1 –

L’arme de l’exploité du travail est la grève. L’arme du dominé est l’expropriation. La force révolutionnaire de ces armes résident en leur capacité à durer par des structures autogestionnaires, c’est-à-dire horizontales, locales et offensives ; ainsi que de leur capacité à se battre frontalement contre tout ennemi par l’autodéfense érigée en exigence collective.

2 –

Ces armes sont en elles-mêmes leur propre revendication, leur propre ambition, leur propre pouvoir. Et de fait leur propre nécessité, leur propre exigence. Une arme ne négocie pas avec son ennemi. Elle l’évite ou elle l’affronte. D’une arme, nous n’attendons ni n’espérons rien de l’ennemi que sa réédition ou sa mort. Dans le cas d’une grève syndicale, qu’elle exige une hausse des salaires ou autre, la question n’est pas ce qu’elle obtient mais comment elle l’obtient. De la nature consciente de sa force, elle n’aura plus à exiger, mais à prendre.

– 3 –

La force de frappe révolutionnaire ne doit plus se penser selon des outils de lutte dont la conception relève de critères qui appellent à l’intelligence de l’ennemi et donc à la cartographie de sa propre force. « Grèves nationales », grèves générales dont le rapport de force sont conçus à « l’échelle nationale », un mouvement social quelque soit ses outils d’expansion élaborés d’après les critères de « territoire national », tout cela ne fournit que des armes à nos ennemis. Que ce soit l’Etat ou les staliniens, la police ou la bourgeoisie à travers sa force médiatique, les arguments qui nous attaquent et nous isolent sont les mêmes : massification, représentativité, délégation centralisée. Et si nous peinons à les contrer sur ce terrain, c’est que nous gardons intégrés en nous les « critères nationaux ». Ou, du moins, nous les mélangeons dans une confusion contre-stratégique.

4 –

Lesdits « critères nationaux » ne sont une effectivité et une réalité que par et pour nos ennemis. Et c’est en cela que nous devons les prendre en compte. Car nous devons les prendre en compte. Autrement dit, pour l’Etat : (a) le seuil de tolérance médiatique officiel que l’Etat accorde dans son rapport de force avec la population quant aux questions impliquées dans ce rapport de force (violence et légitimité par exemple). Les différentes strates d’équilibre de ce seuil de tolérance médiatique permet, par le discours officiel des positions d’Etat selon telle situation, d’anticiper et comprendre ses positions réelles dans telle ou telle phase de la guerre de classes. (b) les équipements et tactiques des forces répressives. Les différentes formes et natures des forces répressives et leurs objectifs. (c) l’équilibre des forces politiques et sa conséquence en termes de rapports de force. Pour les staliniens et sociaux-démocrates : (a) la population conçue comme « entité nationale » uniforme et homogène, concernant en réalité la seule et stricte Middle Class. Tout ce que cela implique : la Middle Class érigée en collaboratrice et ennemie des classes ouvrières et populaires ; la Middle Class comme foule neutre républicaine et corps de l’Etat dont ladite souveraineté n’a de sens que dans sa capacité à en être son principal bouclier face à toute menace à potentialité révolutionnaire. Le bouclier de l’Etat a pour devise « citoyennisme » et pour matériau cette Middle Class. (b) les outils principaux de contrôle et de répression, tels que le centralisme et la représentativité, la délégation et le mensonge médiatique érigée en réalité sociale. (c) l’appareil syndical comme auxiliaire des forces répressives d’Etat, tant en termes de discours et de positions que de terrain.

5 –

Développer la force de frappe révolutionnaire est créer et renforcer le contenu tactique et offensif des armes de l’exploité et du dominé. Autrement dit de notre classe. Pour cela il est nécessaire de localiser son ennemi. Localiser l’ennemi est l’identifier politiquement dans sa réalité sociale, ce qui permet alors de le situer géographiquement. L’Etat et le Capital, ainsi que ses alliés, n’ont de réalité physique comme ennemis qu’en terme d’occupant. D’où la validité de leurs armes selon les « critères nationaux » en termes d’échelle et d’entité.

