Le 25 Novembre, l’opération ‘hierro’ (fer) donnait une grosse claque au
mouvement social de Oaxaca; journée de violents affrontements, puis
méchante chasse aux sorcières. En quelques heures, c’est 204 arrestations
– 141 personnes actuellement détenues à Nayarit, à presque mille cinq
cents kilomètres d’ici – et 9 morts, ce qui vient alourdir le bilan humain
a 26 morts, quelques dizaines de disparus et quelques centaines de
prisonniers depuis le début du conflit, le 22 mai.

Entrée en clandestinité d’un bon nombre de compañeros et début d’une
répression sans précèdent…

L’étau se resserre, et le 29 – deuxième journée du Forum des Peuples
Indigènes – tombe la dernière barricade, sur Cinqo Señores, et avec elle
la radio de l’université; par négociation plutôt que par affrontement,
‘pour limiter la casse’. Cette semaine laissera derrière elle quelques
bâtiments incendiés, par les insurgés comme par des priistes; notamment le
tribunal et un hotel pour riches – action des priistes pour faire tomber
la APPO, ou cris du coeur? Quoi qu’il en soit, cette semaine laissera
aussi la peur, comme la flicaille, omniprésente.

Les gens investis dans le mouvement se mettent au vert dans les montagnes,
partent vers le DF ou ailleurs, et ceux qui restent évitent à tout prix de
sortir et vivent avec l’appréhension d’un débarquement de la police, qui a
promis de visiter les locaux de toutes les organisations sociales engagées
dans la lutte et détient pas mal d’adresses, de groupes et de personnes.
Oaxaqueños ou internationaux, la liste des ‘wanted’ est longue.

Une manifestation de presque 10 000 personnes a quand même lieu le 30,
occasion de quelques arrestations.

Puis décembre qui arrive, avec Calderon. Pas trop de bruit à Oaxaca; le
chant habituel des medias mainstream du pays; le doux son des bottes…
Tout va pour le mieux dans le meilleur des monde.

La première semaine de décembre me semble pouvoir se résumer en deux mots,
miedo et pintura; peur et peinture…

– La peur, parce qu’elle s’est installée et ne s’en va pas comme ça – un
état policier, c’est un état policier…

Peu de monde dans les rues, pickups de robocops qui patrouillent, groupes
de troufions sur les places essentielles…

La ‘perte des droits’ – ‘penser contre’, ‘s’exprimer ou agir pour’
entraînent une peur profonde et assez générale chez qui est ou a été
proche du mouvement. Même les gens propres sur eux qui travaillent pour
des groupes de droits humains ‘respectables’ craignent le pire, seuls ceux
backgroundés par l’église catholique ont un peu plus confiance en leur
futur proche – celle-là a du poids ici, a appelé à cesser la lutte de
classe, et ils se concentrent sur ‘le cas des innocents, emprisonnés alors
qu’ils passaient par là’; hum…

Peur de manifester, impossibilité d’afficher ses opinions, nécessité
d’être plus que discrets… Voila qui change assez radicalement de la
convivialité des barricades, de la bouffe partagée et de la nécessité de
garder, ensemble, un certains nombres d’espaces gagnés par la lutte.

Tout est à remettre en cause, le futur à réinventer, différemment.

Pas évident de passer d’un mode à l’autre, compliqué de voir quoi faire
au milieu de tout ce bordel, mais il n’est plus possible de défendre les
espaces de vie – ils ne sont plus là, ni de s’organiser sur les bases
précédentes. Pas évident de s’organiser collectivement, la peur au
ventre, quand ton voisin est ton ennemi…

Concentration sur l’aide a ceux qui sont passes dans la clandestinité,
attente, souvenir des grands jours. Le 14 juin, le début d’octobre; ‘Tu
vois on était ici mais là, la PFP a chargé, ils ont pris cette barricade
puis ils ont tiré des lacrymos là-bas’ (saloperie de rues droites,
hein..); des mots, des plans et des dessins… Des voix avec des émotions,
des yeux qui brillent…

Le temps passe douloureusement, les tracts circulent en sous main, tout le
monde est un flic et tout est sur écoute.. C’est étrange une peur palpable
à une bonne échelle; surtout avec la conscience qu’au fond, ne pas en
finir avec la peur, c’est les laisser gagner.

– La peinture, parce que sortent les pots de peinture, et les rouleaux.

Une ville avec des rues belles comme dans un western et avec des tags qui
y donnent un p’tit coté anarcho-punk c’est pas bien; alors vu qu’il n’y a
plus les méchants dans la rue, le marché-monde peut reprendre ses droits,
et tout peut se nettoyer pour que le tourisme – le cancer qui fait
économiquement beaucoup fonctionner la région – puisse revenir en masse;
pour que le ‘retour a la normalité’ soit rendu potentiellement visible en
images, et médiatisable, entre deux pickups de flics.

