Notre introduction sera notre conclusion : ce qui fait vivre un mouvement social et le renforce, c’est l’auto-organisation des personnes en lutte. Ceci essentiellement à l’échelle locale, directement dans notre quartier, notre ville ou notre région. D’où la grande force des « maisons de la grève », lieux à créer de rencontre et d’organisation, comme les Comités de Quartiers, et autres Assemblées Populaires où chacun reprend sa vie en main. La coordination fédérative et horizontale entre ces différentes structures d’auto-organisation locale permet d’élargir le mouvement et d’entamer un basculement à plus grande échelle.

(…) En outre ces structures d’auto-organisation locales permettent aux personnes qui vivent au même endroit de mieux se coordonner pour parer à toute hostilité : empêcher des expulsions locatives, se réapproprier des bâtiments vides, protéger les sans-papiers des rafles et des expulsions, empêcher des licenciements, soutenir des personnes soumises aux coups de la répression judiciaire, organiser des événements de soutien, soutenir les personnes incarcérées, faire pression sur les structures fascisantes d’enfermement tels les « centres de rétention », etc.

Au final créer une nouvelle temporalité de vie sociale non capitaliste, directe, locale, immédiate. Telle est notre possibilité, tel est notre objectif à réaliser.

 

TACTIQUES ET COMBATS DE RUE – GREVES ET STRATEGIES DU BASCULEMENT 

Pourquoi distinguer « tactiques » et/de « combats de rue », de ce que nous entendons par « stratégies du basculement » ? Parce que les premières permettent les secondes, que ces stratégies de lutte impliquent des tactiques de combat, au sens premier.

Que ce soit lors d’un mouvement social, ou lors d’une « révolte » (quand on parle de la « révolte des banlieues » de 2005, par exemple), cela reste un rapport de force social, un conflit de classe. Et dans notre monde de représentations, de statistiques et de spectacle, il y a toujours ces personnes qui misent avant tout sur cette dimension irréelle pendant un conflit. Pourtant, malgré l’écrasement de la dimension spectaculaire des sociétés capitalistes modernes sur notre quotidien réel, de la puissance représentative d’une image isolée de son contexte et de son insertion forcée à une logique de la rentabilité instantanée (comme c’est le cas pour les enjeux patronaux, médiatiques et même syndicaux), le développement des conflits, quels qu’ils soient, tient encore et toujours sa réalité dans un rapport de force concret et physique, celui qui oppose en définitive des bataillons armés de police organisés et disposés selon les vieilles lois militaires des légions romaines, de l’art ancestral de la guerre de terrain, contre des « hordes émeutières » qui les affrontent ou s’en défendent. Comme disait Sun-Tzu, « la guerre est une affaire d’importance vitale pour l’Etat. »

Ce qui signifie que les enjeux d’un rapport de force lors d’un mouvement social ou d’une « révolte » (au sens de « non revendicative »), s’en tiennent, encore à notre époque [qui est donc celle de l’Internet, des représentations et de l’image (du spectacle pour reprendre une notion situationniste intéressante)], à des batailles de rue dont les lois propres n’ont guère changées depuis l’ère de Sun-Tzu, depuis les légions romaines, depuis les guerres moyenâgeuse voire napoléoniennes.

Aussi, afin de rendre nos luttes sociales incontrôlables et de leur donner une portée offensive maximale, afin de constituer une convergence émeutière et d’organiser la solidarité, nous proposons ici quelques humbles réflexions pratiques.

Nous n’avons pas la prétention de détailler une recette miracle immuable, ceci n’est qu’une contribution à penser ce qui existe déjà, une ébauche pour renforcer et consolider des outils de lutte dans l’optique d’autonomiser nos combats. Nous nous distinguons de la promesse prophétique d’une insurrection à venir pour au contraire tirer des leçons, d’un point de vue tactique et stratégique, de trente années de luttes et de mouvements sociaux passés au cœur des métropoles urbaines occidentales et non-occidentales. C’est la loi propre de l’action qui nous enseigne certains réflexes, et non une théorie préalable. C’est dans une démarche semblable que Blanqui, entre autre exemple, a rédigé Instructions pour une prise d’armes que les idiots auto-suffisants ont raillé et accusé de « militarisme » alors que les Communards couraient à leur perte en refusant d’attaquer Versailles qui était encore en difficulté. Une certaine science de l’émeute reste à élaborer, toujours sur le tas, de par l’expérience de plusieurs générations combatives, au profit d’un certain art de la guerre. Non que nous y trouvons une sorte de jouissance maladive et fantasmatique, mais parce que leur monde nous y contraint.

