Ca y est, la saison est lancée, le grand bal peut commencer. Bal paradoxal, car c’est un bal populaire dans lequel le peuple ne danse pas. Il n’est pas là pour ça, seuls les nombrils sont sur la piste, et c’est pour le peuple qu’ils dansent. Dans ce bal populaire, si le peuple est là, c’est juste pour regarder. Enfin, quand il est là ! Et quand il regarde. Il est vrai que dans ce bal, on en n’en est pas à une incohérence prés. Pour faire simple, et il y en a besoin, si les nombrils s’élancent sur la piste, c’est pour séduire le peuple.

L’orchestre médiatique joue sa musique habituelle. Tellement convenue que seules ses fausses notes font réagir les danseurs. Et encore ! Il faut dire que la partition est connue par cœur et par tous. Toujours la même rengaine. Les musiciens connaissent les nombrils qui connaissent les musiciens.

Le peu de spectateurs qui regarde s’ennuie.

Les uns après les autres, danseurs et danseuses s’élancent au son du radotage médiatique en fixant leur nombril. D’où leur nom. Ils sont les plus beaux, le savent, le font savoir, le répètent tant et tant qu’ils finissent par s’en convaincre. Ils se jalousent, s’excitent, se marchent sur les pieds, cancanent et se chipotent. Les yeux fixés sur leur propre nombril, ils virent, voltent et sont les seuls à ne pas comprendre pourquoi, immanquablement, ils finissent par se prendre les pieds dans le tapis. Ainsi dansent les nombrils

Le peu de spectateurs qui regarde baille.

Certains, parmi les nombrils, s’élancent crânement et prennent la pose. Ils se penchent tellement sur leur nombril qu’ils risquent d’y choir. Ils occupent la piste, bousculent tout le monde, évitent un coup de coude par-ci, un croche-pied par-là. D’autres se font prier, font des mines, avancent un orteil faussement frileux, puis, reculent effarouchés en souhaitant qu’on les pousse. S’ils pouvaient, ils se cacheraient derrière leur nombril pour faire croire qu’ils n’en n’ont pas.

Le peu de spectateurs qui regardait dort.

Les militants, chaperons modernes, servent de jury. Courtisés, choyés, insultés parfois, car le nombril à l’épiderme fragile, ils sont sensés représenter la voix du peuple. Car, comme le populaire se fiche d’un bal dont il n’a rien a espérer, les nombrils s’entourent d’une cour qui fait semblant d’être le peuple à elle toute seule. Une fois tous les cinq ans…

Le peu de spectateurs qui… Ah ! Il n’y a plus personne.

Lassés de ce bal de dupes, les spectateurs sont partis au bal clérocratique. Là, c’est un vrai bal populaire et c’est lui, le peuple, qui mène la danse.

François Amanrich (Porte-parole du Mouvement Clérocratique)