Retour sur la réunion à Bellevue du jeudi 31 janvier 2013

Dimanche dernier, 27 janvier, des paysanNEs du réseau COPAIN, avertiEs que EDF devait passer le lendemain matin couper l’électricité à la ferme de Bellevue, ont réagi avec rapidité et s’y sont dirigé avec des tracteurs. bientôt rejointEs par des occupantEs de la ZAD illes ont chassé les vigiles qui gardaient la maison, effectivement désertée par ses anciens habitantEs et l’ont occupé. Depuis une personne s’en est déclaré habitante afin de lancer une procédure et interdire toute expulsion en dehors d’un procès.

Jeudi à midi une réunion était proposée afin de discuter entre personnes intéressées par l’avenir de cette ferme.

Ce compte rendu, partiel, ne prétend pas être une lecture officielle de la rencontre de ce jeudi, simplement une tentative de partager ce qui s’y est dit avec les personnes absentes, de proposer à toutes et tous les bases de fonctionnement et de stratégie discutées lors de cette discussion.

Une centaine de personnes étaient présentes, voisinEs, occupantEs, paysanNEs et parfois, souvent, un peu de tout ça en même temps.

Comme l’a rappelé une copine l’émotion était forte que cette ferme ait été prise par des paysanNEs, qu’illes s’approprient ce mode d’action. Par ailleurs, alors que cette ferme s’était agrandie aux dépens d’autres (Rosier, Saint Antoine), aujourd’hui il est question de lui faire retrouver une dimension humaine.

Tout au long de la discussion les idées de départ ont été affinées.

D’abord l’idée que ce lieu doit rester une ferme et que très vite des animaux, vaches, moutons, poules, doivent y être réintroduits. Il est apparu essentiel à touTEs de remettre au plus tôt les bâtiments en état afin qu’ils permettent à des gens d’y vivre, qu’il y ait des espaces collectifs.

L’objectif affiché par touTEs est d’en faire un lieu symbolique de la lutte, un endroit d’échange. Nous avons été clairEs sur le fait que la priorité était politique, faire cesser le projet d’aéroport. « on est avide de gagner » déclare un participant dans l’approbation générale. La question de se partager les 130 ha de terres libérées n’a pas semblé prioritaire d’autant que touTEs parlent d’agir vite, avant fin mars où les risques d’expulsion augmenteront.

L’une des questions centrales aura été de savoir si Bellevue devait être un lieu de vie ou d’organisation, sachant que les deux ne se mélangent pas toujours bien.

Une copine insiste sur le fait que la lutte prend de la force par les rencontres qui se font. La Chat-Teigne appartient aux comités locaux pas aux zadistes. Idem pour Bellevue, que les paysanNEs prennent un lieu où illes se sentent à l’aise nous donnerait à touTEs de la force. Cela n’empêcherait en rien les rencontres car il apparait important de continuer à avoir de nombreux lieux différents, avec des ambiances différentes. Un copain précise d’ailleurs qu’il est important de ne pas déserter les autres lieux existants, de continuer à faire vivre les autres lieux collectifs comme la Chat-Teigne et la Vache-Rit.

Au final tout le monde s’accorde pour que Bellevue reprenne sa vocation de ferme au plus vite et qu’on fasse tout pour faire vivre le lieu, y faire venir des gens, qu’on puisse y héberger des personnes de passage. Le fait que la ferme soit plus accessible que la Chat-Teigne doit être utilisé en pensant les deux lieux en commun, permettre de faire du lien supplémentaire avec les riverainEs, permettre aussi aux paysanNes de multiplier la mobilisation paysanne.

Il apparait au fil de la discussion que l’objectif de faire un lieu d’accueil, logistique, est peu compatible avec un espace de vie sur du long terme, si ce n’est pour quelques personnes. Il est précisé par ailleurs que la présence d’animaux rend impossible la présence de chiens.