Nous sommes mouvementistes, autrement dit nous estimons que le mouvement alimente le mouvement, l’élan se nourrit lui-même et de lui-même, ce qui rend possible à tout combat de s’instaurer dans une durée. Toute insurrection se créée elle-même, trouve son ingéniosité dans la détermination et la solidarité. Ainsi de la révolte des ghettos-banlieues de France en novembre-décembre 2005, ainsi de la Commune de Oaxaca au Mexique en 2006-2007, ainsi de la révolte de la jeunesse pauvre grecque en décembre 2008, comme de la jeunesse chilienne ou du peuple brésilien depuis des années qui constamment reprennent la rue, de la Commune de Taksim en Turquie, des mineurs grévistes des Asturies en Espagne durant tout l’été 2012, etc. C’est la réalité de ces révoltes qui nous inspirent avant tout.

En face, l’ennemi ne cesse de parfaire des tactiques et de perfectionner de nouvelles armes de contre-insurrection. Du drone au taser, des boucliers à ondes ultra-son au flashball, de la caméra aux blindés canons à eau, la société bourgeoise et le système capitaliste mettent une priorité au contrôle militarisé de la rue. De notre côté, si depuis trente ans de nombreuses choses intéressantes se sont développées, cette perspective reste encore trop marginale et permet de trop nombreuses défaites pourtant évitables. Cette brochure cherche à y remédier.

* Stratégies du basculement

Tout rapport de force devient offensif s’il assume d’être sédition, sécession. En premier lieu avec la Loi. Les directions syndicales sont depuis un moment déjà devenues collaborationnistes, nous en convenons tous, même ce qu’un « militant professionnel » dénomme avec condescendance paternaliste par « personne  non politisée ». Ils sont désormais des chiens de garde supplémentaires du Capital et au service de l’Etat, avec fonction de canaliser et d’épuiser les mouvements sociaux pour leur ôter toute autonomisation combative. Quant aux militants de base, beaucoup restent piégés dans la perspective résignée du légalisme.

1- du légalisme

La première sécession, est celle à accomplir avec la Loi, qui n’est jamais que leur Loi. La Loi est produite et fabriquée par les politiciens au service des grands patrons, industriels et multinationales qui les dictent, afin de créer une structure politique à leur avantage. La Loi est élaborée par nos ennemis pour se protéger de nous, autrement dit jamais elle ne sera un outil d’émancipation populaire. D’où la justice de classe qui en découle.

2- de ladite « non-violence »

La deuxième sécession à assumer définitivement est directement conséquente de la première. Les médias bourgeois parviennent encore trop facilement à diviser ceux qui luttent et font grève entre lesdits « violents » et « non-violents ». C’est un terme d’Etat encore récent, qui va de paire avec la notion politique de « terrorisme » créé par les fascismes historiques (depuis les années 1920-30 donc) afin de la supplanter au terme de « résistance » qui, de fait, légitime toute action de lutte. Ce n’est pas compliqué : tout ce qui ne rentre pas dans le cadre strict de leur Loi est considéré de « violence », voire de « terrorisme ». Notions vides de sens en soi dans le langage médiatique, être « violent » va de l’occupation d’un lieu de travail, voire tout bonnement de l’effectivité d’une grève, au jet de pavé et à la barricade : en bref, tout ce qui implique un rapport de force réel, direct et frontal.
Se considérer non pas « violents » ou « non-violents », ni « légalistes » ou « terroristes », mais simplement et clairement résistants et/ou grévistes, personnes en lutte, c’est permettre de déployer toute une pratique de solidarité sans aucune limite imposée par l’Etat, sa Loi et ses chiens de garde.

