Après une semaine chargée de tensions et d’incertitudes -pour la « démission à moitié du président Carlos Mesa-, la Bolivie s’achemine vers la discussion du dernier article de la Loi des Hydrocarbures lors de la session parlementaire convoquée pour mardi prochain. Les différentes forces se préparent. Et la question n’est pas simple : il s’agit de l’article 53, celui qui fixe le pourcentage que devront payer les compagnies pétrolières.

Le sujet a provoqué de fortes disputes entre les mouvements sociaux et le gouvernement et a été à l’origine de l’échec du dialogue entre Evo Morales et le président (alors qu’il n’y a pas longtemps, Morales était un allié de Mesa) lors de la réunion de jeudi dernier. Alors que le premier souhaite que revienne à l’Etat la moitié des 1 500 millions de dollars, le gouvernement soutient que cela doit se faire au travers des impôts et il n’y a pas longtemps proposait de le faire de manière graduelle, en fonction de l’augmentation des exportations. Du côté du gouvernement, on soutient également que le pays devra souffrir de fortes pressions internationales, y compris des procès, promus par les entreprises affectées par la « violation de leur sécurité juridique ».

Le défenseur du peuple, Waldo Albarracín, et le président de l’Assemblée des droits Hunains, Sacha Llorenti, continuent de viser une sortie de conflit négociée et ont convoqué à « un sommet social et politique du gaz » qui devrait se réaliser à Cochabamba lundi prochain. Une possible solution de compromis consisterait par remplacer l’augmentation des impôts -actuellement de 18 %- par un impôt de 32 %, direct et calculé en sortie de puit « pour éviter l’évasion fiscale et la fraude ». Cependant, pour cela ils devront convaincre le MAS de Morales et d’autres mouvements sociaux que cet impôt signifiera la même chose que les 50% et qu’il existe assez d’assurance pour assurer les recettes à l’État bolivien. Une proposition identique, formulée par le président de la Chambre des députés, Mario Cossio, avait déjà été refusée par le MAS et approuvée lors d’un vote irrégulier qui devrait se répéter mardi prochain.

Jusqu’à maintenant, Evo Morales et ses alliés du « Pacte anti-oligarchique » ont refusé l’alternative, en se maintenant dans la position que « l’augmentation des prélèvements n’est pas négociable parce que c’est une revendication de tout le peuple ». « 50 % ou rien » a insisté le dirigeant de El Alto, Roberto de la Cruz. Cependant, quelques députés du MAS se sont montrés ouverts à considérer la proposition et y compris ont critiqué extraofficiellement l’accord de leur chef avec les dirigeants syndicaux « venus à moins » et radicalisés, ce qui conspirerait contre leurs possibilités électorales en 2007.

La fatigue sociale -autant de la part des bloqueurs que des bloqués-, après plus de deux mois de convulsions poiltiques et sociales, pourrait opérer en faveur du gouvernement et d’une pause transitoire dans les actions directes. Un premier indice est venu de la ville de El Alto, où les organisations de quartiers ont levé les mesures de force et accepté la formation d’une commission multisectoriale qui, en trois mois, définira les conditions du départ de l’entreprise Aguas del Illimani (contrôlée par Suez-lyonnaise des Eaux), revendication qui a provoqué de fortes protestations dans cette localité indigène.Cependant, les barrages de routes menacent de se radicaliser à Cochabamba, spécialement dans la région cocalera du Chapare, où les paysans menacent d’encercler Cochabamba si le parlement n’approuve pas l’application des 50 %. Hier, Evo Morales s’est réuni avec le dirigeant de la Coordination du Gaz, Oscar Olivera, et avec d’autres secteurs sociaux dans cette ville de la vallée, pour définir les mesures à prendre. Alors qu’une réunion d’urgence de la Centrale Ouvrière Bolivienne qui avait lieu à l’université publique de El Alto était sur le point de décider de mesures de lutte. « Cependant les barrages de routes ne s’organiseront pas immédiatement » a admit De la Cruz. Tandis que Felipe Quispe, présent à la réunion, n’a pas voulu fixer de date aux mesures de pression. « Les voleurs ne préviennent pas quand ils vont attaquer une banque » a-t-il déclaré.

Malgré l’échec du dialogue de jeudi dernier, beaucoup ont senti avec soulagement que, après les fortes accusations mutuelles, Carlos Mesa et Morales se sont assis pour négocier. Les plus optimistes pensent qu’il s’agit seulement du « premier tour », dont l’échec était prévisible mais que cela ouvre les portes à la suite du dialogue. D’autres prévoient de gros nuages à l’horizon si cette nouvelle alliance sociale « radicale » réussit à regrouper suffisament de forces pour se mettre en mouvement.

Pagina12 (Argentine), 12 mars 2005