SOYONS SACRILEGE !

Disons-le tout net. Et si le suffrage universel était la plus mauvaise fausse bonne idée inventée par l’homo politicus ? Et si personne ne s’était battu pour ce droit ? Et si ce privilège n’était qu’un vulgaire miroir aux alouettes ? Avant de hurler au scandale et de réclamer l’autodafé de l’hérésie clérocratique, écoutez un peu.

Passons sur les Athéniens qui se sont rendu compte, pour l’avoir expérimenté, que le suffrage universel conduisait inévitablement à la dictature. C’est l’analyse, entre autres, de Socrate, excusez du peu ! Le vote populaire conduit toujours au bras tendu. Ou au poing, ce qui n’est pas mieux. Ca, ce n’est pas du Socrate. C’est de l’histoire. Et récente.

Allons, oublions et regardons plus près de nous. Voyons qui voulait réellement le suffrage universel, qui s’est véritablement battu pour, et quand cela s’est passé.

En 1789 ? Ah non, surtout pas ! La bourgeoisie dominante n’allait pas laisser le peuple retirer les marrons du feu révolutionnaire. Liberté, égalité, fraternité oui, mais sur le fronton des mairies et dans les livres d’histoire. D’ailleurs le peuple, la révolution, il n’en voulait pas. Rappelez-vous, il fallut le convaincre à coups de canons.

En 1848 ? Non plus. C’est pourtant la date officielle de la création du suffrage universel dans notre pays. Nous fûmes précurseurs ! Sonnez trompettes ! Avec un premier bémol tout de même, universel signifiait masculin. Uniquement masculin. Et un deuxième ensuite, beaucoup d’ouvriers furent écartés des urnes.

Y eut-il au moins bataille pour le suffrage universel ? Toujours pas. La gauche de l’époque n’en voyait pas trop l’intérêt, quant à la droite monarchiste… Il y eut bien sûr, plus tard, quelques suffragettes, mais si peu.

En 1944 alors ? Oui pour le suffrage universel. Au masculin comme au féminin. Mais, si les combats furent rudes, ce ne fut pas pour cela.

Désolé pour le Père Noël démocratique, mais le droit de vote acquis après de longues luttes par nos ancêtres, n’est qu’une fable pour endormir les gentils électeurs.

Pas de lutte ? Bon. Mais la raison ne commande t-elle pas de trouver juste l’égalité entre tous et ne justifie t-elle pas par cela le suffrage universel à la sauce actuelle ?

La raison ? Mais quelle raison ? Celle qui donne les mêmes droits à celui qui fait l’effort de s’informer avant de voter et celui qui vote par tocade, celle qui met sur un même pied d’égalité compétence et incompétence, connaissance et ignorance, qui mélange vote de sanction et vote de raison, qui invente un vote de chantage ? Il n’y a qu’en politique qu’une telle aberration puisse exister. Imaginez cela en médecine, en architecture ou dans n’importe quelles autres activités !

Alors oui, soyons sacrilège ! Le suffrage universel tel qu’il est pratiqué aujourd’hui a été perverti par la caste politique pour servir ses propres ambitions. Si elles coïncident avec les intérêts du peuple tant mieux, sinon…

Oui, soyons sacrilège ! Le vote actuel n’est que dévoiement de la raison, l’urne est devenue boîte de pandore où les minorités puissantes écrasent la majorité. Pourtant, beaucoup ne sont pas dupes. Mais ils sont impuissants, désorientés, désabusés, écœurés, revenus de tout et ce n’est pas pour rien, si lorsque les hommes politiques sont en campagne, le plus grand nombre va à la pêche. Oui, soyons sacrilège ! C’est une grande sagesse que de refuser de participer à cette mascarade.

La solution clérocratique n’est pas LA solution. Ce serait trop simple. Mais c’est une solution. Le suffrage universel oui, le choix du peuple aussi bien sûr. Mais de manière raisonnable. En donnant à chaque citoyen le pouvoir de s’exprimer sur ses propres intérêts, sur ce qu’il connaît et uniquement sur cela. En permettant la sélection de personnes compétentes qui n’exerceront qu’une seule mission et qui n’auront du pouvoir que pour cela. En supprimant tous ces petits groupes, qu’ils soient extrèmistes ou profiteurs, et qui vivent au détriment de la nation.

Alors, sacrilège ?

François Amanrich. (Porte-parole du Mouvement Clérocratique)