Il s’agit en fait d’une formule propulsée par l’association basque Bizi. L’idée est de promouvoir la transition écologique depuis des collectifs citoyens locaux auprès d’un public peu ou prou sensibilisé à cette question. Les Villages des Alternatives se veulent être des tribunes pour la diffusion de pratiques soutenables et des moments de convergence entre les initiatives existantes. Les assos locales de plusieurs villes France qui se sentent proches des idées promues par Bizi se sont emparées de ce concept. L’association basque travaille principalement sous un angle réformiste. J’entends par là que leur activité consiste principalement à faire bouger les lignes des éluEs sur les questions écologiques. À Nantes, la version qui se prépare a un goût particulièrement amer. Car à l’aspect réformiste de l’initiative, qui n’était déjà pas pour me convenir, s’ajoute une organisation totalement ouverte à la récupération politique par les pouvoirs locaux. Or, proximité de la ZAD de Notre Dame Des Landes oblige, Nantes est ébranlée par un rapport de force omniprésent entre les volontés populaires et celles des Institutions et de leurs représentantEs.

Le terrain, ou plutôt le terreau qui est le nôtre, met au grand jour les pratiques des collectivités locales et des institutions en terme de manipulation de l’opinion publique et de répression des mouvements sociaux. Le cas nantais est aussi un excellent révélateur de la gestion du bien commun et esquisse parfaitement les logiques économiques en vigueur. Nantes ne fait évidemment pas figure d’exception, mais le théâtre d’action que l’on connait ici porte la lumière sur les rouages de la machine à laquelle on se retrouve confrontéEs dans nos résistances aux quatre coins du globe.

Bienvenue dans à Nantes, la ville aux mille-et-un artifices, où « démocratie participative », greenwashing, ESSwashing et artwashing font loi. On bétonnera une zone humide préservée pour construire un aéroport Haute Qualité Environnementale. Il est possible d’améliorer l’équipement existant, mais il est bien plus rentable de détruire des terres qui devrait nourrir les habitantEs… On expulse des personnes sous prétexte qu’elles squattent des bâtiments vides et on déroule un tapis de béton, de goudron et d’immeubles aux loyers prohibitifs sur des terres cultivables… Puis en parallèle, on crée Le Voyage à Nantes avec pour partenaires Vinci mais aussi Total ou ERDF. Et pour se faire de la thune et leur faire de la pub, on singe les guérillas bocagères/potagères qui avaient pris place dans l’espace urbain quelques mois plus tôt ; ou encore, on ouvre une pseudo « Villa Ocupada » quand une semaine plus tôt on a expulsé la maison de la ZAD à grands renforts de lacrymo et d’intimidations au flashball…

Mais tout va bien! En tous cas, à voir la manière de laquelle s’organise et se positionne l’édition nantaise du Village des Alternatives, on pourrait vraiment le croire… En comparaison avec d’autres éditions d’Alternatiba dans d’autres villes, celle-ci est ô combien consensuelle, voire furieusement naïve. Serait-ce parce que plusieurs organisateurices et assos participantEs sont en lien étroit avec les collectivités locales (Nantes Métropole, Le conseil Général, la Région Pays de la Loire) soit directement, soit au travers de structures intermédiaires telles que les Ecossolies ou Ecopôle? Quand le partenariat n’est pas officiel, ce sont les subventions qui assurent la connexion entre les groupes et les institutions — et donc la subordination des premiers face aux secondes…

Selon vous, est-il possible de monter une association réellement écologiste et de percevoir en parallèle des fonds des collectivités locales et territoriales qui promeuvent le bétonnage de plus de 2000 hectares d’une zone humide? Peut-on se permettre d’être ouvertement critique sur les politiques menées par la mairie, le département et la région sans risquer de se faire sucrer les précieuses subventions?
Il m’a déjà été donné par le passé de débattre des incohérences entre les modes d’action et les enjeux locaux avec certainEs militantEs associatives qui aujourd’hui promeuvent l’Alternatiba-Nantes. Je me suis longtemps efforcée de comprendre leur positionnement. Mais après des événements tels que la manif du 22 février, la répression d’Etat ultra violente qui s’en est suivie, l’acharnement judiciaire qui sévit encore sous le signe de l’exemplarité et la déclaration de Jacques Auxiette , j’avais espoir de voir cela évoluer… Que dalle!
Pas une revendication contre l’aéroport et son monde, pas un mot sur la répression et les peines d’abattage qui tombent en cascade sur les militantEs et les lampistes. On critique en revanche la réaction des manifestantEs, qui se voient qualifiéEs de violentEs…  A les entendre, il y avait des bons militantEs et des mauvaisEs militantEs : les pacifistes (elleux) et les violentEs (nous!?!). Ces jugements ineptes ne les ont pas empêchéEs d’aller sur la ZAD les 5 et 6 juillet derniers pour faire la promotion de leur Village des Alternatives. Illes sont contre l’aéroport à titre personnel (chut!) mais illes ne se privent pas de fricoter avec les institutions qui promeuvent ce projet. Illes pensent certainement « avoir plus de poids » auprès des décideureuses et préfèrent pour cela la mettre en veilleuse… Quoi de plus logique? Il serait malvenu de mordre la main qui nourrit, qui abrite, et offre des facilités…. L’Alternatiba locale sera donc respectable et citoyenne. Elle cherche l’assentiment de la population afin d’attirer l’attention des éluEs sur les initiatives présentées. C’est du Colibris trait pour trait ( d’ailleurs on y reviendra bientôt, à Colibris!). Et pendant ce temps là, on bétonne, on mure, on mutile, on emprisonne mais silence! Il ne faut pas froisser, même le plus injuste des pouvoirs si l’on veut gagner ses faveurs. Ne faisons pas de vagues, ni ne soyons « trop radicales ».