6 –

Le renforcement du contenu tactique de nos armes renforce sa force de frappe révolutionnaire. Mais ce contenu tactique n’a de capacité à vaincre l’ennemi que selon une stratégie offensive, sociale et politique. Contre l’occupation du territoire réel par l’Etat et le Capitalisme, notre stratégie offensive relève de la libération du territoire.

7 –

La libération du territoire comme stratégie offensive de notre force de frappe révolutionnaire contre l’occupant capitaliste assassin doit se penser et s’acter selon des tactiques qui n’ont pas à prendre en compte les frontières nationales et leurs implications politiques. Vaincre est élaborer notre propre cartographie révolutionnaire selon notre force de frappe effective. Notre champ de bataille est le monde, qui n’a pas de frontière dans la lutte révolutionnaire. Les rapports de solidarité internationaux sont une de nos armes.

8 –

Nous considérons la seule victoire révolutionnaire de notre époque dans la réalité des Zones Autonomes Zapatistes. Toutes les luttes à portée révolutionnaire effective relevaient de ce principe, que ce soit le Kronstadt communiste libertaire de 1921 en Russie, l’Ukraine communiste libertaire de 1921 de la Makhnovtchina, le Paris communiste libertaire de la Commune de 1871, ou encore l’Espagne révolutionnaire de 1936. Ce qui a causé leurs pertes fut toujours l’arme de nos ennemis : centralisme par les « gouvernements [dit] révolutionnaires », les délégations érigées en Etat, l’insuffisance ou la faiblesse des solidarités internationales qui en découlent. Or, quand une Zone Autonome libère un territoire local de l’occupant capitaliste, par la grève et par le fusil, elle ne peut se maintenir durablement sans une solidarité active révolutionnaire internationale. C’est ce qui a été la force formidable du mouvement révolutionnaire des Black Panthers qui libérait des zones territoriales locales et se les réappropriaient en créant un nouveau rapport social, et se renforçait dans la multiplication de ces zones et la coordination horizontale de leurs forces de frappe directe et armée contre l’ennemi.

9 –

Libérer une zone de l’occupant capitaliste signifie éradiquer la réalité capitaliste dans telle zone en lui substituant directement un rapport social égalitaire et libertaire, comme nouvelle réalité sociale et populaire de cette zone. Le quartier d’Exarchia à Athènes est une de ces Zones Autonomes révolutionnaires, et la seule du genre dans toute l’Europe. Éradiquer la réalité sociale capitaliste d’une zone signifie détruire tous les rouages qui la permettent par destruction stricte et incendiaire des rouages du Capital tels que banques, sièges de pouvoir, commerces de luxe, commerces inutiles de profits ; rendre la zone interdite à toute force répressive d’Etat, les chasser et brûler commissariats et casernes, et maintenir le territoire hors de portée de toute force répressive ; abolir la propriété par la réappropriation directe des maisons et espaces vides et leur réorganisation collective et autogestionnaire ; la réappropriation et l’auto-organisation des ressources en eau, gaz et électricité ; les cuisines collectives et la récup’ (nourriture, matériel, vêtements) pour les plus démunis ; élaboration et construction de nos propres moyens de communication tels que radio libres autogérées, voire canaux de télévision, presse écrite et internet, transformation des espaces publics et muraux en zones d’expression et d’information (affiches, tracts, graff) ; aménager collectivement l’espace public selon besoins et nécessités (à Exarchia, un parking privé arraché par la population locale et les camarades est devenu un parc verdoyant et place centrale du quartier) ; émanciper les petits commerces, l’artisanat et les marchés à partir de l’abolition du profit capitaliste ;créer des maisons communes et de travail libres tels que centres culturels, lieux d’impression, lieux de concerts, bars à prix libre, cuisines collectives, etc.
La population de la zone participe et vit alors de cette réalité sociale révolutionnaire, solidaire dans les exigences de son autodéfense par la culture de combat de terrain qui s’y développe contre les tentatives d’incrustation de l’ennemi.

10 –

Les armes de la classe des exploités et dominés, tels que grèves et expropriation, occupations et redistributions, développent et renforcent leur contenu offensif comme force de frappe révolutionnaire si elles sont comprises comme tactiques de guérilla.

