Trois suicides en trois semaines, à Nantes et ailleurs la prison tue !

Mercredi 10 avril 2013, un homme de 23 ans s’est donné la mort dans sa cellule(1), au sein de la très moderne maison d’arrêt de Carquefou-Nantes, en service depuis juin 2012. Trois semaines auparavant, cette prison connaissait son premier suicide en son sein, puis le deuxième dans la foulée, les 22 et 30 mars.

Ces événements, évoqués par la presse locale mais ne remettant jamais en cause l’institution judiciaire(2), font écho aux deux suicides perpétrés au sein du nouveau centre pénitentiaire de Lyon-Corbas, à l’architecture et au fonctionnement très proches, les 11 et 30 mars derniers. Ces deux établissements, issus du « plan 13200 » comme de nombreux autres(3), illustrent bien l’échec total d’une politique pénale censée répondre aux problèmes de surpopulation carcérale et de conditions d’incarcération. Alors que l’évasion anecdotique d’un seul sert à ramener des débats sécuritaires sur la scène médiatique, il est déplorable que la sortie de trois personnes détenues les pied en avant n’inquiète pas sur le respect des droits fondamentaux, censé être une priorité dans une société ayant aboli la peine de mort il y a plus de 30 ans.

Moins d’un an après son ouverture, la maison d’arrêt de Nantes-Carquefou est déjà surpeuplée, des lits superposés ayant été installés dans les cellules dites « individuelles » avant même son ouverture, et une vingtaine de matelas ont été rajoutés au sol pour pouvoir augmenter sa capacité d’enfermement(4). La prison de Lyon-Corbas quant à elle connaît un taux d’occupation de 129 %, trois ans après sa mise en service … Le constat est donc simple : les nouvelles prisons, plus grandes, ne servent pas à désengorger, mais bien à pouvoir enfermer encore et toujours plus, en diminuant proportionnellement le personnel pénitentiaire, donc en automatisant inévitablement la surveillance.

Présentées comme la solution aux problèmes carcéraux des établissements vieillissants, c’est pourtant au sein de ces nouvelles prisons que l’on se suicide le plus. Avec une proportion proche d’un suicide pour 100 détenus, la maison d’arrêt de Lyon-Corbas enregistre le taux de suicide le plus élevé de France.
Face à cette macabre situation, le GENEPI Nantes, fort de son expérience auprès des détenu(e)s nantais, tiens à rappeler fermement à l’Administration Pénitentiaire, au ministère de la Justice, à celui de l’Intérieur et à l’ensemble de l’ordre judiciaire, les points suivants :
La peine de prison entraîne systématiquement des conséquences souvent irréversibles sur la santé à la fois physique et mentale des individus qui la subissent, des impasses sociales et des naufrages familiaux, amenant parfois au suicide.
La peine de prison vécue au sein d’un établissement moderne et sur-sécurisé, est d’autant plus difficile à vivre. La bonne facture d’une prison ne sauvera personne du désespoir et de la mort. Le manque le plus certain évoqué par les personnes détenues étant la liberté et le contact humain. L’incarcération, telle qu’établie par la législation, ne devrait porter atteinte uniquement à la liberté d’aller et venir, et non à la liberté d’association, d’expression, de droit à la santé, etc.
La peine de mort, abolie en 1981, ne doit pas être remplacée par une peine de prison déshumanisante au point de la rétablir implicitement.

En outre, le GENEPI Nantes dénonce avec la plus grande fermeté la rigidité sans commune mesure de l’administration pénitentiaire de la Maison d’Arrêt de Nantes-Carquefou, dénoncée par la totalité des détenus que nous y avons rencontré.

Par leur taille excessive, leur isolement géographique et leur système sécuritaire automatisé, ces prisons construites dans le cadre de partenariats public-privé font obstacle par nature aux besoins humains fondamentaux d’expression et de lien social des personnes détenues. Nous mettons donc en garde leurs garants contre l’aliénation des personnes détenues, qui ne pourrait qu’entraîner autant de gestes de désespoir que de rébellion, inévitables et légitimes.

« Une politique de lutte contre le suicide n’est légitime que si elle cherche non à contraindre un détenu à ne pas mourir, mais à le restaurer dans sa dimension de sujet et d’acteur de sa vie. »
Circulaire du 29 mai 1998

Aux personnes détenues enfin, nous adressons notre solidarité et notre soutien indéfectible face à un système de plus en plus répressif, destructeur et vain.

GENEPI Nantes

Notes :
1- Le décès a été déclaré le jeudi 11, le lendemain, à l’hôpital
2- Pour preuve l’article de Ouest-France, évoquant « Un homme assez fragile » : http://www.ouest-france.fr/ofdernmin _-Nantes.-Un-troisieme-detenu-se-suicide-a-la-nouvelle-prison_6346-2182609-fils-tous_filDMA.Htm
3- Ainsi, les villes de Rodez, Rennes, Nancy, Alençon, Réau, Bourg-en-Bresse, Lyon et Nantes, ont vu ces dernières années s’y construire des établissements hautement sécuritaires. D’autres sont en projet à Angers, Riom, Valence, et Beauvais
4- Selon les dires des détenus et du personnel pénitentiaire de la nouvelle Maison d’Arrêt de Nantes