Ne voulant pas apparaître au premier plan et pour éviter le risque d’un enlisement sur le terrain, le gouvernement Hollande a essayé de mettre sur pied une force militaire africaine, qu’il aurait dirigé et dont il aurait seulement assuré la logistique, afin de suppléer à la faiblesse de l’armée malienne .
Sur le plan intérieur malien, le gouvernement français n’a reculé devant aucune pression pour obtenir du président intérimaire Dioncouda Traoré (qui, blessé par des manifestants et soigné à Paris, n’était pas très chaud pour rentrer à Bamako) une demande d’aide officielle ; celui-ci ne pouvait d’autant moins résister aux demandes françaises qu’il était confronté à des manifestations journalières demandant son départ. Dès le début de l’intervention militaire française, l’état d’urgence a été décrété rendant les manifestations interdites, tandis que les militaires se livraient à Bamako à des exactions et des opérations nocturnes d’intimidation contre les habitants venus du Nord.

Sur le plan diplomatique, une intervention militaire française rencontrait l’hostilité plus ou moins avouée de l’Algérie et des Etats-Unis, ainsi que d’autres pays européens. L’envoyé spécial de l’ONU, l’ancien premier ministre italien Prodi (l’Italie a des intérêts au Mali), se disait partisan de négociations et excluait toute action militaire avant un an. Le gouvernement Algérien était opposé à des opérations militaires, par crainte de voir son territoire touché par des combats, la frontière entre le Mali et l’Algérie n’étant pas facilement contrôlable ; les Américains qui ont formé une partie des militaires maliens y compris des Touaregs qui se sont ensuite joints à la rébellion (1), avaient publiquement affirmé qu’une solution politique était souhaitable et que le plan français d’intervention militaire ne valait rien . En réalité ils n’avaient aucun désir de voler au secours d’un régime pro-français à Bamako : les déclarations d’unanimité et de solidarité dans la « lutte contre le terrorisme » – comprendre : lutte contre tout ce qui menace de perturber l’ordre capitaliste international – ne peuvent cacher les sordides rivalités inter-impérialistes !

Les vautours impérialistes français défendent leur « pré carré » africain ( selon l’expression de l’ancien président socialiste Mitterrand pour désigner les anciennes colonies, devenues indépendantes mais restées dominées par la France) depuis des décennies y compris par des guerres et des interventions militaires, parce qu’il est la source de juteux profits pour les grandes et moins grandes sociétés néo-coloniales . Mais l’inexorable poussée économique mais aussi politique des impérialismes concurrents menace de plus en plus les positions de l’impérialisme français, le contraignant à recourir à la force pour se maintenir .
Finalement, la décision française « unilatérale » de déclencher l’intervention militaire a reçu le soutien verbal de toutes les puissances impérialistes, Américains, Russes et Chinois compris et des Etats de la région. L’Algérie, bon gré, mal gré, a accepté d’ouvrir son espace aérien aux bombardiers français et de fermer sa frontière aux rebelles maliens, tandis que les Etats africains de la CEDEAO ont commencé à envoyer au Mali les forces militaires promises.
Mais il n’est pas sûr que l’intervention militaire impérialiste en cours sera une promenade de santé ; lle gouvernement affirme qu’elle durera « le temps qu’il faudra » tandis que le nombre de soldats et les moyens mobilisés ne cessent de s’accroître au fil des jours : on parle maintenant de plus de 3000 soldats français, venus tant de la Côte d’Ivoire ou d’autres pays africains où ils sont stationnés, que de la métropole et les « spécialistes » militaires disent que la guerre sera longue…

Le Mali, grand comme plus de deux fois la France mais peuplé de seulement 15 millions d’habitants, est un pays essentiellement agricole (plus de 70% de sa population vit à la campagne). Ancienne colonie française, il englobe à l’intérieur de ses frontières des populations diverses par la langue, les coutumes ou l’histoire que la débilité du développement économique et social n’a pas réussi à unifier, comme en témoignent les insurrections récurrentes des populations Touaregs du nord. La crise économique internationale, qui a eu des effets déstabilisateurs dans les pays de la région (voir le cas de la Côte d’Ivoire voisine) a inévitablement aggravé les contradictions internes du Mali, où derrière, la façade du « modèle démocratique malien » la classe dirigeante affairiste est associée à l’impérialisme pour piller les ressources du pays sans se soucier du sort de la population ; des grèves ont eu lieu dans différentes entreprises, y compris les mines d’or, tandis que le chômage et la hausse des prix aggravaient le mécontentement parmi la population.

