Il y a en marre ! Mais vraiment marre de la non-mixité ! Marre de se voir privé, temporairement (encore heureux), de la liberté de circulation, d’écoute, de participation etc dans un espace de vie qu’on considère aussi sien et qu’on a contribué à créer ou à faire vivre….

Et tout ça parce que la nature a fait qu’on a un truc qui pendouille entre les jambes ! Et ouais, nous sommes des mecs. Des mecs qui écoutent et sont séduits par les idées, les réflexions et les constats du féminisme de nos milieux. Des mecs qui tentent au maximum de ce qui leur paraît possible, d’être anti-sexiste. Des mecs qui rigolent et se réjouissent chaque fois qu’un gros enfoiré de machiste se fait rembarrer, casser, voir mettre au sol par des féministes. Des mecs qui ne supporteraient pas l’idée de devoir côtoyer des agresseurs ou des collectionneurs arrogants de « conquêtes féminines ».

Malgré tout ça, nous savons qu’avec ce texte, on risque une fois de plus de se faire mettre dans la case des dominants masculins anti-féministes qui ne comprennent rien. Mais tant pis, celleux qui penseront ça de nous, ne nous intéressent pas plus que les virilistes ou masculinistes qu’elles/ils prétendent combattre. Si nous écrivons ce texte, ce n’est pas en s’imaginant qu’on mettra fin à la domination de la non-mixité dans le féminisme d’aujourd’hui, mais c’est pour donner des billes, partager des constats, des raisonnements à toutes-s celleux qui en marre de ces pratiques là.

Nous dédions donc ce texte à toutes-s celleux qui ont fermé, comme nous, leur gueule face aux projets en non-mixité, frustrés-ées de ne pas arriver à s’y opposer sans passer pour des adeptes de la domination masculine. A tous ceux qui ont aussi envie d’entendre parler de menstruations, d’éducation conditionnée, de rapports genrés de domination, de sexualité libre, d’expérimentation sexuelle, d’éjaculation féminine, de viol ou d’attouchements non consentis… A tous ceux qui se sont moqué de celui qui un jour leur a demandé de sa grosse voix grave en réhaussant ses épaules : « T’es un homme ou quoi ? ». A toutes-s celleux qui ont été choqué-ée de voir uniquement des filles se taper la vaisselle, la cuisine, le ménage dans des lieux dits collectifs et organisés en horizontalité. A tous ceux qui en ont marre que leurs bites les marquent définitivement comme des dominants, des agresseurs potentiels. A tous ceux qui en ont marre qu’on les foutent dans le même paquet que les machistes qu’ils abhorrent !

Alors tout d’abord, chères adeptes de la non-mixité, sachez que nous considérons que vos arguments sont fondés. Oui, nous sommes d’accord, ceux qui parlent le plus en AG, ce sont les mecs. Oui, lors de travaux ou d’exercices physiques, les mecs ont plus tendance à prendre des positions de domination. Oui, il y a effectivement une forme de domination masculine parmi nous, même dans les milieux qui en font la critique. Mais nos accords s’arrêtent là.

Pourquoi ? Parce que tous ces constats, aussi justes soient-ils, révèlent une tendance GENERALE, qu’ils ne sont pas une réalité absolue. Effectivement, pouvez-vous nous affirmer, que ces formes de prises de positions de domination, sont exercées que par des mecs ? N’y a-t-il aucune fille qui prend elle aussi beaucoup de place, lors d’AG, ou de réunions ? N’y a-t-il aucune fille viriliste, qui aurait tendance à prendre une position de domination lors de travaux ou d’exercices physiques ? Il y en moins c’est vrai, mais c’est tout. A l’inverse n’existe t-il pas de mecs qui subissent autant que vous les effets de ces dominations là ? Ces rapports de domination ne sont-ils pas aussi présents dans vos collectifs féministes ou vos événements non-mixtes ?