3- des médias

Le grand média (TV, radio, presse écrite) est et reste un outil de la bourgeoisie. En France, la plupart de ces grands médias sont la propriété de grands patrons et de marchands d’armes. La presse « indépendante » dans la sphère officielle et institutionnelle, est un leurre. Au sens strict, cela n’existe pas.
Pour autant, ces grands médias sont une donnée qui s’impose lors d’un rapport de force, il s’agit de jongler intelligemment pour la tourner contre elle-même afin qu’elle se démontre comme ce qu’elle est : un organe de propagande privilégié au service du Capital et de l’Etat. Lors de la dernière grande grève de la SCNF au printemps 2014, nous avons pu apprécier le déchaînement de violence médiatique à l’encontre de la lutte des grévistes. Rarement cette violence fut à ce point explicite et déclarée.
Pour contrer cela, il est essentiel de développer, pendant les luttes même, nos propres médias : par l’outil Internet, blogs, Indymedia, radios web, etc. Avec notre propre couverture photo et vidéo des événements, et notre propre plate-forme de support médiatique à nos luttes.

4- de la répression

La répression est multiple : patronale, policière, judiciaire, syndicale. La seule arme pour la contrer est la solidarité. Contre licenciements ciblés et harcèlements, plate-forme collective et comités de soutien, caisses de grève ; contre la police et la justice, les structures provisoires et informelles « Legal Team » (réseau autonomie et affinitaire d’avocats militants au service de la lutte) avec les guides juridiques de protection du manifestant ; contre les directions syndicales, tout cela à la fois.
C’est la solidarité par et pour la base, structurée de manière autonome, qui permet de tenir un rapport de force face à tous les outils et dispositifs répressifs que l’ennemi de classe peut déployer contre nous.

5- de la légitimité

Envers les non-grévistes et la population locale qui se trouvent directement confrontés aux effets des grèves, généralement hostiles à en croire les médias bourgeois, chercher à plaire et amadouer n’est que perte de temps. Au contraire, il s’agit d’interpeller les personnes pour les engager à prendre position, en discutant et en informant, mais certainement pas en s’excusant : il n’y a que deux positions, être solidaire et complice, ou bien être délateur et hostile. En gros, c’est aux personnes de choisir leur camp, en faisant en sorte que c’est un choix qu’ils doivent assumer pleinement pour leur part. S’ils sont solidaires, créer et transmettre des outils pour que la solidarité soit pratique, active et effective (et non pas simplement « morale » ou spectatrice), par exemple par la participation aux caisses de grève, aux piquets de grève, aux manifestations et aux actions. Voire en développant des luttes de convergence au sein même de leurs propres secteurs de travail. S’ils sont hostiles, les traiter comme ils nous traitent réciproquement, si besoin est par la confrontation directe et assumée.

6- de l’initiative de l’action

Ce n’est que très récemment que dans le langage commun tant médiatique que syndical, et parmi les grévistes et personnes en lutte également, que nous distinguons les manifestations des actions. Preuve que la manifestation, à entendre la promenade syndicale encadrée par les services d’ordre et les flics qui collaborent ensemble, selon des parcours délimités et autorisés par décret préfectoral, est fondamentalement passive. Mise à part de chercher à déployer une démonstration de force strictement numérique, elle est donc inefficace, voire inutile. Jusqu’à peu encore, aller manifester, c’était prendre la rue sauvagement. Manifester, c’était lutter. L’Etat a vite compris qu’en permettant des autorisations de parcours, il neutraliserait la combativité normalement intrinsèque à toute manifestation. Chose accomplie. Donc chose à remédier : pour que la manifestation soit action, elle doit être sauvage. C’est aux grévistes et aux personnes en lutte d’être à l’initiative des décisions de manifester et d’agir, avec ou sans l’aval des préfectures, et leurs alliés police et directions syndicales.
De là découlent toute sorte de chose : assurer soi-même le service d’ordre en lui redonnant son sens initial, à savoir protéger les cortèges revendicatifs des flics en tout genre et des provocateurs. Ces « provocateurs », terme répressif au service des patrons et de leurs alliés désormais, ne sont pas les incontrôlables, potentiellement émeutiers dénommés aujourd’hui « casseurs », mais les fascistes, les anti-grévistes, les jaunes, les milices patronales, etc. De même, décider collectivement des objectifs et modalités d’action. Car manifester, ce n’est pas tourner en rond en ville à l’ombre des matraques policières ou syndicales, mais bloquer la circulation, bloquer les flux de consommation, bloquer les rouages économiques et/ou médiatiques, etc. En bref, créer une rupture qui brise la pacification de l’ordre existant, appelé communément « ordre public ». Le désordre, c’est l’ordre, moins le pouvoir. Aussi, être autonome, sauvage, spontané, ce qui ne veut pas dire ne pas être organisé, coordonné, préparé. De même en ce qui concerne le sabotage.