En mars de l’année dernière, à quelques semaines des élections, à la suite d’une mutinerie de soldats après la défaite militaire face aux rebelles, une junte militaire renversait le président Amadou Toumani Touré, soupçonné de vouloir négocier avec les indépendantistes Touaregs, et prenait le pouvoir. Mais sous la pression des Etats africains et de l’impérialisme français, la junte était contrainte de céder la place à un « gouvernement de transition » ; cependant, imposé par l’étranger, ce gouvernement ne jouit d’aucune légitimité aux yeux de la population, plus sensible aux déclarations des anciens putschistes contre la corruption des politiciens. Entre-temps le nord du pays est passé sous le contrôle des rebelles Touaregs, puis d’organisations islamistes qui s’étaient fournies en armes en Libye : la chute du régime de Kadhafi sous les bombardements de l’OTAN a eu l’effet inattendu de faire disparaître un des piliers de l’ordre impérialiste dans la région…

Une soixantaine d’entreprises françaises sont présentes au Mali. Lors de la libéralisation des années 90, les grandes sociétés d’Etat (Banques, Télecoms, Textile, etc.)ont été privatisées au profit notamment de grandes entreprises comme Bouygues, Vinci, Vivendi, etc.
Avant les exportations traditionnelles de coton et de bétail, la principale exportation malienne est, depuis quelques années, l’or (70% des recettes d’exportation) dont les mines, très rentables, sont la propriété des grandes sociétés britannique, sud-africaine associées à l’Etat malien et dont une filiale de Bouygues assure la production (2). Le manque de capitaux a empêché jusqu’ici l’exploitation des autres richesses présentes au Mali ; le Nord semi-désertique recèle probablement des gisements de pétrole (le géant pétrolier italien ENI, l’algérienne Sonatrach ainsi que d’autres sociétés moins importantes prospectent la région) et d’uranium.
Cependant l’importance du Mali pour les capitalistes français tient davantage à la position stratégique de ce pays : en s’opposant aux rebelles maliens, les soldats français protégent les gisements d’uranium exploités par Areva au Niger voisin (Areva y a déjà eu maille à partir avec des Touaregs). Mais plus généralement il s’agit pour l’impérialisme tricolore de sauvegarder, face à ses concurrents comme face aux révoltes des populations, sa position dominante dans la région : « Au Mali, la France joue aussi l’avenir de sa présence en Afrique » explique ainsi à ses lecteurs l’éditorialiste du quotidien patronal « Les Echos » (3).

Mais ce n’est pas qu’au Mali que l’impérialisme français est entré ces dernières semaines en action. Le jour même où des avions français commençaient à attaquer les rebelles maliens, une importante opération militaire était déclenchée en Somalie pour essayer de récupérer un agent des services secrets prisonnier des islamistes locaux ; les militaires françaises ne se sont pas souciés d’avertir le gouvernement somalien de leur action sur son territoire : le gouvernement Hollande qui se gargarise du respect de la « légalité internationale » à propos du Mali a démontré ainsi, une nouvelle fois, que celle-ci n’était qu’un chiffon de papier que les gangsters impérialistes n’invoquent que lorsque cela les arrange…

En République Centrafricaine, le gouvernement Hollande avait juré haut et fort qu’il n’était pas question d’envoyer des soldats français pour sauver le régime qui, face à une rébellion soudaine, demandait l’aide de Paris (en réalité il y avait déjà une présence militaire française depuis 2002 dans la cadre de l’opération « Boali » de « consolidation de la paix » !). Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat militaire entériné (ou provoqué ?) par Paris, Bozizé avait fini par lasser les impérialistes qui traitaient son régime d’ « autiste » parce qu’il refusait de suivre leurs « conseils ». Fin décembre, des centaines de soldats français (ils seraient aujourd’hui près de 600) étaient donc malgré les déclarations de Hollande envoyés dans la capitale Bangui : mais c’était seulement, paraît-il, pour « protéger » les ressortissants français ! En réalité, avec les militaires tchadiens déjà présents dans le pays, ces soldats avaient pour mission de dissuader une poussée des rebelles vers Bangui, tout en faisant pression sur le régime. Le « message » des impérialistes français est passé, semble-t-il : Bozizé a accepté la formation d’un gouvernement acceptable par l’opposition ainsi que son départ programmé du pouvoir. C’est de cette façon que le gouvernement PS-Verts conçoit la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays africains…

Les interventions militaires et les guerres que mène depuis des décennies l’impérialisme français en Afrique (les dernières en date étant en Libye et en Côte d’Ivoire), ne sont en rien motivées par des soucis « humanitaires » ou « démocratiques » comme le prétend la propagande officielle ; elles sont exclusivement causées par le souci de défendre les intérêts des entreprises qui continuent à mettre en coupe réglée ses anciennes colonies et à accroître leurs affaires ailleurs.
Si en dépit des contraintes économiques qui l’obligent à tailler dans ses dépenses, et même à « redimensionner » son appareil militaire, l’impérialisme français fait l’effort de maintenir un réseau de bases militaires qui quadrille une partie de l’Afrique , c’est bien parce qu’il retire des avantages sonnants et trébuchants de son rôle de gendarme de la région !

