Le Brésil s’apprête à accueillir au mois de juin le plus grand événement sportif de la planète, la coupe du monde de football. Mais le gouvernement de Dilma Roussef a du soucis à se faire. En effet une partie grandissante de la population ne voit pas d’un bon œil l’étalage indécent d’argent public dilapidé pour mettre aux normes de la FIFA toutes les infrastructures (stades, hôtels, routes, parking, aménagements urbains) et assurer la sécurité des nombreux touristes attendus alors que le gouvernement social-démocrate n’a pas hésité à déplacer des quartiers populaires entiers afin d’éviter de leur heurter les yeux. Parallèlement, le gouvernement redouble d ‘efforts pour réduire sa dépense publique et c’est bien sûr les personnes les plus fragiles et précaires qui pâtissent en premier lieu d’une politique entièrement tournée vers les privilégiés au détriment de services publics déplorables où inexistants.

Le mouvement contre la coupe 2014 puise ses origines dans les conflits sociaux qui ont traversé le Brésil en 2013. Le tarif exorbitant des transports publics avait été le fil déclencheur du plus grand mouvement de contestation sociale qu’ai dû affronter le gouvernement du Parti des Travailleurs (sic) depuis l’arrivée de Lula au pouvoir en 1998. Cette revendication du « passe livre », (carte de transports publics gratuite) avait été logiquement élargie au logement, à l’éducation et à la santé gratuite pour toutes et tous. La répression policière inouïe n’avait à l’époque fait qu’amplifier la contestation et sa plate-forme revendicative.

« Il n’y aura pas de coupe du monde »

La réaction populaire contre l’orgie capitaliste du foot-business ne s’est pas faite attendre. En effet, 32 villes Brésiliennes ont connu des manifestations ce samedi 25 janvier lors du premier événement national contre la coupe de la FIFA. A São Paulo pas moins de 2000 policiers anti-émeutes chapeautés par un hélico sont intervenus dans les quartiers d’affaires, avenue Paulista et du Théâtre Municipal pour protéger des saccages les agences bancaires et autres haut-lieux de l’exploitation capitaliste.

C’est dans un désert presque total que les manifestant-e-s ont défilé ce samedi 25 janvier. Jour férié anniversaire de la ville, les quelques commerces ouverts ont rapidement fermé leurs portes comme le centre commercial « Shopping Light » de peur de se voir refaire la déco. La réaction policière ne s’est pas faite attendre, 128 personnes seront finalement arrêtées, un gamin sera blessé par balles par les forcenés casqués.

Le frère franciscain Agnus Hostiam, qui avait participé à de nombreuses manifestations l’année dernière, a rejoint sans hésiter les Black Blocs. « La violence est policière lorsqu’un flic écrase la tête d’un gamin noir à Cracolândia (quartier ravagé par le crack, dont le nom explicite) jusqu’à l’arrivée d’une voiture de patrouille », affirme t-il.

« Il n’est pas possible de faire des omelettes sans casser d’œufs » clame un jeune homme de 20 ans, analyste informatique. Pour lui la tactique d’action directe plus où moins violente utilisée par les Black Blocs est légitime. C’est le seul moyen de se faire entendre dans un monde devenu fou, aveuglé par le dieu argent.

Radicalisation

La phrase « qui ne resquille pas veut des tarifs » entendue lors des derniers troubles sociaux s’est transformée en «qui ne resquille pas est un fasciste». Il risque d’y avoir de l’ambiance devant les stades en effet. D’autres slogans tels que « Il n’y aura pas de coupe » sont martelés par les manifestant-e-s. Le titre de l’article est la reprise de la banderole déployée en tête de manif, « Sem direito, sem copa – No right, no World-Cup« .

Manipulation et désinformation des flics, de l’Etat et de la presse bourgeoise

Selon la presse du capital et la police, les Black Blocs auraient vandalisé une concessionnaire FIAT, trois agences bancaires (Amen!), un bus et un véhicule de la Garde Civile Municipale incendiée et last but not least, une voiture d’un particulier avec ses gosses qui aurait été agressés par les Black Blocs.

Tous les journaux en ligne reprennent à l’unisson la dernière information alors que les manifestant-e-s parlent de manipulation médiatique. L’homme qui possédait une « Fusca », équivalent de la coccinelle ici, a été aidé par les manifestant-e-s pour sortir du véhicule une femme et des gamins bloqués à l’arrière alors que la voiture s’enflamait (1). Barbouzeries policières ? La rue Augusta, siège des derniers affrontements, sera finalement totalement bouclée dans la soirée, afin de permettre aux flics de procéder à des arrestations de masse.

La manifestation a été organisée sur Facebook. Le groupe dénommé « Sans droit pas de coupe » (Sem direito, não vai ter copa) a publié un manifeste dans lequel il exige « un meilleur système de transport, de logement et de santé pour la population ».

Des médias larbins à la solde de la FIFA

De leur côté, les médias bourgeois soucieux de se sucrer au maximum avec des contrats publicitaires ultra juteux s’inquiètent de voir les touristes renoncer à se déplacer au Brésil pour l’événement. Les médias clament à l’unisson la plus grande sévérité pour les fauteurs/fauteuses de trouble. Un quotidien brésilien « O Povo » (le Peuple, sic) va jusqu’à mettre à la une de son journal la demande d’un politicien qui réclame une peine de 30 ans de prisons pour les insoumis-e-s.

