Je fais partie de ces personnes pour qui le fait que ce projet soit un aéroport ait très peu d’importance, ce n’est pas ce qui m’a fait rester vivre sur la Zone A Défendre..C’est une lutte contre le système dans lequel l’aéroport s’inscrit, ca aurait pu être la construction d’une centrale nucléaire, d’une prison ou d’une autoroute, je serais resté quand même. Même si, j’en convient, la symbolique de l’aéroport permet une convergence, des communs qui auraient surement été moins présents avec la construction d’une prison..

Ce qui m’a fait resté c’est cette ambiance, cette expérimentation d’autres modes de vie, d’autres types de relation inter-individuelles, c’est tout ce que l’on y apprend sans passé par les institutions le maraîchage, la construction et j’en passe, la liste est longue…

C’est parce que sur la ZAD, le quotidien était un mélange de pratiques alternatives, de connaissances pour l’autonomie au sens large, d’expérimentation d’autres modes d’organisation et d’action direct. Ce qui m’a permis d’être plus en harmonie avec mes idées politiques, de réduire le fossé entre théorie et pratique et donc d’en minimiser mes contradictions personnelles.

Pour préciser avant la médiatisation et le large soutien qui sont apparus avec les expulsions et que l’on espérait pas de cette ampleur, il m’est arrivé de me dire que peut importe si ce projet ce faisait que ce qui comptait c’était toutes ces connexions faites avec d’autres luttes, tous ce que l’on a apprit et vécus entres « résident-e-s » et aussi avec toutes ces personnes venues 2 jours ou 2 mois, la richesse des rencontres avec toutes sortes de gens du paysans local au punk irlandais, la démocratisation de l’action direct, et le fait de contribuer à ce petit vivier expérimental qui s’aligne moins à la pacification sociale ambiante et cher à notre petit pays depuis les émeutes de 2005.

Car tout ca serait transposé ailleurs par les allers-retours ou voyages car c’est gravé dans la tête, dans le coeur, c’est vécu et indestructible. Je raconte cette anecdote car aujourd’hui encore j’ai envie de voir autrement que par l’équation victoire = arrêt et défaite = réalisation. Et c’est dès que l’on sort de ce rapport que le combat non pas contre l’aéroport mais contre le système dans lequel il s’inscrit, s’illustre. C’est aujourd’hui tout ce qui donne cette ampleur, tout ce qu’il se passe et que je trouve formidable.

La répression a donné la médiatisation qui a participé a augmenté l’ampleur de la mobilisation, elle a initié un réveil de plus en plus grand dans le sommeil pacifié… chacun-e-s voyant l’illogisme de ce projet ou plutôt la logique induite.

Dès le début des expulsions ,des milliers de personnes sont venues apporter directement en solidarité et en supprimant ainsi tout les intermédiaires nourritures, argent, matériel non pas a l’appel de quelconques associations ou partis mais à l’appel du cœur par sympathie ou rage..et ça c’est une victoire.

Des centaines de personnes de toutes sortes sont venues nous aider à faire et a tenir barricades, à creuser les routes..des jeunes et des vieux-illes brisant ainsi les rapports standardisés de déradicalisation des mentalités et des pratiques avec l’age..vous savez par exemple ce fameux : « maintenant j’ai 40 ans, c’est normal a ton âge j’étais enragé aussi..et ça c’est une victoire !

C’est un peu comme ce clin d’oeil dans le texte adressé aux représentants des verts pour la manif du 17 novembre ou il est précisé aux adhérent-e-s qu’illes sont les bienvenues et que ces moments passés avec eux et elles sur les barricades étaient super chouette et ça c’est une victoire.. C’est tous ces citoyen-e-s écolos modèles qui trient leur déchets et coupent l’eau pour se brosser les dents qui se rendent aujourd’hui compte de l’hypocrisie de l’écocitoyennisme à la sauce étatique et que ses seuls buts sont de faire de la thunes et nous faire sentir personnellement responsable par nos actes quotidiens de l’état de la planète plutôt de regarder et remettre en cause le système productiviste qui nous a amenés là. et ça c’est une victoire !

La victoire c’est aussi, toutes ces personnes qui ont voté socialiste ( ou autre ) et qui voient aujourd’hui avec la répression le vrai visage de la démocratie française et qui se rendent compte que rose ou bleu la matraque est la même et que les Roms et les sans paps sont expulsés et enfermés de la même manière. C’est aussi toutes ces personnes qui consternées disent qu’elles ne voteront plus jamais et ou qui ont brulés, déchirés,renvoyés aux décideurs leur cartes d’adhérent-e-s ou leur cartes électorales. La victoire c’est toutes ces personnes pacifistes et non violentes convaincues qui avaient du mal à accepter d’autres modes d’actions et qui aujourd’hui après avoir gouté aux lacrymos, vu de leurs yeux ce qu’était la répression et d’où venait la violence cautionne (et/ou pratique) maintenant d’autres modes d’actions et ne considère plus comme violent le fait de s’attaquer a des pelleteuses (voir a des flics surarmés). Et cela de fait et non pas initié par une quelconque propagande ou prêche insurrectionaliste.