L’impérialisme français représente ainsi une menace directe envers toutes les éventuelles luttes d’émancipation des prolétaires et des populations opprimées et exploitées de ces pays, et plus généralement une menace envers le sort des populations civiles qui font toujours les frais des affrontements entres forces et Etats bourgeois.
Mais les bourgeois et leurs hommes de paille politiques vont aussi faire payer les frais de leur guerre aux prolétaires de France ; d’abord en aggravant plus particulièrement la pression policière envers les travailleurs immigrés issus de ces régions (le plan « Vigipirate » a été renforcé et, selon la presse, les services policiers cherchent à accroître la surveillance des prolétaires d’origine malienne en France, au nombre de plusieurs dizaines de milliers), et en aggravant l’exploitation capitaliste.
Si au moment où était déclenchée la guerre du Mali, un accord « historique » était signé entre le patronat et les syndicats les plus collaborationnistes pour plier davantage les travailleurs aux exigences capitalistes, et Renault annonçait la suppression de milliers d’emplois, cela relève évidemment du hasard du calendrier.
Mais au fond la guerre impérialiste à l’extérieur et la guerre sociale à l’intérieur, ne sont que les deux aspects d’une même attaque du capitalisme pour restaurer ses taux de profit en accroissant l’exploitation, la misère et l’oppression. Et ce n’est pas un hasard si cette attaque capitaliste, qui rencontre l’approbation unanime de tous les partis politiques, du PCF au Front National, est menée par un gouvernement de gauche : jamais un gouvernement de droite n’aurait pu asséner de tels coups sans susciter de réactions ! Comme toujours, les larbins réformistes de la bourgeoisie ~ les grands appareils politiques et syndicaux (et leurs suivistes d’extrême gauche) – sont les seuls capables de paralyser la classe ouvrière quand elle est frappée par la classe ennemie.

Le déclenchement de la guerre au Mali, qui a provoqué par contrecoup la sanglante attaque contre le gisement gazier d’In Amenas en Algérie, doit être compris par les prolétaires comme l’illustration de ce que leur réserve le capitalisme en crise : non pas un avenir d’amélioration graduelle de leurs conditions après un moment difficile, mais un avenir de sang et de larmes, auquel il n’est possible d’échapper que par la lutte. Parce qu’ il vit de leur exploitation, les prolétaires des métropoles impérialistes ont la possibilité de mettre fin au système capitaliste qui ensanglante la planète ; il leur faut pour cela combattre sans hésiter toutes les attaques bourgeoises, dans la perspective de renouer avec la lutte de classe révolutionnaire qui leur a déjà permis dans le passé de se lancer à l’assaut du capitalisme : les prolétaires n’ont à perdre que leurs chaînes, ils ont un monde à gagner !

A bas l’intervention impérialiste au Mali !
Non à l’union sacrée en soutien à la guerre impérialiste !
A bas l’impérialisme français !
Vive l’union internationale des prolétaires !
Vive la reprise de la lutte de classe contre le capitalisme mondial!

Parti Communiste International

(1) Voir l’enquête du New York Times du 14/1/13 qui détaille les dépenses américaines pour former les militaires au Mali, dans le cadre de la politique anti-terroriste US en Afrique. Selon le quotidien 1600 militaires formés par les Américains (sur les 8000 que compte l’armée malienne) auraient rejoint avec armes et bagages la rébellion ! «la rébellion islamiste utilise les soldats et les officiers formés par les américains qui ont fait défection de l’armée régulière du Mali l’an dernier, en emportant avec eux leur formation de la lutte contre le terrorisme, leurs compétences de combat avancés, ainsi que leur connaissance des méthodes de renseignement occidentaux. La France est maintenant à affronter un ennemi islamiste que les Etats-Unis ont involontairement aidé», écrit le NYT qui relève aussi la réticence des autorités américaines à aider les Français. Cf http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/au-mali-le…29111
(2) Les mines d’or maliennes sont particulièrement rentables. Selon un rapport de la FIDH (Fédération Internationale des Droits Humains) de septembre 2007, en 2005 la production d’une once d’or y avait un coût de 95 dollars alors qu’elle était vendue 245 sur le marché. Le cours de l’once d’or est aujourd’hui supérieur à 1600 dollars, alors que le coût de la production n’a pratiquement pas augmenté. Rien d’étonnant si la sudafricaine Randgold a annoncé l’année dernière des profits records pour sa mine malienne de Morila ! Randgold et Anglogold sous-traitent la production à une filiale de Bouygues, Somadex. En 2005, la Somadex avait licencié 530 ouvriers pour avoir fait grève. Cf http://www.peuples-solidaires.org/293-mali-sombres-mine…99or/
(3) Cf Les Echos, 18-19/1/13