11 –

La guérilla est une nécessité tactique dans la stratégie offensive révolutionnaire selon l’objectif d’élaboration de Zones Autonomes communistes libertaires. Si les armes de grève et d’expropriation, d’occupation et de redistribution, de réappropriation et d’autogestion sont à contenu révolutionnaire et se passe des critères de l’ennemi, celui-ci ne pourra que déployer une répression militarisée afin d’anéantir ce qui est une menace pour lui. Forces antiémeute, forces antiterroriste, armée régulière, mercenaires, police politique, police du renseignement, indicateurs, écoutes à distance, caméras de vidéo-surveillance, fichages ADN et biométriques, police en civil, police secrète, nous ne comptons plus la puissance militaire colossale de l’ennemi et de sa force de répression. L’Etat n’ayant que cette fonction répressive afin de protéger le Capital et la bourgeoisie, il a permis une occupation capitaliste militarisée du territoire et s’est donné les moyens de le garder.
La guérilla doit développer des tactiques en fonction de vaincre politiquement et socialement l’ennemi sur une zone locale, c’est-à-dire avant tout le vaincre militairement.

12 –

Vaincre militairement l’ennemi n’est possible que sur une zone locale délimitée selon nos propres objectifs et nos propres forces strictement locaux. Il n’y a de victoire révolutionnaire et communiste libertaire que dans cette perspective locale. Les « révolutions arabes » en Tunisie, Egypte et Libye ont certes été capable de vaincre sur le terrain à l’échelle nationale un ennemi et ses forces militarisées, mais n’amènent que des échecs politiques insistants. Et nous saluons les nouvelles vagues insurrectionnelles qui se succèdent et balaient les « résultats » des « révolutions nationales » précédentes, chacune renforçant progressivement la force de frappe révolutionnaire populaire réelle. Mais en Egypte, la seule victoire révolutionnaire est celle de la Place Tahrir en elle-même, Zone Autonome.

13 –

Les journées d’insurrection se multiplient en Europe depuis quelques années. Rien qu’en Angleterre : les émeutes « étudiantes » à Londres de novembre-décembre 2010, les émeutes populaires de Londres la semaine du 6 au 10 août 2011, la journée d’insurrection du 26 mars 2011. Mais aussi en Italie avec la journée insurrectionnelle du 15 octobre 2011 à Rome, à Athènes le soir du 12 février 2012, pour les événements les plus récents. Des villes brûlent. Mais sont reconstruites le lendemain. Ces émeutes sociales et populaires récurrentes dans toute l’Europe et aux Etats-Unis depuis plusieurs années nous permettent de comprendre la faiblesse et la force de leur contenu offensif et révolutionnaire.

14 –

La victoire effective et de terrain de ces journées d’insurrection est celle d’avoir tenu des secteurs-clés de la ville et tenu en échec les forces répressives d’Etat le temps au moins d’une demi-journée. Cette victoire est permise par la coordination spontanée entre les combattants révolutionnaires et la masse populaire sur le terrain face aux forces répressives d’Etat. L’échec de ces journées réside en sa nécessaire brièveté et sa spectacularisation marchande par le Pouvoir suite aux événements. Ceci permet une répression ciblée contre les combattants et une occupation militaro-policière renforcée contre la population. Que ce soit à Rome suite au 15 octobre 2011 ou à Athènes suite au 12 février 2012, la victoire momentanée de terrain a entraîné une répression systématique contre les combattants par l’outil de rafles occasionnant des centaines d’arrestations. La question est celle de la stratégie offensive de la guérilla et de ses tactiques de terrain.

15 –

Nous considérons la dynamique des « contre-sommets » comme une phase logique de l’intégration des tactiques de guérillas dans le monde occidental. Ceci tant dans l’aspect des Villages Autogérés temporaires de contre-sommet que dans l’aspect systématique des affrontements temporaires de grande envergure. Le principe fondamental de l’action internationaliste, directe et autonome de cette dynamique constitue sa force principale.