Bref ce que nous cherchons à dire ici, c’est que les rapports de genres sont un des prismes pour étudier les rapports de domination qui existent entre nous. Mais justement, ce n’est qu’UN des aspects de ces rapports de domination. Or il semblerait que les adeptes de la non-mixité l’oublie au profit de l’idée qu’une fille est dans tous les cas une dominée tant dis qu’un mec est dans tous les cas un dominant, qui prendra de toutes façons une position de domination s’il se retrouve qu’avec des filles. Génial comme vision que vous nous renvoyer nan ? Rien à faire de tout le travail que certains d’entre nous peuvent entreprendre pour tenter d’améliorer leurs pratiques, leurs pensées dans le sens du féminisme et de l’anti-sexisme ? Ce que, vous adeptes de la non-mixité dépeignez comme image du masculin, c’est bien cela, le mâle dominant, presque prêt à vous sauter dessus à tout moment, ne vous laissant aucun créneau d’expression ou d’existence. On entend très peu dans vos discours la description du camarade, du copain, de l’ami, de celui qui lutte avec nous, de celui qui sait rendre service, prendre sur lui parfois, qui tente de partager ses savoirs et de les apprendre de vous, de celui qui, comme vous, à encore tant à apprendre, tant à réfléchir, tant à remettre en cause, tant à changer.

Merci beaucoup pour cela… On adore.

Mais ce que nous trouvons tout aussi choquant, c’est que vous, chères adeptes de la non-mixité, semblez vous complaire dans ce statuts de dominées. Ce repli qu’on peut voir en ce moment dans tous les lieux collectifs en lutte (ZAD, Grange de Montabot, Rennes, Nantes, Brest…) vers la non-mixité en est la preuve. Et il apparaît ainsi normal que dans tous ces lieux, des activités diverses, utiles, de chantiers, de partage de savoir, sont interdites aux mecs qui n’ont eux rien le droit de dire ; s’empêchent même de parler contre cela puisqu’en tant que révolutionnaires, on se doit de toujours respecter les volontés des dominés-ées. Or, chères adeptes de la non-mixité vous profitez de cela pour nous imposer vos pratiques.

Ce n’est pas forcément un bon élément de référence, mais c’est très parlant : en 1968, des étudiants-tes ont commencé à se révolter parce qu’ils voulaient des dortoirs mixtes, ça a finit en la plus grosse révolte que la France a connu de ces 50 dernières années. Intéressant nan ?

Dans de multiples cas, (pas tous, heureusement) la non-mixité est votre réflexe, direct, sans discussion préalable pour au moins mettre à plat les contentieux. Pas d’explications, pas besoin : « vous êtes des mecs, vous pouvez/voulez pas comprendre ! », « on a pas envie de discuter de la pertinence de la non-mixité avec vous ».

Ce qui nous chagrine le plus, c’est que vous, camarades de lutte la plupart du temps, récréez exactement les mêmes logiques de ségrégations que le pouvoir et les classes dirigeantes vis-à-vis des pauvres, des immigrés et autres indésirables dont nous faisons également partie (parfois d’ailleurs dans plusieurs catégories). Tel l’immigré qui ne veut/peut pas comprendre les valeurs de la France, le mec ne veut/peut pas comprendre les soucis qui vous traversent. Comme le pauvre qui n’a qu’à aller travailler pour s’extirper de sa condition, le mec n’a qu’à fonder son cercle d’homme, et suivre ainsi la même logique de séparation des corps et des esprits que vous mettez en place. Et c’est là qu’est le paradoxe, c’est en utilisant vos positions de dominées (sûrement réelles, ou ressenties en tout cas comme telles) que vous mettez en marche des dynamiques et des procédés de domination.
Tous les mecs sont ainsi renvoyés à la même image, la même représentation, les mêmes attitudes dégueulasses de ce « mâle alpha » que l’on vomit. Ne vous étonnez pas donc que certains se mettent à cultiver des rancœurs à vos égards…

Il y a pourtant pire que tout cela dans la non-mixité érigée en dogme. En créant cette division, vous vous coupez de nous, vous introduisez des fractures dans nos communautés de lutte, vous donnez à notre ennemi commun, le pouvoir, un biais pour nous diviser, mais surtout vous ôtez toutes perspectives de dialogue et de discussions pour faire avancer les choses. Mais comme nous refusons les caricatures et les décisions imposées venants de l’État et du système en général, nous refuserons aussi les vôtres.