« Changer le système » (capitaliste?) clame l’Alternatiba, quand il devient de plus en plus évident qu’il faut changer de système (économique et politique). Ce Village des Alternatives façon beurre blanc ne traite ni plus ni moins que d’aménager le système capitaliste de façon plus vivable pour (au moins) une part de la population. Relocaliser l’économie dominante au travers du consommer local, du consommer bio et équitable labellisés, même à l’aide de monnaies complémentaires, ne fait que modifier l’identité du premier destinataire du paiement qui se retrouvera à un moment ou un autre réinjecté dans le système bancaire. Soulignons au passage qu’il est nécessaire d’avoir de l’Euro pour entrer dans la ronde de cette consommation responsable. Exit donc les plus précaires… La logique du tout marchand ne se voit pas non plus remise en cause par ces initiatives. Il en résulte la création d’un appendice plus vertueux — du moins en apparence — au système capitaliste… On change le pansement mais en aucun cas on n’envisage de penser le changement.
C’est un non-sens de croire qu’il soit possible de créer de vraies alternatives en occultant les luttes sociales et environnementales comme se prépare à le faire l’Alternatiba-Nantes. Pourquoi voudrait-on « faire autrement » si la manière de laquelle nous sommes géréEs depuis « en haut » nous convenait? Construire des alternatives est par essence un acte politique et révolutionnaire. C’est une manière de se réapproprier en tant que groupes et que personnes, des thèmes de la vie quotidienne (alimentation, travail, modes d’échanges, production, propriété privée et valeur d’usage…). En s’interrogeant sur les tenants et aboutissants de la manière dominante de répondre aux nécessités basiques et sur les manquements des institutions, on en vient à imaginer d’autres façons de pourvoir à des besoins communs à touTEs, tout en apprenant à s’organiser selon nos propres codes : On autogère, on autofinance, et on décide ensemble, en dehors de toute hiérarchie, loin des normes et des conventions en vigueur dans les partenariats institutionnels. On sort complètement du système de représentation et du schéma de l’Etat Providence en autogérant le bien commun. On arrête ainsi d’alimenter par tous les moyens possibles l’économie capitaliste, on s’en libère, pour désobéir de plus en plus systématiquement.

Le choix de la consensualité est à mes yeux celui de la servilité, et s’il m’est possible d’entendre que certainEs puissent avoir peur de l’inconnu, il m’est en revanche compliqué d’avoir de l’empathie pour les fondamentalistes républicardEs qui croient encore à l’Etat Providence et à la répartition des richesses. Les actualités fissurent quotidiennement la confiance des populations dans « leurs » institutions et les méthodes de gouvernance. C’est la peur qui maintient l’ordre, on le voit clairement dans notre propre ville entre la criminalisation des luttes (notamment la lutte contre l’aéroport et son monde, mais pas que…), l’omniprésence policière et l’apparition de milices fascistes « anti-racailles » dans le tram (initiative de Génération Identitaire…). A présent que nulLE ne peut occulter les méthodes employées par  les pouvoirs locaux, il est temps de se positionner clairement et c’est loin d’être le cas de l’Alternatiba. On ne peut indéfiniment faire le grand écart entre ses convictions et ses actions. La création d’alternatives indépendantes devient une nécessité vitale dans le processus d’invention d’une autre société. C’est pour toutes ces raisons que je ne me rendrai pas place du Bouffay les 27 et 28 septembre. Cet article, c’est mon préavis de grève!

Et parce qu’il n’est pas possible de parler de tout dans un seul article, voici un écrit d’un membre de l’Alternatiba Lille traitant de l’infiltration par des néo-fascistes de l’édition Lilloise… Infiltration possible grâce au caractère faussement « apolitique » mis en avant par les organisateurices… : http://societedelinformation.wordpress.com/2014/07/24/alerta-antifascista-appel-aux-militants-francophones-dalternatiba-alternaziba-sur-le-virus-rouge-brun-qui-nous-menace/
Plus construit sur le même thèmes de l’infiltration de l’Alternatiba Lille : http://luttennord.wordpress.com/2014/07/26/les-amities-fascistes-de-alternatiba-lille/