le Figaro, 20 aout 2003

C’est une mise au point en forme de réquisitoire. Après le rassemblement de 200 000 personnes dans le Larzac et juste avant l’université d’été d’Attac, ce week-end à Arles, le président de l’association « altermondialiste » Jacques Nikonoff s’en prend vivement à l’extrême gauche. Dans une tribune à Libération, il identifie « quatre nouveaux défis » que le mouvement « altermondialiste » doit relever : la « clarification de son identité », la « crédibilité de ses propositions », la « construction d’alliances » avec les syndicats et, enfin, « l’amélioration de sa démocratie interne ».

Trois de ces thèmes sont l’occasion de dénoncer le « sectarisme » de l’extrême gauche. Une telle défiance de la part de Jacques Nikonoff, qui a fait ses premières armes politiques au PCF, dont il est toujours membre, est ancienne. La nouveauté tient au caractère officiel de la prise de distance du président d’Attac, alors que l’association compte dans ses rangs des membres de la LCR et qu’elle est amenée à travailler avec une nébuleuse de mouvements issus de la gauche de la gauche.

Jusqu’à présent, les dirigeants de l’association s’étaient contentés de condamner les actes de violence. Cette fois-ci, la critique porte à la fois sur l’affichage et les méthodes. Même s’il ménage la LCR, Jacques Nikonoff regrette « l’image gauchiste » qui « semble parfois marquer » le mouvement « altermondia-liste » dans son ensemble. « Le verbiage, la violence, les gesticulations, le sectarisme qui marquent la tradition d’extrême gauche annonceraient la défaite du mouvement si ce dernier devait y céder », écrit-il.

Le président d’Attac déplore « le démontage du stand du Parti socialiste au Larzac ». « Au lieu de rassembler, l’extrémisme divise », assène-t-il. Il regrette aussi que « le fonctionnement de certains collectifs (qui caractérisent l’organisation du mouvement « altermondialiste ») relève parfois d’une caricature de démocratie. » Et d’envisager « des systèmes de pare-feu à mettre en place pour décourager les groupuscules qui tentent de les manipuler en sous-main ».

Afin d’expliquer un tel déballage, Jacques Nikonoff, qui n’a pas soumis son texte « personnel » au bureau d’Attac, met en avant « une accumulation de faits qui nuit à l’image et à l’efficacité du mouvement ». « On atteint aujourd’hui une masse critique », confie-t-il, soucieux d’éviter des débordements lors du Forum social européen qui se tiendra en novembre à Paris ou le découragement des centrales syndicales régulièrement critiquées par l’extrême gauche. Aussi souhaite-t-il que les organisations « altermondialistes en débattent franchement et ouvertement ».

Son texte n’a évidemment pas fait que des heureux au sein d’Attac. Membre à la fois de la commission internationale de l’association et de la LCR, Christophe Aguitton ne la « juge pas politiquement fondée ». Parce que Nikonoff « ne dit pas quel désaccord de fond il a avec l’extrême gauche » et parce que « personne au sein d’Attac ne cherche à refermer le mouvement ». A l’extérieur, cette tentation serait « très minoritaire ».

Sous couvert d’anonymat, un membre du bureau de l’association regrette qu’une telle tribune « donne tant d’importance à l’extrême gauche ». « Nikonoff met l’accent là-dessus car il ne comprend pas le fonctionnement en réseau du mouvement altermondialiste », juge ce dernier.

E. F.