J’ai eu l’occasion d’interpeller Jean Voirin à l’issue d’une AG à la Bourse du Travail, il y a plus d’un mois, en lui disant qu’il fallait comprendre la méfiance envers la CGT. Bernard Thibault, sifflé à Marseille lors d’un meeting pour avoir appuyé sur le frein lors du mouvement sur les retraites, c’est dans toutes les mémoires, lui-ai-je dit.

« Je ne suis pas Bernard Thibault » m’a alors rétorqué Jean Voirin, l’air furibard.

Si ce n’est lui, c’est donc son frère, si l’on en juge par ses déclarations d’aujourd’hui au « Monde ».

« Je regrette » l’annulation du Festival d’Avignon LE MONDE | 04.08.03 | 13h13 Entretien avec Jean Voirin, secrétaire général de la fédération CGT du spectacle.

Pour la première fois de son histoire, le festival d’Avignon a été annulé. aujourd’hui, avec un peu de recul, qu’en pensez-vous ?

On était persuadé qu’il y aurait un mouvement revendicatif, comme il y en avait eu en 1992 et en 1996. Personne ne pouvait juger de son ampleur. Aujourd’hui, je regrette -cette annulation-, c’est notre outil de travail. La question reste entière : était-il raisonnable que le gouvernement accepte le calendrier fixé par le Medef ? Dans le texte signé le 20 décembre 2002, il était écrit que les négociations devaient s’ouvrir d’ici au 30 juin 2002, mais aucune date n’était fixée pour la conclusion de l’accord.

J’ai été surpris par l’ampleur du mouvement. Nous avons appelé à des grèves et à des manifestations. La mobilisation a été bien supérieure à notre influence électorale et a dépassé nos rangs. Mais la CGT n’a pas demandé l’arrêt du festival.

Vous avez pourtant dit : « On va tout faire péter »…

Personne n’imaginait que la grève serait reconduite. Les déclarations de Bartabas, d’Ariane Mnouchkine ont jeté de l’huile sur le feu.

Si le PC avait été très fort aujourd’hui, pensez-vous que le Festival d’Avignon aurait été annulé ?

S’il avait fait 23 % des voix, j’aurais appelé à la mobilisation dans les mêmes termes.

A Aix-en-Provence, pourquoi avez-vous laissé des manifestants saboter La Traviata ?

La grève était votée à une forte majorité, mais la direction du festival avait modifié les tableaux de services, ce qui empêchait les gens qui voulaient faire grève de la faire.

Le même soir, on vous a vu à la télévision assister au concert des Rolling Stones au Stade de France, ce qui a pu choquer…

C’était une maladresse de ma part. J’avais mon billet bien avant le début du mouvement des intermittents. Je me suis fait manipuler par France 2. Au cours du concert des Rolling Stones à Bercy, les grévistes ont refusé de démonter l’installation. Le producteur, après avoir en vain proposé aux salariés de mieux les payer, les a « lock-outés ». On a porté plainte contre cette pratique.

Au Stade de France, les forces de police avaient usé de violence contre les intermittents deux jours avant le concert, mais l’équipe avait voté contre la grève et le spectacle a eu lieu.

On a entendu dire que la CGT était débordée par la CGT spectacle, elle-même débordée par les coordinations…

Cela prouve qu’on n’a pas, à la CGT, une conception centralisatrice. Si Bernard Thibault avait dit : « Il faut que la CGT-Spectacle y aille -se radicalise dans le conflit-« , on le lui aurait reproché. Le texte de l’accord est imbuvable. On l’a expliqué aux salariés, ils sont descendus dans la rue. De plus, on a assisté à des tripatouillages entre le gouvernement, le Medef et l’Unedic, si bien que l’avenant du 8 juillet a été négocié directement par l’Etat.

Vous défendez aujourd’hui l’accord sur le régime des intermittents de 1997, que vous n’aviez même pas signé. Pourquoi ?

Il consacrait la dégressivité des allocations, et la CGT s’était battue contre de telles mesures.

Marc Slipper, un des lieutenants de la CGT spectacle, a tenu des propos homophobes à l’encontre de Jean-Jacques Aillagon. Est-ce que vous les condamnez ?

Ce sont des dérapages. Jean-Jacques Aillagon est quelqu’un de plutôt sympathique, avenant, ce n’est pas un salaud d’extrême droite. Il s’est fait ficeler par le Medef et par François Fillon, qui l’a envoyé au casse-pipes.

L’influence de la CGT tend à se réduire, notamment dans les théâtres nationaux. Quelle est votre analyse ?

Quand on perd des élections, c’est qu’on a fait des conneries. Il existe, c’est vrai, un problème générationnel, de renouvellement des militants.

Propos recueillis par Nicole Vulser