L’envie est forte que ce lieu reprenne vie rapidement, des permanences quotidiennes vont être organisées qui seront autant de chantiers. Ce lieu enrichira la lutte, sera géré par des paysanNEs et personnes désirant s’investir dans une activité agricole mais sera un lieu d’organisation de la lutte et pas seulement un lieu d’organisation paysanne, un lieu rassembleur. Il doit également être un lieu vitrine où l’on pourra montrer les autres activités de la ZAD et plus généralement être un centre de ressources paysannes.

Sur ces bases générales il a été décidé de mettre en place le projet de ferme immédiatement. D’autres rencontres suivront pour décider collectivement des aspects futurs de la gestion du lieu.

ET UNE BONNE NOUVELLE EN FIN DE REUNION :

A la fin de cette rencontre Julien Durand a également lu un communiqué de presse de l’ACIPA : la demande d’annulation de l’arrêté de cessibilité : la cours de cassation diffère sa décision (http://communiques-acipa.blogspot.com/2013/01/demande-d….html).

En gros les propriétaires expropriés avaient formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance. AGO quant à elle sollicité le rejet immédiat du pourvoi, sans attendre l’issue du recours contre l’arrêté de cessibilité.

Le 29 janvier 2013, la Cour de cassation a rendu 05 arrêts qui rejettent la demande de la société AGO et prononcent la radiation de l’affaire dans l’attente d’une décision définitive de la Juridiction Administrative concernant l’arrêté de cessibilité.

En français dans le texte cela signifie que tous les recours pourront être examinés avant les expropriations définitives, pas mal de temps gagné donc pour les habitantEs qui résistent. Une très bonne nouvelle, donc !

https://zad.nadir.org/spip.php?article1170

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Rester Ferme. Lettre ouverte à François HOLLANDE

Monsieur le Président,

Je suis Belle vue du ciel : je crois que vos hommes m’ont remarquée, ils me passent au-dessus depuis des mois, dans leur hélicoptère, chaque semaine, parfois chaque jour, parfois plusieurs fois par jour.

Depuis bientôt deux siècles que des paysans et paysannes sont arrivés ici pour vivre de la terre, depuis bientôt deux siècles qu’ils m’ont construite à la sueur de leur front, apportant au fil des décennies des améliorations et  extensions pour loger leur famille et leurs animaux, les fourrages et le matériel agricole,  le sentiment d’être utile ne m’a jamais quittée.
Certains disent que je ne suis qu’un tas de pierres ;  je surprends des conversations inquiétantes depuis quelques années à ce sujet.
Mes habitants paysans et paysannes ont aimé trouver dans mon corps de ferme l’abri, la chaleur, la sécurité, trouver ici un sens à leur vie, la tranquillité et le refuge, le repos après des journées de travail éprouvantes. Ils ont souffert aussi, beaucoup, j’en suis témoin, mais grâce à moi ils ont tenu bon dans les périodes de doute, repère et repaire qui ne les jugeait pas.

Croyez-vous qu’ils aient choisi au hasard de me nommer ainsi : Bellevue ?
Certes je ne suis pas un château, je ne suis pas « moderne », je suis une vieille, mais pour moi voilà ce  qui compte dans la vie d’une maison, d’un lieu de vie, d’un lieu de travail: rendre service aux gens simples, aux revenus modestes, être à leur portée, voilà ce qui me semble noble et dont je suis si fière.
Fière de ce que j’ai permis, car je sais que vous le savez, mais je vois que les humains l’ont un peu oublié : ce que j’ai permis en abritant ces humains et leurs  animaux, c’est la production de nourriture. Sans ferme comme Bellevue,  la famine s’abattrait sur l’Humanité.
La ville est au centre de toutes les attentions, le développement économique, la vitesse, courir, voler, communiquer, voyager, et HOP !, plus besoin de manger, de se nourrir, de déguster ?
J’ai l’impression qu’il est urgent de se réveiller. Voilà pourquoi je m’adresse à vous en ces jours sombres.

Certaines conversations entre mes murs m’ont fait douter : serais-je promise à la destruction, à disparaitre à jamais ? Il parait qu’il faudrait que le rouleau compresseur avance pour anéantir le mouvement d’opposition au projet d’aéroport. J’ai entendu que la maison de Saint-Jean-du-Tertre a été démolie en toute discrétion la semaine dernière. Par toutes ces destructions de l’automne 2012, des dizaines de mes sœurs ont été rasées, anéanties. Dans la violence et la précipitation, en choquant des millions de citoyens qui aujourd’hui organisent la résistance à cette guerre insensée.

