Maison d’Arrêt de Nantes-Carquefou, le 26 juin

3 mois.
Quand ces mots seront lus, cela fera un peu plus de 3 mois que je suis enfermé. Le temps passe, et commence à paraître long.

Le temps.
Cette société qui considère que « le temps, c’est de l’argent » – où tout doit toujours aller plus vite – cette société donc, n’a trouvé comme punition sournoise que celle de faire perdre leur temps à ceux qui ne jouent pas dans ses règles.

Sauf que le temps qui passe, que l’on passe ici, ce n’est pas de l’argent que l’on perd, ou que l’on ne gagne pas, ce sont nos vies qui s’écoulent, sans vraiment être vécues.
En essayant de voler notre temps, c’est nos vies qu’ils tentent de s’approprier.

Alors, pour résister à ce vol, il faut occuper son temps de manière constructive, afin qu’il ne soit pas complètement perdu. L’occuper, plutôt que de vouloir le tuer :
Tuer le temps, c’est gober cinq cachets par jour, fumer trois ou quatre joints et regarder la téloche.
Utiliser son temps en occupant son esprit, c’est lire, écrire, apprendre… ou encore éplucher le Code de Procédure Pénale, pour les emmerder avec leurs propres règles qu’ils ne sont même pas foutus de respecter.

Chaque seconde passée de manière constructive est déjà une évasion en soi. Et, aussi symbolique soit-elle, c’est toujours une petite victoire. Silencieuse, invisible – le perdant lui-même n’est pas informé de sa défaite, lui qui se croit si fort.
Et il ne l’aime pas, la défaite.

Ils n’ont pas aimé que, le 22 février, pendant plusieurs heures, nous ayons résisté, prouvé que c’était possible face à cette police militarisée ; redonné des aspérités à cette ville aseptisée.
Ils n’ont pas apprécié d’avoir échoué à nous diviser, à nous opposer les uns aux autres selon nos modes d’action.

Après avoir blessé nombre de camarades le 22 février, le temps des procès a suivi. Ils ont cherché à nous  intimider avec les peines de prison, qu’elles soient fermes ou avec sursis.
Plus que de punir les actes des inculpés, il s’agit d’instiller la peur parmi ceux qui luttent, les dissuader de continuer. S’ils veulent que nous ayons peur, c’est qu’ils nous craignent, qu’ils craignent la force qui se dégage de nos luttes. Cette force qui pourrait balayer leur vieux monde absurde.

N’ayons pas peur de résister, de lutter jusqu’au bout, peu importe ce que cela implique. La croyance dans le fait que nous luttons pour une cause juste est plus forte que leurs menaces.
Si nous ne nous laissons pas terroriser, la victoire est certaine.

À un de ces quatre sur les barricades !

Engué