7- Autonomie

En première conclusion de ce que nous venons d’énoncer, il est essentiel pour tous ceux et celles qui luttent, prioritairement par la grève, d’être conscients qu’ils sont seuls. Que le gouvernement, les médias, la justice, les directions syndicales, la police, la Loi, les institutions dominantes, sont fondamentalement contre eux en tant qu’ils luttent. Ce qui ne doit pas signifier impuissance, mais autonomie. Car alors, il n’y a plus d’autre choix à assumer que de ne compter que sur soi-même, sa propre force. D’être à la fois ses propres moyens et ses propres ambitions.
Nous qui luttons, par la grève et l’action directe, sommes notre propre critère, notre propre force, notre propre ambition, notre propre objectif, notre propre moyen, car nous vivons. Ceux qui vivent sont ceux qui luttent. En cela, tout est à créer, imaginer, déployer, élaborer, transmettre, de manière radicalement horizontale, directe et autonome. En cela, lutter c’est déjà créer notre propre monde, notre propre société, notre propre dignité.

8- Stratégies de convergence

Quand nous luttons et nous mettons en grève, de plus en plus s’en excusent par avance, alors que nous n’avons pas à nous justifier. Quand nous luttons pour améliorer un tant soit peu nos conditions de vie et de travail, contre notre patron, notre propriétaire, ou autre, autrement dit quand nous engageons un rapport de force avec ceux qui dominent et oppressent nos vies, nous voulons vaincre.
Que ce soit les grèves de loyer, les occupations de bâtiments publics par des sans-papiers, que ce soit lors du mouvement dit anti-CPE du printemps 2006, que ce soit un mouvement étudiant ou lycéen, que ce soit un mouvement féministe, que ce soit un contre-sommet, une émeute en banlieue, si chacune de ces luttes peuvent paraître au premier abord séparées et spécifiques (et elles le sont), rien ne doit empêcher une convergence. Seule la convergence des luttes, aussi disparates puissent-elles sembler et quelles que soient leurs échelles, peut contraindre l’ennemi et permettre une franche victoire dans le rapport de force alors consolidé.
Il y a donc deux plans parallèles de stratégie : la stratégie interne d’une lutte pour se développer et se renforcer ; la stratégie externe d’une lutte pour se connecter avec d’autres luttes et faire cause/action commune. C’est aux acteurs mêmes de la lutte de décider des modalités et objectifs stratégiques pour pouvoir tenir le rapport de force, et chercher à le renverser en leur faveur. Aucun élément extérieur ne doit s’imposer sur ces décisions. Encore une fois, notre autonomie est la garante de notre combativité, de notre détermination et de nos solidarités.
De fait, depuis la base, aucune stratégie n’est exclusive d’une autre, prendre la voie d’une ne doit pas être une restriction ou une castration, mais une option toujours ouverte, qui doit permettre de devenir complémentaire d’autres stratégies. La fédération horizontale des acteurs en lutte, qui décident par assemblée générale locale, sont à même de susciter une telle autonomie de lutte.
Aussi, lutter c’est forcer, s’imposer. Il n’y a pas de permission à demander, il faut prendre directement. Et s’organiser de manière autonome pour se donner les moyens de prendre.

9- d’où les tactiques

Ceci nous amène à considérer les multiples options tactiques que nous avons à élaborer et mûrir pour pouvoir rendre ces stratégies porteuses et victorieuses. Ces tactiques sont déjà expérimentées sur le tas, depuis décennies si ce n’est davantage, et doivent en amener constamment de nouvelles. Aucune répression n’arrêtera nos rébellions et l’enthousiasme à se battre est le facteur déterminant pour parvenir à certains objectifs que nous avons nous-même établis. Des luttes qui ont déjà eu lieu, nous devons tirer des leçons pour éviter des erreurs tactiques et parfaire nos moyens de vaincre. Chaque lutte est complémentaire, dans la considération « du » mouvement social, celui global, international et populaire contre la domination capitaliste.