Ces destructions sont inutiles, vous le savez, puisque ce projet d’aéroport sera abandonné.
Cet aéroport ne verra jamais le jour, « C’est la dernière des idées à avoir » disait récemment Jean-Marc Jancovici. L’autre jour un visiteur chargé de me vider a laissé trainer un journal sur la table, j’ai donc aperçu ceci  dans un article du Figaro : « Pour l’Union des démocrates et indépendants (UDI) de Jean-Louis Borloo, le projet d’aéroport devrait être abandonné. Le parti a appelé dimanche le gouvernement à «suspendre» le projet «après qu’il a enfin compris qu’il fallait engager une concertation.» «À l’évidence, le projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est intenable sur le plan économique et injustifiable sur le plan écologique», affirme la formation centriste. »

C’est pour cette raison précisément que j’ai repris espoir : « La ferme de Bellevue restera debout, nous la défendrons et nous cultiverons ses terres. Ces bâtiments serviront encore et encore, au fil des saisons, et seront un des emblèmes de la lutte des paysans et des citoyens vigilants ». A la veillée de dimanche soir ces murmures entre mes murs m’ont touchée au cœur. Ces paysans et ces citoyens ont compris plus que d’autres qu’une ferme a une âme, qu’elle n’est pas qu’un tas de pierres.

ACIPA de chez moi La Vache Rit. Y ADECA plus grave que moi, des maisons menacées, avec des gens dedans, qui ont décidé de rester. Chez moi ce sont de nouveaux habitants qui s’installent. Avec les pressions incessantes pendant des années, mes derniers serviteurs et protégés ont jeté l’éponge, ils ont accepté les conditions pour refaire leur vie. Je les comprends et les respecte. Ils ont le droit à la tranquillité. A toutes fins utiles, j’avais quand même prévu le coup : j’ai quelques amies dans les landes de Notre-Dame, sans droit ni titre diriez-vous, enfin pas vraiment, mes amies les chauves-souris sont arrivées à la rescousse, les voilà installées depuis quelques temps, me servant de protection, et si heureuses de dormir dans mes recoins.
César ne peut rien contre des chauves-souris, c’est bien connu.

Et puis dimanche soir j’ai entendu le bruit des moteurs, non ce n’était pas l’hélicoptère, mais les tracteurs vigilants du COPAIN 44 qui s’approchaient. Ils m’ont entourée, je dois vous avouer que je n’avais jamais rien ressenti d’aussi intense, l’envie de vivre encore longtemps … avec eux.

Vous aurez compris, Monsieur le Président, que je ne sollicite pas une rencontre à l’Elysée. Contrairement aux signataires des précédents courriers je ne suis pas mobile. Je suis de garde ici depuis deux siècles et pour encore des décennies. Ma place est ici, et c’est donc pour vous inviter que je vous écris. Si vous trouvez inconvenant de vous présenter simplement chez moi, vous pouvez passer inaperçu à bord de l’hélicoptère. Je suis convaincue que vous serez touché.
Mais soyez-en sûrs : les gens qui vivent ici ont mis beaucoup d’espoir dans votre élection, ils croient au changement que vous avez promis, ils ont aimé vos paroles d’apaisement en avril 2012. Vous pouvez venir à leur rencontre chez moi, vous serez le bienvenu.

Rester ferme : oui je veux rester « ferme de Bellevue », je veux servir mon pays, à ma manière. Des fermes nombreuses, viables, vivables, durables. Pour une alimentation de qualité, pour une vie rurale apaisée, dense en emplois utiles.

Comptant sur votre bienveillante attention pour les chauves-souris,  les paysans et les citoyens engagés pour ma protection, je vous prie de recevoir, Monsieur le Président, l’assurance de mon plus profond respect.

La ferme de Bellevue.

http://communiques-acipa.blogspot.fr/2013/01/rester-fer….html