16 –

Nous considérons la période actuelle de désintégration de la dynamique des « contre-sommets » comme une nouvelle phase logique dans la recherche de nouvelles tactiques et stratégies révolutionnaires par les combattants du monde occidental. La question est celle de la réappropriation locale au sein des luttes sociales locales de ces tactiques et stratégies volontairement localisées dans le temps et dans l’espace ; et celle de la transition de la « guérilla spécialisée » des contre-sommets internationaux et temporaires en « guérilla sociale » locale et diffuse.

17 –

Cette phase de réappropriation et de transition est déjà en cours avec les luttes locales offensives, directes et victorieuses qui se développent et se renforcent dans toute l’Europe. Ces luttes locales de guérilla autonome et révolutionnaire parmi les plus importantes actuellement sont : la lutte du Val di Susa au nord de l’Italie à proximité de Turin contre un projet d’urbanisation capitaliste ; la lutte de Notre-Dame-des-Landes au nord-ouest de la France à proximité de Nantes contre un projet d’urbanisation capitaliste ; la lutte No Dal Molin en Italie à proximité de Vicenza contre un projet d’aménagement militaire capitaliste ; la lutte de Exarchia à Athènes en Grèce et du Kreuzberg à Berlin en Allemagne contre le projet répressif de gentrification capitaliste ; la lutte Stuttgart 21 à Stuttgart en Allemagne contre un projet d’urbanisation capitaliste ; la lutte défaite du Kommando Rhino à Freiburg au sud-ouest de l’Allemagne contre un projet d’urbanisation capitaliste ; la lutte de Montreuil à Paris en France contre le projet répressif de gentrification capitaliste ; etc. Toutes ces luttes locales relèvent de luttes d’autodéfense contre l’ennemi.

18 –

Il s’agit de développer et de renforcer les armes de classe que sont grève, expropriation et affrontement de terrain d’autodéfense comme tactiques de guérilla offensive de libération du territoire contre l’occupant capitaliste. Les phases stratégiques les plus efficaces pour ces tactiques offensives sont les périodes de mouvements sociaux, de mouvements syndicaux et d’instabilité sociale par paupérisation généralisée amenée par les violentes offensives de la bourgeoisie et du Capital.

19 –

Que ce soit en période de situation de pacification sociale apparente ou de mouvement social, la force de frappe révolutionnaire s’évalue et se confronte selon la coordination locale des réseaux et groupes de combattants. Les tactiques d’agitation sociale et de subversion radicale doivent être évaluées selon les combattants du secteur en question. La coordination internationale entre les combattants des différents secteurs est une nécessité de renforcement de la force de frappe révolutionnaire locale.

20 –

Les priorités stratégiques pour la lutte de guérilla au niveau local sont : le harcèlement régulier et continu des forces répressives d’Etat par l’attaque de commissariats et de patrouilles ; rendre une zone à délimiter interdite aux forces répressives d’Etat ; la réappropriation des espaces vides comme outils d’information, d’ouverture et d’organisation, c’est-à-dire comme épicentres de la force de frappe ; l’expropriation des denrées alimentaires par l’intensification des opérations d’auto-réduction des supermarchés et l’organisation préalable de leur redistribution directe ; la réappropriation des espaces publics et muraux en espaces d’expression et d’information révolutionnaire ; la création ou la réappropriation d’outils de communication par presse écrite et internet, radio libre autogérée ou autre ; le soutien actif par le partage des outils de lutte et le renforcement en contenu offensif des armes des exploités lors d’une grève, syndicale ou non, dure ou sauvage, afin de la rendre tactique de guérilla en vue de la stratégie révolutionnaire de libération du territoire contre l’occupant capitaliste ; la création et la multiplication de lieux d’entraînement populaire au combat de rue comme ceux qui existent déjà à Athènes et Volos en Grèce, à Turin en Italie (Antifa Fight Club) et permettre la formation des combattants pour l’ensemble de la population; harceler et chasser l’ennemi fasciste dans ses tactiques similaires d’implantation locale et de cloisonnement complet du territoire.

21 –

Aux premiers succès de la lutte de guérilla pour la libération du territoire, renforcer la coordination locale des groupes de combattants en milices d’autodéfense afin de sécuriser les premiers résultats victorieux de la lutte contre l’ennemi.