Les sources médiatiques citées dans la deuxième partie cet article sont toutes bien évidemment totalement solidaires avec la police et le gouvernement. Seul indymedia Brésil et les médias indépendants ne reprennent pas, et pour cause, cette musique unanime de lynchage médiatique.

Les enjeux économiques pour les dominants (Sponsors, droits de retransmission des matchs, publicité, produits dérivés, etc) sont colossaux. La réponse sécuritaire du gouvernement est à la mesure de l’événement et des tonnes de fric qu’il brasse.

Résumé…

Justice, police et ballon rond font bon ménage

La présidente Dilma Roussef en voyage au Portugal, une fois alerté des troubles, a immédiatement demandé à 3 de ses ministres, José Eduardo Cardozo (Justiçe), Celso Amorim (Defense) et Aldo Rebelo (Sport) de préparer une réunion d’urgence afin de mettre en place toutes les mesures sécuritaires et répressives pour tuer dans l’œuf toute contestation sociale à l’encontre de cette grand-messe du ballon rond cousu de fil d’or.

Pour preuve, l’État s’apprête à annoncer la création d’un Secrétariat Spécial pour les Grands Evènements (Secretaria Especial para Grandes Eventos). L’organe qui s’installera au Ministère de la Justice fonctionnera jusqu’à la fin de la coupe du monde de 2014. Il s’appuiera sur un budget conséquent de 1,6 milliards de reals (500 millions d’euros) afin d’équiper les chiens de garde de la FIFA de toute la panoplie sécuritaire nécessaire à la sécurité des gringos. Autre nouveauté, un seul uniforme est prévu pour tous les vigiles et autres agents de sécurité privée. Le peuple lui, peut crever la bouche ouverte.

Des flics, des flics et encore des flics

A Rio de Janeiro, temple mondial du ballon rond, le Gouvernement local vient de créer début janvier un bataillon de la Police Militaire (équivalent de nos GM) tout spécialement formé pour les grands événements sportifs et les manifestations. Cette nouvelle unité de répression des mouvements sociaux est baptisée du joli nom de Bataillon Policier pour Grands Événements, (Batalhão de Policiamento em Grandes Eventos).

Le Gouvernement Fédéral va mobiliser 10.657 agents de la Force Nationale de Sécurité (Força Nacional de Segurança). Selon le Ministre de la Justice, tous les agents sont entraînes pour contrôler tout débordement. Des manifestations importantes avaient déjà perturbé la tenue de la Coupe des Confédérations en 2013. le Gouvernement avait été alors, très critiqué par les activistes et le Ministère Public (Ministério Público) suite à des actions de répression inouïes contre les manifestations composées pour beaucoup d’habitant-e-s défavorisé-e-s des quartiers populaires expulsé-e-s de leurs maisons pour ne pas gâcher le panorama des touristes friqués.

Ricardo Botelho, ancien responsable d’Interpol Brésil, sera chargé de diriger le Centre de Commande et Contrôle (Centro de Comando e Controle) composé de 45 000 hommes appartenant à la police fédérale, la police des routes, la police militaire et civile dans les 12 villes qui accueilleront les festivités.

Le CCC aura la responsabilité d’éviter toute attaque terroriste et aussi de réprimer le trafic de drogues afin de permettre aux 600 000 visiteurs de siroter tranquillement leur Caipirinha… en théorie, bien sûr.

« Nous sommes déjà en contact avec Interpol et nous recevons et envoyons les informations. Nous allons empêcher les hooligans et les terroristes d’entrer au Brésil et garantir qu’ils n’aient pas de visa sur leur passeport. » bave Ricardo Botelho, proclamé le «Shérif» de la coupe par la presse capitaliste effrayée de voir leur manne publicitaire érodée par la moindre agitation.

C’est l’occasion rêvée pour l’État d’unifier provisoirement où définitivement (la question est objectivement posée) tous les corps de police (croisement des fichiers) afin de rendre leur action plus efficace et accessoirement de réprimer avec plus d’efficacité les futurs insoumis-e-s.

Uni-form-ité quand tu nous tiens.

Não vai ter Copa ! Il n’y aura pas de Coupe !

Sources :

(1) intox et barbouzerie, page facebook qui dément l’information des médias dominants sur une voiture d’une famille brûlée par les manifestant-e-s en parlant d’une monstrueuse manipulation médiatique et policière : https://www.facebook.com/photo.php?fbid=502893346493580&set=a.463275543788694.1073741828.463236410459274&type=1&theater.

Photos : http://www.midiaindependente.org/pt/blue/2014/01/528492.shtml

http://www.midiaindependente.org/pt/blue/2014/01/528513.shtml

Sources presse collabo : http://ultimosegundo.ig.com.br/brasil/2014-01-25/manifestacao-contra-copa-no-brasil-reune-cerca-de-500-no-masp.html

http://noticias.terra.com.br/brasil/cidades/dilma-convoca-reuniao-de-emergencia-apos-protestos-contra-a-copa,72677ba2683d3410VgnVCM10000098cceb0aRCRD.html

http://www.brasileconomico.com.br/noticias/copa-do-mundo-de-2014-tera-45-mil-policiais_104641.html

http://copadomundo.uol.com.br/noticias/redacao/2014/01/06/rj-cria-batalhao-policial-para-atuar-em-grandes-eventos-e-jogos-de-futebol.html