10- anticiper, se coordonner, se préparer

Il n’est plus question d’appréhender ou empêcher la répression (policière, médiatique, judiciaire, patronale, syndicale), de la craindre, mais de l’anticiper. Anticiper la répression, c’est s’y préparer, s’y confronter.
Au terme de ces considérations, nous parvenons à retrouver le sens initial du rapport de force en tant que tel.

 

* Tactiques et combats de rue.

Avant tout, nous présentons à nouveau des outils qui existent déjà :

guide anti-répression :

http://www.secoursrouge.org/Guide-anti-repression

guide juridique pour manifestant arrêté :

http://solidarite.samizdat.net/spip.php?article168

http://1libertaire.free.fr/Guidemanifestan-e.html

http://juralib.noblogs.org/guide-juridique-pour-les-manifestantes-et-les-activistes-mai-2011/

petit guide pratique pour défier les forces de l’ordre :

http://1libertaire.free.fr/GuideProtectionManif.html

brochure « tactiques et guérilla » :

http://juralib.noblogs.org/2012/02/28/tactiques-et-guerilla-pour-une-frappe-revolutionnaire-victorieuse/

question de la tactique Blacks Blocs :

http://www.delitfrancais.com/2012/03/27/le-black-bloc-nexiste-pas/

http://kropot.free.fr/Black-bloc3.htm

http://www.contretemps.eu/lectures/sociologie-blacks-blocs

* * * * * * * * *

Ce qui suit reste des conseils pratiques basiques et sans prétention.

1- occupation d’un bâtiment

Cette tactique se distingue entre l’occupation de son lieu de travail, et l’occupation de bâtiments publics et/ou sièges d’institution.
Occuper son lieu de travail va souvent de paire avec tenir un piquet de grève, ceci permet de faire vivre la grève et de l’organiser, tout en bloquant et paralysant les activités de son lieu de travail (et aussi d’empêcher les jaunes de nuire à la grève).
Occuper un bâtiment public ou siège d’institution, par exemple la Chambre des Commerces et de l’Industrie, le siège d’un média local ou régional, l’hôtel de ville, la mairie, des banques, des pôles emplois, un mac donald, voire un ministère ou une préfecture, est chose plus ardue.
Un groupe restreint peut venir en préalable repérer les lieux et anticiper plus précisément la réalisation et le succès de l’opération. Le jour de l’opération, un groupe restreint peut surgir, bloquer les portes d’entrée en les maintenant ouvertes, paré à contrer la fermeture automatique ou les vigiles. Aussitôt et très rapidement, le gros des manifestants doit s’engouffrer dans le lieu. Dès lors, évacuer les gens (à moins qu’ils soient solidaires) pour éviter le motif juridique répressif classique de « prise d’otage et séquestration ». Ce qui n’empêche pas d’opter ou non pour la séquestration effective de la direction. Informer et expliquer calmement la situation au personnel sur place afin de susciter éventuellement un mouvement de solidarité. Songer aussitôt à aveugler les caméras de vidéo-surveillance. Avoir sa propre couverture médiatique est souhaitable.
Dès lors, trois choix : occuper « proprement » les lieux jusqu’à l’arrivée des flics et évacuer de soi-même le bâtiment ou se faire évacuer sans confrontation par ladite « résistance passive » ; occuper « durement » les lieux avec barricadage pour tenir l’occupation et se préparer à empêcher les flics de pénétrer l’endroit et d’en expulser les occupants ; occupation « éclair » en mode rentrer-sortir avec un maximum de casse et/ou de pillage.

Dans les trois cas, la répression ciblera, comme à chaque fois, des « têtes » dites « meneuses » ou « agitatrices » pour leur faire porter le chapeau de l’action et lui ôter sa force collective. Anticiper cela et bien protéger ceux qui s’exposent le plus (par exemple lors d’une prise de parole). Ces désignations de « meneurs » sont tout à fait arbitraires : celui qui tient une banderole ou porte un mégaphone peut être en cela considéré « meneur » ou « organisateur ». De manière plus générale, toujours tenter d’empêcher collectivement des arrestations.

