Les abstentionnistes ne sont pas des abrutis dépourvus de sens critique. Les abstentionnistes ne sont pas des égoïstes qui se désintéressent de tout de qui ne se rapporte pas à leur petit horizon individuel. Les abstentionnistes sont ceux qui font du processus électoral l’analyse la plus juste. Considérer que voter ne sert à rien est tout simplement une évidence : mais c’est une évidence à laquelle on est d’autant plus sensible qu’on est plus écrasé par ce système et qu’on ne possède pas d’autre perspective que de végéter dans la misère ou de se faire exploiter à longueur de journée.

C’est pourquoi les campagnes, comme celle qui est lancée encore aujourd’hui, destinées à « inciter les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales » sont impuissantes. Bien que très fortement relayées sur le plan médiatique, ces initiatives révèlent toute leur hypocrisie en se heurtant au mur de la réalité. Ceux qui les lancent veulent nous faire croire qu’ils comprennent « les jeunes des quartiers » . Mais le rappeur qui a signé avec une major a beau porter la même casquette, il n’est plus du même monde que ceux dont il prétend être le porte-parole. Ce n’est pas la panoplie qui compte, ce sont les idées : et les idées résistent rarement à la puissance corruptrice de l’argent.

Le fond du propos pour inciter à s’inscrire sur les listes électorales ceux qu’on a parqués dans les ghettos est de dire : « Faites comme les autres. » Et, effectivement, si les banlieues pouvaient porter une revendication catégorielle, ce serait bien celle-là : celle d’être traitées comme les autres territoires. Pourtant, ce qui fait que ces discriminations existent quotidiennement n’est pas quelque chose que le vote ou le système politique a la possibilité d’abolir : tout simplement parce que c’est un effet de ce même système. C’est bien ce quotidien fait d’humiliation et d’écrasement qui rend visiblement faux tous les principes de l’intégration citoyenne.

Un journal de gauche, Libération, parmi pourtant les plus favorables à ce genre de démarche, était le 16 octobre 2006 contraint de décrire ainsi la malheureuse réalité : « Ils sont le dos au mur. Ils n’attendent rien. Ce samedi après-midi, une dizaine de jeunes sont ainsi dans le quartier de Fond-Bouillant, à Montluçon (Allier). Ici, pas d’émeute. L’abstention aux dernières élections a, selon un animateur, frôlé les 60 %. D’une barre à terre, il reste des gravats. Membre de Banlieue Active, Rost, rappeur parisien arborant un tee-shirt siglé « Cette France, c’est aussi la nôtre », s’avance vers eux. À chaque concert, il s’en va discuter, tenter de convaincre les jeunes des quartiers d’aller s’inscrire sur les listes. La plupart du temps, ils l’accueillent d’un : « On s’en bat les couilles. » »

C’est bien là la seule réponse à faire

Léon de Mattis

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