22 –

La suite de la dynamique offensive révolutionnaire par les tactiques et stratégies de guérilla, qui doit voir son renforcement par une phase de multiplication et de généralisation des Zones Autonomes révolutionnaires, verra ses solutions d’elle-même. A partir de l’expérience combattante locale et de la pratique de coordination horizontale des zones de front locales. Cette perspective nous est encore trop lointaine et il s’agit pour l’heure de détailler les questions tactiques au vu de l’état actuel de la lutte de guérilla en Europe et aux Etats-Unis qui est notre zone géographique sociale.

23 –

Si depuis quelques années la multiplication et l’intensification des émeutes sociales, populaires et anarchistes dans tout le monde occidental permet un aguerrissement des différentes générations révolutionnaires actuelles, la priorité demeure celle de l’intégration politique de notre condition assumée de combattants révolutionnaires. Ce qui nous dissocie des militants « traditionnels » pétris dans l’inertie de Parti et d’appareil, des puristes théoriciens de salon et des bobos gauchistes, est la considération intégrée et assumée d’être des combattants en guerre. La phase d’intensification actuelle de la guerre de classes dans le monde occidental exige l’intensification des tactiques de guérilla urbaine. Contre un ennemi combattant, le rapport de force ne peut tenir et se renforcer qu’en affirmant et entraînant notre camaraderie combattante.

24 –

Les tactiques de terrain en formation Black Bloc permettent déjà de se réapproprier plusieurs pistes quant aux réflexes automatiques individuels et collectifs à renforcer au sein des groupes affinitaires en situation d’affrontement direct avec les forces répressives d’Etat. Ces tactiques de terrain se sont renforcées essentiellement lors des contre-sommets, et commencent à se développer lors des mouvements sociaux. Nous proposons d’amener quelques éléments parmi les plus essentiels afin de renforcer notre force de frappe révolutionnaire, qu’elle soit réfléchie et mise en pratique en situation de combat de terrain. Afin de concrétiser ces éléments, nous prendrons en exemple de fond les événements de la soirée insurrectionnelle du 12 février 2012 à Athènes. Quelque soit l’ampleur des combats, les réflexes automatiques de terrain à assimiler à échelle individuelle et collective sont les mêmes. Et la coordination tactique effective des outils de guérilla permettent une portée insurrectionnelle dans la stratégie de libération du territoire contre l’occupant capitaliste.

25 –

En situation de combat de terrain, il est fondamental de distinguer : la ligne de front, ou encore « zone de contact » ; la zone de front ; la zone arrière. La zone de front comprend la ligne de front en contact direct avec l’ennemi de terrain et l’espace de « no man’s land » qui se situe entre les premières lignes et les cortèges constituant le gros de la masse populaire à l’arrière. La zone de front est celle des camarades révolutionnaires et combattants, aguerris ou non aux tactiques de guérilla.

26 –

En situation de bataille, quelque soit la nature du combat (émeutes sociales, populaires, anarchistes), seule la ligne de front prime. Elle est la priorité tactique et stratégique de terrain, exclusive et unilatérale. Ce qui ne signifie en rien une importance politique supérieure au reste des secteurs de bataille. Sans ligne de front, il n’y a pas de bataille, mais qu’un massacre répressif confus et général. Les camarades sur la zone de front permettent une jonction de terrain entre la zone de contact et la zone arrière, entre les combattants des directes premières lignes et la masse populaire. La question stratégique est celle de la capacité à vaincre l’ennemi sur le terrain, à le déborder et lui faire perdre le contrôle de la situation. Et d’atteindre nos objectifs stratégiques.