Alors on repeint tout, et c’est des rues entières où tout le monde fait
pareil, des couleurs toutes nouvelles qui viennent effacer les ‘Fuera
Ulises’ ‘Viva la APPO’ et autres ‘Todo el poder al pueblo’; des coups de
rouleaux qui viennent supprimer les A cerclés, les invitations à
l’autonomie et la poésie. Du bleu, du ocre, des hommes occupés; ça peint,
ça peint…

L’université est déjà entièrement repeinte. Sur l’entrée de la fac de
droit, une banderole demande la liberté des prisonniers politiques, et
c’est tout. Les étudiants sont bien habillés et vaquent à leurs pauvres
occupations. Même si certains se servent du lieu pour passer des affiches
ou fumer des pétards entre deux cours, le lieu semble avoir retrouvé sa
triste fonction.

‘La peinture blanche n’effacera pas le rouge du sang’ pouvait on lire sur
un mur de la ville. Mouais…

Les médias parlent pas mal de l’arrestation lundi dernier au DF du
contestable Flavio Sosa, considéré comme un ‘leader charismatique’ de la
APPO. Une certaine presse salut le retour à la normale tant espéré, et
bénit le ciel d’avoir permis à l’ange Ruiz de nous revenir en bon état; la
jornada continue sur sa lancée et publie une petite biographie du Flavio
le faisant paraître bien opportuniste. La APPO semble tiraillée entre
fractions et possibilités, mais appelle à manifester le 10; et le texte
qui circule affirme que « la APPO continue plus que jamais de vivre dans le
cœur des travailleurs, des indigènes, des paysans, des femmes au foyer,
des étudiants, des jeunes, des enfants, de tous les exploités et les
opprimes de l’Oaxaca et du Mexique »; et que « la Terreur que l’Etat a
déchaînée dans toute sa violence contre le peuple de l’Oaxaca et certains
membres de la communauté internationale, du 25 novembre dernier jusqu’à ce
jour, n’a en rien entame notre volonté d’être des femmes et des hommes
libres. »

Le futur est incertain, et si le ‘Commando Magoniste de Libération’ avait
prévenu que le gouvernement serait à porter pour responsable de l’escalade
de violence contre l’état suivant la violence de la répression, et qu’on a
put entendre quelques appels a remonter des barricades, pour l’instant la
claque répressive calme pas mal les esprits et ferait présager une
continuation pacifiste de la lutte sur le long terme, par la
conscientisation – notamment sur le projet Panama – et le développement de
conseils au niveau local, dans la lignée de l’organisation communautaire
indigène.

En ce monde, le chemin magoniste pour la libération peut sembler tortueux;
le mur reste de plus en plus proche…

7 decembre 2006, Oaxaca.

No queremos dictadores.
No nos hacen falta amos.
Queremos ser solidarios
Para vivir como hermanos

No queremos capataces,
Autoridades ni palos.
Los hombres sin distinción
Deben estrechar sus manos.

Amarillos, negros, rojos,
Mulatos, también los blancos,
Ganan con sangre su pan
Y beben agua de esclavos.

Pero todos los que sufren
No dejan de ser humanos,
Serán gordos, serán flacos,
Serán chicos, serán altos.

Pero somos camaradas
Que por lo mismo luchamos
Si maltratamos los días
Para que libres vivamos.

A los verdugos los vemos
Más que nosotros, más altos,
Porque estas de rodillas
Y los vemos desde abajo.

Ricardo soñaba un mundo
Para todos los humanos.
Donde viva un soñador,
La libertad está a salvo.

Desde la escuela, pal niño
Hay un grito autoritario
Y el niño crece con miedo
Y así llega a ciudadano.

Luego lo atenazan todos
Prencipalmente el estado.
No hagas esto, no hagas lotro.
La razón la tiene el amo.

Si vienen las rebeliones
Y las balas traian reclamo,
Con cambiar los Presidentes
No más se cambian los amos.

Yo soy hombre soberano
Si vivo con otros hombres
Con respetar sus derechos
Todos estamos a mano.

Luchamos por la armonía.
Cuando el fruto repartamos
Sin querer guardar ganancias
Para vivir como avaros .

La propiedad es un robo.
La tierra, tierra sin amos.
Primero fué de los indios
Y luego los han robado.

De los derechos del pueblo
El Dictador se ha burlado.
Gobierno de miserables.
Flores Magón lo ha probado.

El corazón magonista
Es corazón solidario
Un corazón con cariño,
Es un corazón humano.

Que no haya ricos ni pobres
Nomás hombres con trabajo
Cubran sus necesidades
Sin dinero globalizado.

No le quitaron los bríos
Cadenas, puños, palos;
No le cortaron las alas
Los miserables gusanos. .

El corazón magonista
Es corazón denodado.
Mientras más sufre más canta.
Más se ofrece iluminado.

(El Corazón Magonista)