De la gomina dans les cheveux….

Je tourne à l’angle d’un vieil entrepôt désaffecté et je les vois. Une route gravillonneuse séparait les deux groupes. Face à face tendu. A droite des camions de CRS, armés de matraques, de lance-grenades et de fierté. A gauche des dizaines de migrants apeurés. Moi au milieu de la route, telle fut mon arrivée à Calais. Parfois les situations se résument en un coup d’œil. D’emblée j’ai du prendre position. Une pierre à la main, la cigarette au bec, je me suis rangé à gauche.

Les jours suivants se sont enchaînés au rythme des 250 repas à préparer chaque jour, des allers retours en camionnette entre le squat et le local du secours catholiques ou quelques douches étaient disponibles. Dans ce lieu, entouré de grand-mères catholiques et d’un jésuite, j’écoutais les histoires de 7 ou 8 migrants autour d’un verre de thé et de quelques grappes de raisin. Le sourire aux lèvres, la peau lavée des poussières accumulées, les cheveux enduits de gomina, la barbe rasée au bic bleu puis caressé par la crème hydratante des mami catho, ces gars de 18/22 ans me faisaient le récit de leur voyage, leur enfer. Migrants, réfugiés ou clandestins, termes variables pour désigner des fuyards de guerres, misères ou d’exploitations. Si aujourd’hui à Calais leur situation est bien semblable, tous ont des histoires bien singulières.

La nuit l’ambiance bon enfant catéchisme laisse place à une ambiance chasse aux lapins. Jeu du chat et de la souris. La chat à défaut de manger la souris, souvent joue avec, lui casse une patte voire la prend dans sa gueule et l’emmène loin de son foyer, l’isole. A plusieurs reprise j’ai du me dénoncer, capuche sur la tète, près du port, j’ai du lancer des « je suis français » afin d’éviter des coups de matraques dans les côtes.

Aujourd’hui, je ne sais pas si cela n’était pas plus douloureux, le mal du moins, n’était pas physique.

Julien

Ps : Collectif de Secours d’Urgence aux Réfugiés, C’SUR : http://www.csur62.com/