Dans le premier cas, avoir conscience que ce choix tactique n’empêchera pas une éventuelle répression violente de la part de la police. Ce qui peut entraîner une confrontation physique non souhaitée au départ, et si des personnes se battent frontalement avec la police, rester solidaire. Se mettre « en chaîne » au coude-à-coude est une bonne manière de ralentir l’évacuation et, parallèlement, de prolonger l’action.
Dans le second cas, ne pas perdre de temps et s’affairer à barricader toutes les issues : portes, fenêtres, couloirs. S’il manque de monde, se réfugier au dernier étage en obstruant le passage au maximum. Ne pas hésiter à cadenasser, utiliser du silicone, utiliser le mobilier présent. A nouveau, se mettre en chaîne au coude-à-coude ou résister frontalement en cas d’infiltration réussie de la police. Si l’occupation tient, penser au ravitaillement avec des groupes extérieurs prévus en préalable, voire un soutien extérieur physique régulier et/ou permanent pour renforcer les occupants à l’intérieur et gêner la police. Lorsque l’occupation n’est plus tenable et que la police parvient à sévir, avoir anticipé une issue de sortie pour une retraite coordonnée, avec l’appui de groupes extérieurs pour la couvrir, peut empêcher la police de procéder à des arrestations. Ce serait alors une victoire complète de l’action.
Dans le troisième cas, tactique de la terre brûlée. Veiller à bien être masqué et de rester toujours groupé, ne pas laisser de trace ADN ou d’empreintes digitales, se couvrir les cheveux avec bonnet ou capuche, mettre des gants, être mobile et rapide. En cas d’intervention rapide de la répression, toujours prévoir une voie de sortie.

2- blocage d’un rouage économique (carrefour, voie ferré, autoroute, péage, etc.)

Le blocage économique est ce qui fait le plus de mal au patronat et désigne l’action la plus forte et déterminante lors d’un rapport de force. Comme telle, la répression policière sera violente. Que ce soit un carrefour, une voie ferrée, une autoroute ou autre, prévoir avant tout des petits groupes qui signalent en amont le blocage du flux et ainsi freiner préalablement toute circulation. Le mieux est l’érection de barricades, éventuellement avec des matériaux sur place, pour renforcer le blocage physique des personnes en lutte. Mais il est préférable de préparer en amont des matériaux de blocage pour des barricades plus consistantes et efficaces, par exemple des pneus et palettes à enflammer, des bennes à ordure à renverser et enflammer, etc. Le feu rend la barricade visible et dissuasive pour la police, de même qu’il atténue l’effet des gaz lacrymogènes.
Comme à chaque fois, lors d’une éventuelle confrontation physique avec la police, prévoir des issues de sortie pour éviter au maximum d’être pris en tenaille et de se retrouver coincé. L’enjeu est de tenir le blocage le plus longtemps possible pour faire le plus de mal au Capital et peser dans le rapport de force. Prévoir des groupes de guetteurs qui préviennent de l’arrivée de la police et de son dispositif tactique de répression peut être utile. A nouveau, comme en toutes circonstances, il est préférable d’avoir sa propre couverture médiatique autonome et sa propre structure de protection juridique « Legal Team », voire une équipe de soins « Medical Team » pour parer aux conséquences de la répression sur le terrain.
Bétonner ou arracher les voies ferrées peut rendre toute circulation impossible, même après évacuation des lieux des personnes en lutte.

3- face aux flics

Beaucoup de choses fondamentales sont déjà utilement détaillées dans les deux brochures « petit guide pratique pour défier les forces de l’ordre » et « tactiques et guérilla : pour une frappe révolutionnaire victorieuse ». Nous rappellerons toutefois quelques éléments de base.

*outils défensifs

S’équiper en masques à gaz et lunettes de natation/ski pour contrer les effets du gaz lacrymogène. Mettre des gants de chantier pour ne pas laisser d’empreinte mais aussi ne pas se blesser, que ce soit en envoyant des projectiles, déplaçant des matériaux pour ériger des barricades, ou renvoyer des palettes de lacrymogène. S’équiper de casques pour parer aux matraques, tirs de flashball ou éclats de grenade. Avoir des chaussures légères, montantes et sportives. S’équiper de boucliers (individuels ou collectifs) peut aider pour une confrontation efficace aux forces de l’ordre. Sérums physiologiques contre les gaz asphyxiants, citron, lait ou Malox (pas d’eau car il fait circuler le gaz).

