A Nantes, le point de rendez-vous est fixé dès le matin dans le centre-ville. Quelques heures plus tôt, déjà, la jeunesse est en mouvement. C’est elle qui subit de plein fouet les attaques de Macron, dans les lycées, les universités, ou dans les jobs précaires et imposés. A la fac, des débrayages ont lieu dans les amphithéâtres, alors que le lycée Jean Perrin, élu établissement le plus déter’ de la journée, est bloqué. C’est donc assez logiquement que plusieurs centaines de jeunes prennent place à 10H30 en tête de cortège, alors que résonnent les premiers discours syndicaux. Lorsque la manifestation démarre, un service d’ordre bloque le défilé pour séparer les cortèges syndicaux du cortège de tête. La manœuvre fait flop, des dizaines de personnes débordent ce blocage pour suivre l’avant de la manifestation, qui crépite de fumigènes. Nous sommes 7 000 dans les rues de Nantes.

La manifestation se fait sous la pression constante d’un énorme dispositif policier paralysant le centre-ville. Une trentaine de policiers de la BAC, surarmés et cagoulés, menacent en permanence les participants pourtant calmes. Visiblement, l’affaire Benalla n’a rien changé à la sauvagerie répressive, et les cagoules sont toujours de rigueur chez les forces de l’ordre. Des rangées de Gendarmes Mobiles collent littéralement tout l’avant de la manifestation. Malgré tout, quelques tags fleurissent sur le parcours. Des véhicules de l’entreprise d’énergie Enedis voient leurs vitres brisées, avec un tag faisant référence à la lutte anti-nucléaire à Bure. Des slogans pour Aboubakar, tué par un CRS à Nantes en juillet dernier résonnent. Des enceintes crachent des morceaux, complétés par le rythme d’une batucada, elle même à peine recouverte par le bruit de l’hélicoptère.

Arrivé devant la cathédrale, la provocation policière entre en jeu. Alors qu’une banque prend quelques couleurs, la gendarmerie inonde la rue de lacrymogènes et charge brutalement pour voler les banderoles de tête. Une caricature représentant Benalla en « milicien du ministère » est violemment arrachée par les forces de l’ordre. Tout un symbole.Une grenade atterrit dans un appartement de cette rue, particulièrement bourgeoise.

Après ce moment de confusion, un cortège mélangé de jeunes cagoulés et de syndicalistes avec leurs camions avance de concert face à face. Mais la suite du défilé se fait avec un étau policier encore plus serré, en particulier devant la mairie. Les manifestants se rendent alors compte que plusieurs compagnies de CRS ont aussi été déployées dans tout le quartier. Les économies budgétaires ne s’appliquent pas au maintien de l’ordre.

Cours des 50 Otages, des fumigènes colorent la lumière dorée de la fin de matinée, mais, déjà, les directions syndicales annoncent la fin du défilé. Le parcours sera donc encore plus court que ceux, déjà ridicules, de l’an passé. Mois après mois, l’espace dévolu aux contestations rétrécit, alors que l’espace de la répression et de la marchandise augmente. Des dizaines de personnes crient leur souhait de continuer, mais forcer le verrou policier ne s’improvise pas, et ne peut se faire que collectivement. Peu à peu, la foule se disperse, en promettent de revenir, encore plus déterminée.

Cette journée de lutte aurait pu finir en douceur si la police n’avait pas lancé une chasse aux manifestants dans le quartier Bouffay. Au moins 3 personnes sont alors arrêtées en quelques minutes. Une personne assise dans un bar est étranglée et trainée dans la rue par un individu aux cheveux ras, sans brassard, sans signe distinctif. Un barbouze ? Un indicateur de police ? Un agent de renseignement ? Un fasciste ? Difficile à dire. Quoiqu’il en soit, cet homme livre la personne arrêtée à des policiers de la BAC, et disparaît immédiatement, en tentant de cacher son visage. Une personne qui proteste face à cette arrestation violente et injustifiée est aussi arrêtée. Un adolescent est interpellé par ailleurs.

Le visage mafieux du régime macroniste se dévoile encore au grand jour. L’arrogance du pouvoir ne sera défaite que par les rencontres, les prises de rues et les blocages les plus nombreux et les plus rapprochés possibles. A nous de construire le rapport de force.