Si nous n’organisons pas ou peu de cercles d’hommes et de non-mixité entre hommes, c’est bêtement et simplement que nous ne voulons pas créer ces dynamiques là. Parce qu’il y a des mecs, qui se battent et tentent de construire un autre monde, où l’organisation horizontale pratiquée supposerait avant tout la suppression des rapports de domination liés au genre. Parce qu’il y a des mecs qui pensent et qui savent, que discuter, faire un chantier… avec des filles sans prendre de positions de domination c’est non seulement possible mais aussi mille fois plus agréable que de faire des choses qu’entre mecs. Parce qu’il y a aussi des mecs qui ont envie/besoin d’entendre ce que les filles ont à leur dire pour commencer leurs remises en question, leurs autocritiques. Parce qu’on estime pas tous que le dépassement de nos identités de genre est un acquis ou un objectif. Nous ne pensons pas que toutes ces questions se régleront par magie avec une insurrection, ou autre « grand soir ». Nous considérons que ces questions méritent des combats, des luttes, de tous les jours… Mais pas comme ça, pas en non-mixité !

Tout simplement, nous mangeons, nous construisons, nous nous prenons les lacrymos, nous manifestons, nous cultivons, nous sabotons, nous faisons l’amour parfois, bref nous vivons ENSEMBLE ! Et on aime ça, alors on voit pas pourquoi on devrait se priver de vous pour discuter de choses qui vous concernent tout autant que nous ! Ce que nous voulons c’est construire ENSEMBLE des lieux où la vie serait un peu plus agréable un peu moins façonnée par ce monde de merde qui déteint sur nous. Montrons au pouvoir et à ceux d’en face que nous sommes unis, et que nous savons construire, lutter, réfléchir et avancer ENSEMBLE.

Nous savons, pour finir, que la non-mixité a des effets bénéfiques pour vous. Nous pouvons comprendre qu’il y a des choses que ne pouvez vous dire qu’entre vous. A la rigueur, dans cette perspective là on peut comprendre les collectifs féministes non-mixtes. Mais pour le reste NON ! La Non-Mixité n’est pas la réponse à tous vos problèmes. Bien au contraire, elle en crée d’autres. Ça peut être une technique de dernier recours si la discussion et l’élaboration collective n’a rien donné. Mais il nous apparaît intolérable que vous rameniez partout vos pratiques, sans d’abord discuter de leur pourquoi, de leur nécessité et de leur utilité avec TOUS-TES celleux qui vivent dans ces lieux.

Vous vous battez comme nous pour un mode de prise de décision plus horizontal non ? Vous savez toutes très bien que nos vies sont des constructions de chaque instant. Alors qu’est ce que vous attendez ? Forcez la main ! Imposez des discussions et des réflexions sur les rapports de genre entre nous ! Prenez la parole ! Il s’agit d’avoir le courage d’affronter ce qui nous révolte, chose qui n’est pas je pense propre au genre masculin. Boycottons ces adeptes de la Non-Mixité qui veulent nous diviser sans nous connaître ! Faites taire ces mecs qui parlent trop et ne laissent pas de place aux autres ! Envoyez chier ces connards qui vous paternalisent ou vous poussent au virilisme sur les chantiers ou autres activités ! Rendez visible, ceux qui par leur comportement vous ont heurter, agresser !Et là je vous assure, vous en serez peut-être surprises, mais vous trouverez des gens qui vous soutiendront… des MECS ET DES FILLES !

Des antisexistes acharnés mais en colère.