27 –

Les positions prédéfinies de l’ennemi ont pour objectif premier de protéger tel ou tel secteur de terrain, à sécuriser et dégager de la foule révoltée. Il est fondamental de situer en préalable, tant que possible, nos propres positions de terrain afin de sécuriser nos propres secteurs de terrain à dégager de la force de frappe répressive de l’ennemi. A Athènes, le soir d’insurrection du dimanche 12 février 2012 eut lieu au milieu d’une série de manifestations de quatre journées d’action syndicale prédéfinies. Les combattants et camarades anarchistes révolutionnaires ont tactiquement pris position à la Faculté de Droit, occupée spécifiquement pour les cinq jours afin d’en faire un centre de décision et de contre-information, de réunion et d’organisation, et surtout un centre médical autonome de premiers soins pour les blessés. Cela permettait également d’avoir une base avancée entre le quartier d’Exarchia et la place Syntagma où se situe le Parlement, cible principale de la foule révoltée et secteur stratégique principal à défendre pour les forces répressives d’Etat. Lors de la journée d’affrontements du vendredi 10 février, après plusieurs heures de combat, le cortège de camarades et combattants s’est replié en trois branches, à la Faculté de Droit, au cœur d’Exarchia et en ville pour une dispersion au niveau de la place Omonia. Pour garder l’initiative lors d’une bataille urbaine, il est fondamental d’acter en préalable nos positions de départ, à la zone de combat à choisir pour ne laisser l’ennemi nous déplacer selon ses propres tactiques de répression, et d’établir plusieurs options de retraite. Le choix des cibles et objectifs de bataille dépendent des groupes affinitaires en amont et de la force de frappe effective.

28 –

Il est fondamental d’organiser différents groupes en préalable remplissant chacun une mission spécifique selon les exigences de terrain. Tels : un groupe de soins, équipé au moins de masques à gaz, afin de soigner les blessés au plus proche de la zone de front et de les retirer à l’arrière ; un groupe de coordination et de visibilité, de préférence mobile ou équipé de téléphones portables jetables ou talkies-walkies (voire d’oreillettes), afin de garder une capacité de recul dans l’évaluation de la situation et des équilibres de terrain pour une meilleure force de frappe tactique au combat ; un groupe anti-gaz équipé de masque à gaz chargé de neutraliser ou rejeter les palettes lacrymogènes vers les lignes ennemies ; un groupe bouclier ou « barricade » afin de permettre d’établir des positions fixes dans la zone de front pour contenir les attaques de l’ennemi ; un groupe de contact équipé pour le corps à corps avec l’ennemi pour permettre des avancées de terrain ou secourir des camarades isolés et piégés par l’ennemi. La capacité d’organisation et de coordination de ces groupes peut être l’élément décisif de victoire lors d’une bataille.

29 –

Au sein même des groupes affinitaires, et quelque soit leurs effectifs numériques, l’organisation et l’équipement de chaque combattant remplissant chacun une mission spécifique selon les exigences de terrain est un aspect fondamental pour l’efficacité et la préservation du groupe de combat. La coordination des combattants d’un groupe renforce sa force de frappe effective et sa capacité à se préserver de l’ennemi. L’équipement de chaque combattant en coordination avec celui de chaque autre permet de constituer de véritables groupes affinitaires de combat à part entière. Tels : fumigènes ou lasers afin d’aveugler les lignes ennemies ; oreillettes et/ou codes gestuels pour une coordination physique des combattants ; masques à gaz ; lunettes anti-gaz ; gants renforcés ; équipements de base de premiers soins (pour le traitement immédiat des gaz, des hématomes et blessures ouvertes) ; marteaux et barres de fer ; lances-pierre ; projectiles incendiaires. Le ravitaillement en eau, barres énergétiques et aliments relève de l’autonomie propre à chaque groupe affinitaire.
L’organisation de terrain entre les différents combattants d’un groupe affinitaire dépend des réflexes automatiques intégrés entre chacun et de la solidarité de l’esprit de corps en situation de contact direct. La hiérarchisation ou horizontalité interne du groupe selon les expériences et réflexes intégrés de terrain dépend de la même chose. Et cela ne regarde que le groupe en lui-même. Seules les exigences de terrain commandent les priorités des initiatives et la coordination de celles-ci au sein d’un groupe. Tels : en directe première ligne en contact frontal avec l’ennemi, le combattant n’a de concentration visuelle et corporelle exclusivement en fonction de l’ennemi face à lui. En cette situation d’exposition directe, il est crucial pour lui d’avoir un appui de son groupe à l’arrière qui assure sa visibilité et est prêt à le chercher en cas de difficulté ; l’alternance de ceux qui assurent la couverture et la visibilité à l’arrière et ceux qui montent en première ligne, qui reste la priorité de terrain exclusive ; la coordination pour l’érection de barricades ; etc. Ce qui en général prend une forme de coordination générale tel que tout combattant en action, quelqu’elle puisse être, doit avoir un combattant qui assure sa couverture de visibilité derrière lui, que ce soit dans la zone de contact ou la zone de front. Lorsque le combattant à l’arrière tire celui à l’avant en retrait, celui en action doit suivre automatiquement avec une confiance affinitaire de terrain non à remettre en cause en situation. Ceci permet d’avoir les bonnes décisions et les bons réflexes de terrain à l’échelle d’un groupe affinitaire en fonction des mouvements des lignes ennemies, dans le cas le plus général où elles tentent de couper la zone de contact, les directes premières lignes de la zone de front afin de les isoler et les neutraliser. Ce qui se produit par des attaques latérales et à revers, dans des ruelles adjacentes, primordiales à sécuriser. Cette sécurisation du secteur de combat dépend de la coordination entre les différents groupes affinitaires.