La victoire c’est aussi toutes ces personnes qui n’avaient jamais vécus de telle situation, qui ne savaient pas trop comment aidés une fois sur place et qui ont trouvés leur place en bloquant de façon pacifiste ou non les engins de chantier ou en faisant chiez un barrage de flics et qui sont repartis se sentant renforcés avec le sentiment d’avoir apporter une pierre à l’édifice et avec une énergie et une motivation nouvelle. C’est de voir et d’entendre sur place ou ailleurs, dans les messages de solidarités sur internet que leur stratégie de division médiatico-policière entre violent-e-s anarchistes étranger-e-s et opposant-e-s historiques ne marchent pas et a même les effets inverses que ceux escomptés.

La victoire c’est aussi que ça fasse mal au cœur ou colère aux habitantes qui résistent lorsqu’elles entendent des personnes, parfois des « zadistes » qui utilisent encore du vocabulaires catégorifiant comme je viens de le faire car pour eux et elles : NOUS SOMMES TOUS ET TOUTES DES HABITANT-E-S QUI RÉSISTENT !

C’est aussi tous ces moments de partage lors des réouvertures festives de maisons expulsées sachant qu’elles seront détruites de toutes façons. C’est le renforcement des liens existants et la nouvelle vague de solidarité faîte avec les paysans venus parfois de loin depuis la destruction du Rosier et qui ont encore grandit avec l’opération de répression sur les lieux de reconstructions de la Chateigneraie, merci encore a eux.

Le fait que des milliers de personnes participent dans plus de quarantes localitées à leurs manières et de facon spontané a exprimer leur soutien contribuant ainsi a nationaliser la lutte est une victoire, et surtout un fait d’une ampleur jamais vu qui donnent de l’espoir pour la suite. La victoire c’est aussi que d’autres luttes ailleurs se renforcent grace à l’écho qu’a celle-ci et vice versa, et que la détermination et l’énergie de toutes ces personnes soit renforcé pour leurs combats ailleurs. Halkidiki (mine d’or en Grèce ) , Khimki ( autoroutes en Russie ) , NO TAV ( LGV Lyon/Turin ) , ligne THT ( cotentin, mayenne ) C’est ce qui se joue actuellement à NDDL et partout et qui dépasse largement l’aéroport laisse percevoir un élan nouveau et des perspectives nouvelles. C’est ce qui fait qu’en quelques sortes on a déjà beaucoup gagné.

Le gouvernement est de mon point de vue dans une impasse : toutes les stratégies et méthodes employées n’ont fait qu’accroitre la médiatisation et la mobilisation sur place et partout en france, la répression suscite émoi, indignation et ne fait que renforcer la détermination. Plus le pouvoir continuera dans ce sens plus la mobilisation s’élargira et plus elle se renforcera mais si le pouvoir se décide à céder et renoncer ou mettre un moratoire sur le projet il montrera par la même un signe de faiblesse qui pourrait renforcer la détermination d’autres luttes car à NDDL la lutte « aura payé »..Et à la fois un moratoire représente pour eux une chance qu’a moyen terme la pacification revienne, que les gens reprennent leur petites vies, que la médiatisation et la mobilisation s’estompe car le projet est gelé…alors gardons bien en tête qu’un moratoire sur ce projet ne serait qu’une victoire ponctuelle contre l’aéroport, une petite claque au système capitaliste dans lequel il s’inscrit mais qu’il nous faudra rester vigilant-e-s,déterminé-e-s et profiter de cette energie et de toutes ces connexions pour lutter contre les autres projets : centrales nucléaires, LGV, prisons, gaz de schiste, incinérateurs… Continuons à nous battre pour un autre choix de société que cette mascarade démocratique totalitaire et sécuritaire qui permet au systême capitaliste de ce maintenir debout, ce système qui survit grâce à notre résignation, ce système basé sur la domination : oppression des peuples, domination patriarcale, enfermement, contrôle du territoire, gentrification, fichage commerciaux et policier, impositions et gestion de nos vies (alimentation, production d’énergie, salariat, types d’habitats, aménagement du territoire…). On en veut pas !

LA LUTTE CONTINUE ! QUE CRÈVE LE POUVOIR !