Les discours populistes, les propos réactionnaires, la discrimination raciale, voire les actes racistes, sont monnaie courante ces derniers temps. Ils se nourrissent les uns les autres. Ainsi, il n’est pas rare que les politiciens prennent pour boucs émissaires les Roms installés sur leurs communes. Dans notre agglomération, ça a été le cas récemment à Saint-Martin le Vinoux, comme précédemment à La Tronche, à Domène ou à Saint-Martin d’Hères. Suivant ces guides mal éclairés, la population y ajoute souvent ses propres préjugés et autres racontars. Les étrangers, en particulier les musulmans et les Roms (dont certains ont, de plus, le toupet d’être musulmans) sont les cibles de prédilection des « bons citoyens » les plus ignorants et haineux. Parfois même, certains se sentent légitimes à en venir aux mains. On l’a vu à Marseille, où les riverains d’un camp de Roms fraîchement installé sont allés les expulser manu militari et brûler leurs pauvres affaires sous les yeux complaisants de la police. On l’a vu aussi à Hellemmes, dans la banlieue lilloise, où le maire qui souhaite installer un village d’insertion pour cinq familles roms a échappé de justesse à la vindicte populaire.

Heureusement, tout le monde n’est pas sensible aux discours populistes, ni aux préjugés. Il y a aussi de nombreux cas de solidarité de citoyens* avec des personnes en difficulté, quelles que soient leur nationalité ou leur origine ethnique. Le but de ce petit texte est de mettre en lumière quelques initiatives récentes sur l’agglomération grenobloise, qui sont trop souvent ignorées. Car les personnes ouvertes et solidaires ne crient malheureusement pas aussi fort que les loups.

À La Tronche, où le maire UMP Hervé-Jean Bertrand-Pougnand, que l’on devine assez éloigné des soucis des plus démunis, n’a pas lésiné sur les déclarations anti-Roms. Des habitant-e-s qui ne voulaient pas se contenter des on-dit sur le camp installé en face du magasin Décathlon sont allé-e-s rencontrer les personnes qui y vivaient. La rencontre casse souvent bien des préjugés : au lieu des ignobles personnages fourbes et irrespectueux décrits par le maire, les habitant-e-s ont surtout découvert des personnes vivant dans un dénuement inimaginable, accueillant volontiers les Tronchois-e-s désireus-e-s de faire leur connaissance et de les aider, et dont les enfants ne souhaitaient qu’une chose : aller à l’école. Ce que Bertrand-Pougnand s’obstinait à leur refuser envers et contre tout (notamment contre l’obligation de scolarisation). De cette première mobilisation est né le collectif « L’école ici et maintenant », constitué de simples citoyens qui aident à la scolarisation des enfants des camps et des squats de l’agglomération grenobloise.

À Saint-Martin-le-Vinoux, où le maire PS Yannick Ollivier a sans hésiter emboité le pas au maire de La Tronche en stigmatisant les habitants du camp de la Casamaures. La Patate Chaude a écrit avec les occupant-e-s de ce terrain et le réseau éducation sans frontières (RESF) une réponse distribuée dans les boîtes aux lettres de la commune. Contrairement à ce que l’attitude du maire aurait pu laisser penser, les réactions de compréhension et de soutien envers les Roms ont été plus nombreuses que les réactions hostiles. Certaines personnes ont même émis le souhait d’accompagner les habitant-e-s du camp, la Patate Chaude et RESF à la rencontre qu’ils avaient convenue avec le maire de la commune. Malheureusement, celui-ci s’est défilé…
Il a donc été décidé d’organiser une rencontre sur le camp le jeudi 1er novembre, afin que les Saint-Martiniers puissent rencontrer les habitant-e-s du camp, discuter, faire part de leurs reproches s’ils en avaient, et que les habitant-e-s du camp puisse leur expliquer leur situation. Malgré la date et le froid, de nombreux Saint-Martiniers et Saint-Martinières sont venu-e-s, démontrant une fois encore que les personnes désireuses de cohabiter plutôt que de rejeter l’autre sont pléthore.
(Lire l’article sur le blog du collectif La Patate Chaude)

À Échirolles, où fin octobre, la police a abandonné des Roms d’ex-Yougoslavie sur une pelouse jouxtant un terrain de football. Un groupe d’habitant-e-s du quartier des Granges attenant, faisant fi de la méfiance exprimée par certains de leurs voisins, s’est immédiatement mobilisé pour venir à la rencontre des personnes qui subsistaient tant bien que mal sous tente, dans un total dénuement. La météo annonçant des chutes de neige pour le week-end suivant, les riverain-e-s solidaires ont obtenu l’ouverture d’une salle du centre social le plus proche pour les mettre à l’abri dans un premier temps, puis l’ouverture de gymnases sur les communes de Grenoble, d’Échirolles et de Fontaine (les seules de l’agglomération à avoir répondu présentes…)
(Lire l’article sur le blog du collectif La Patate Chaude)
Mais leur action ne s’est pas limitée là : constatant que les personnes ne recevaient pas à manger dans les gymnases, le collectif d’habitant-e-s, qui s’enrichissait sans cesse de nouvelles personnes, s’est organisé pour leur amener chaque jour un repas chaud. Puis ils ont demandé à rencontrer des élus locaux afin de pointer les manquements des différents acteurs institutionnels et de demander qu’ils remplissent leur missions, mais aussi attirer leur attention sur les situations du hangar de la MC2 et du camp de Saint-Martin-le-Vinoux, et souligner le racisme virulent généré par l’absence de prise en charge par l’État et les collectivités locales.

Il règne en ce moment en France une atmosphère de tension générée à la fois par les préjugés de certains citoyens, les discours populistes de nombreux politiciens et les reportages dans les médias qui leur font écho, voire les amplifient. Nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’il s’agit d’une stratégie politique qui a pour objectif inavoué de détourner la colère de la population afin que cette dernière ne prenne pas pour cible les véritables responsables des problèmes économiques et sociaux auxquels elle est confrontée, à savoir les responsables politiques et économiques.
Pourtant, tout le monde n’est pas dupe, et c’est ce que les habitant-e-s solidaires de La Tronche, de Saint-Martin-le-Vinoux et d’Échirolles ont démontré. Nous espérons que de plus en plus de citoyens refuseront la logique de la guerre des pauvres contre les pauvres et se joindront à ces mouvements de solidarité.

* Dans ce texte, nous désignons par le terme « citoyen » des personnes qui n’ont pas de responsabilités politiques ou économiques, et non pas des personnes qui se soumettent aux lois et à la volonté des décideurs, bénéficiant de ce fait des droits civiques – sens dans lequel les politiciens, et malheureusement parfois aussi des militant-e-s, emploient généralement ce mot. Car d’après cette seconde définition, les sans-papiers et les personnes qui se révoltent activement contre l’injustice de notre société sont exclues du statut de « citoyen » et des droits qui en découlent.