Brève histoire du vote électronique au Brésil

Comment le Brésil a mis en place en 6 ans un système 100% électronique

Le Brésil est un pays de 110 millions d’électeurs, qui est passé sans discussion
préalable d’un système totalement manuel à l’informatisation complète, sans
possibilité de recompte des votes.

Par Amilcar Brunazo Filho, fondateur de votoseguro.org

Avant de raconter l’histoire de l’informatisation du vote au Brésil, il est
indispensable d’expliquer quelques caractéristiques de l’organisation du pouvoir
électoral pour que l’on comprenne comment certaines choses se sont produites de
façon tellement équivoque.

Au Brésil le vote est OBLIGATOIRE et le Tribunal Supérieur Électoral (TSE)
exerce les trois pouvoirs républicains de réglementer, exécuter et juger tout le
processus électoral. Cette accumulation inédite de pouvoirs est responsable de
la centralisation antidémocratique des décisions entre les mains d’une minorité
et de l’absence de transparence de tout le processus. Même les lois électorales
finissent par être rédigées et approuvées sans que la société civile puisse
réellement donner son opinion et participer.

Histoire de l’informatisation des élections

1) En 1982, à la fin du régime militaire dictatorial, à l’occasion du premier
essai d’informatisation de la totalisation des votes, un évènement connu comme
le « Cas Proconsult » se produit. Il s’agissait de la première tentative de fraude
par des agents militaires. Mais l’esprit de corps de la Justice Électorale
prévaut et étouffe l’enquête. Elle ne l’a jamais avoué, et a tout simplement
effacé l’affaire de l’histoire officielle. L’informatisation de la totalisation
des votes continue lors des élections suivantes.

2) En 1985, le TSE obtient du Congrès National l’adoption en urgence de la loi
7444/85 qui impose l’unification de la Base de Données des Électeurs par
informatique et donne au TSE le pouvoir de réglementer le processus de
recensement. Le TSE décide d’éliminer la photo de l’électeur du document
d’identité électoral, ce qui provoque un énorme problème de sécurité, en
permettant que n’importe qui puisse voter en utilisant le document d’un autre
électeur. Cette erreur perdurera 20 ans et ne commencera à être corrigée qu’à
partir d’un nouveau recensement qui débutera en novembre 2005.

3) En 1995, suite à de nouvelles pressions du TSE sur le Congrès, un projet de
loi rédigé six mois auparavant par un groupe de travail interne du TSE est
adopté, et deviendra la loi 9100/95, qui permet l’utilisation de machines à
voter électroniques et donne au TSE le pouvoir de réglementer leur usage. Le TSE
décide d’utiliser des machines à voter d’enregistrement électronique direct
(DRE) sans bulletin imprimé vérifié par l’électeur. Il opte aussi pour
l’identification de l’électeur sur la machine à voter, créant ainsi un nouveau
problème de sécurité concernant le secret du vote. Cette machine est nommée urne
électronique.

4) En 1996, 1/3 des électeurs, soit à peu près 35 millions de citoyens, vote en
utilisant ces nouvelles urnes électroniques sans bulletin imprimé vérifié par
l’électeur. En 1998 ils seront 2/3, et en 2000 la totalité.

5) En 1999, le Sénat reçoit un projet de loi : celui-ci oblige les machines à
voter à imprimer un bulletin vérifié par l’électeur, crée l’audit statistique de
3% des urnes électroniques tirées au sort après l’élection, interdit
l’identification de l’électeur sur la même machine où il doit voter, et impose
l’utilisation de logiciels libres et ouverts.

6) Les ministres du TSE font à nouveau pression sur le Congrès et obtiennent en
2001, en à peine deux jours, l’adoption de sept révisions du projet de loi qui,
entre autres, remet à 2004 l’impression du bulletin vérifié par l’électeur,
impose d’effectuer le tirage au sort des urnes à recompter avant l’élection,
permet l’identification de l’électeur sur la machine où il doit voter et permet
au TSE d’utiliser des logiciels non libres, dont le code source n’est pas soumis
à audit.

7) La pression du TSE sur le Congrès contre la transparence du vote électronique
continue à se faire sentir en 2003 et, en moins de six mois, il réussit à faire
passer une loi qui abandonne le bulletin imprimé vérifié par l’électeur et
l’audit statistique du dépouillement électronique avant même leur mise en place
en 2004. Cette nouvelle loi maintient l’identification des électeurs sur les
machines à voter et l’utilisation de logiciels non libres.