*outils offensifs

Lances-pierre, frondes, lances-fusées artisanaux, objets incendiaires, lasers aveuglants, crèves-pneus, catapultes, voitures-béliers, grappins…

4- des actions commandos

Avec ou sans mouvement social, une action commando permet toujours de maintenir une certaine pression. Ainsi, par exemple, des insurgés au Bahreïn lorsque, à quelques dizaines, chacun équipé de deux cocktails Molotov, ils font pleuvoir une volée de projectiles incendiaires sur une patrouille policière ou un commissariat. L’essentiel alors est la portée offensive maximale, par groupes d’individus soudés, anonymes, et dont il vaut mieux ne pas connaître l’identité. Comme le sabotage, la meilleure solidarité pour ce type d’action est de la soutenir en s’en revendiquant également, tout en reconnaissant ne pas savoir qui l’a effectué nominativement.
5- coordination des groupes et affrontements

Nous renvoyons de nouveau à la petite brochure « tactiques et guérilla », à partir du paragraphe 25 notamment.

http://juralib.noblogs.org/2012/02/28/tactiques-et-guerilla-pour-une-frappe-revolutionnaire-victorieuse/

CONCLUSION- échelle locale des plans stratégiques, coordination tactique et horizons révolutionnaires

Ce qui fait vivre un mouvement social et le renforce, c’est l’auto-organisation des personnes en lutte. Ceci essentiellement à l’échelle locale, directement dans notre quartier, notre ville ou notre région. D’où la grande force des « maisons de la grève », lieux à créer de rencontre et d’organisation, comme les Comités de Quartiers, et autres Assemblées Populaires où chacun reprend sa vie en main. La coordination fédérative et horizontale entre ces différentes structures d’auto-organisation locale permet d’élargir le mouvement et d’entamer un basculement à plus grande échelle.

C’est en créant ces structures informelles parallèles aux institutions séparées de leur monde que s’élabore un nouveau vivre-ensemble par la lutte, et que surgissent des horizons révolutionnaires toujours plus réalisables, tels qu’en finir avec le salariat, l’administration bureaucratique, la propriété privée, etc. C’est par la force collective en marche que s’annihile toute peur individuelle, que les limites et barrières imposées explosent et que s’arpente un sentier nouveau, vers la création d’un autre social.

En outre ces structures d’auto-organisation locales permettent aux personnes qui vivent au même endroit de mieux se coordonner pour parer à toute offensive ennemie : empêcher des expulsions locatives, se réapproprier des bâtiments vides, protéger les sans-papiers des rafles et des expulsions, empêcher des licenciements, soutenir des personnes soumises aux coups de la répression judiciaire, organiser des événements de soutien, soutenir les personnes incarcérées, faire pression sur les structures fascisantes d’enfermement tels les « centres de rétention », etc.

Au final créer une nouvelle temporalité de vie sociale non capitaliste, directe, locale, immédiate. Telle est notre possibilité, tel est notre objectif à réaliser.

Une coordination tactique des actions élaborées par les personnes en lutte établie vis-à-vis d’un plan stratégique en plusieurs phases décidé collectivement est ce qui permet le basculement. Le mouvement social devient alors victorieux et insurrectionnel. Les exemples historiques récents ne manquent pas : par exemple la révolte de la Commune de Oaxaca à partir de l’été 2006, ou encore la victoire de la révolte de Keratea (près d’Athènes, en Grèce) au printemps 2011. Ou bien la révolte des mineurs des Asturies durant l’été 2012.
Bien sûr, en outre, toutes les révolutions des pays Arabes depuis 2010-2011 : en Tunisie, Egypte, Lybie, Syrie, Turquie, Bahreïn, etc. Avant cela, personne n’aurait parié la chute de Ben Ali, Kadhafi ou de Moubarak sous la pression populaire insurgée. Enfin, la révolution zapatiste au Chiapas qui dure depuis vingt ans déjà.

En France, les derniers mouvements de grande ampleur et au bord du basculement furent le mouvement social du printemps 2006 et celui de l’automne 2007.

Commune de Oaxaca : http://grenoble.indymedia.org/2006-12-16-Chronologie-de-la-Commune-de

Commune de Keratea : http://rebellyon.info/Keratea-Grece-un-modele-de.html

Parce que chaque jour qui passe sonne comme une nouvelle victoire de leur monde de mort sur nos vies, et qu’il en est assez. Tout commence, tout est à faire. Ici, maintenant.

http://reseauxcla.wordpress.com/