30 –

Les tactiques de guérilla en situation correspondent aux objectifs de bataille et se disposent selon les mouvements des lignes ennemies. Pour que la zone de front puisse progresser et gagner du terrain, il s’agit de renforcer au maximum la zone de contact et les premières lignes. Suffisamment renforcée, les groupes d’attaques incendiaires appuyés par les jets de pierre peuvent efficacement tenir en respect les lignes ennemies. C’est le meilleur moment d’une charge et attaque frontale de notre part pour les faire reculer. Une coordination entre les phases latérales et le milieu de la ligne de front, avec les unes qui attaquent et l’autre chargée de les tenir en respect rend possible un mouvement de recul de l’ennemi et une conquête de terrain.
Les combats de la première ligne doit permettre aux combattants à l’arrière de sécuriser la zone de front et de la consolider, par des séries de barricades. La fumée du feu a pour effet de désactiver le produit actif du gaz lacrymogène. Les barricades nous donnent la capacité de pouvoir reculer de nous-mêmes et d’attaquer à nouveau sans perdre la zone de front en elle-même, et ainsi de garder la capacité de gagner du terrain. Toute possibilité de prise à revers et d’attaque en tenaille est à exploiter car strictement intenable pour l’ennemi. Les lignes de boucliers individuels et collectifs permettent d’aller en avant des barricades et d’aller au contact. Elles permettent également aux groupes de combat allant au corps à corps de pouvoir se replier et se positionner de nouveau derrière les boucliers, et empêchent toute charge ennemie.
Seule cette coordination tactique de guérilla rend possible de briser les lignes ennemies et d’atteindre les objectifs de bataille. Chaque secteur de terrain conquis doit être aussitôt sécurisé frontalement et latéralement, par barricades.

31 –

Face à une offensive des combattants, les tactiques policières sont précises. Le rôle des premières lignes antiémeute est d’encaisser et de tenir. C’est-à-dire que les premières lignes ennemies ont pour mission de ne pas reculer, chaque mètre de terrain conquis doit être définitivement sécurisé. D’où son équipement en bouclier et armure. L’ennemi a pour triple-objectif de contenir la foule révoltée, de la repousser puis de la disloquer en la scindant par petits groupes épars afin de briser l’effet de masse compact. Si notre ligne de front combattante se renforce suffisamment, les premières lignes ennemies ne peuvent que encaisser et tenir, avec l’appui de leurs arrières qui utilisent gaz lacrymogène et grenades explosives en cas de zone de contact trop intense et potentiellement intenable. Les différentes grenades et gaz servent à dégarnir autant que possible la ligne de front combattante. Si cette dernière se voit contrainte de se dégarnir et beaucoup de combattants de reculer, ceux de la zone de front doivent prendre le relaie et renforcer à nouveau la ligne de front. En cas inverse et de dislocation de la ligne de front, et seulement à ce moment là, les premières lignes policières chargeront pour la briser définitivement et investir la zone de front. L’ennemi ne charge que à ce moment là, jamais il n’attaquera une ligne compacte qui l’attaque déjà. Tant que les lignes antiémeute sont en situation défensive ils n’ont d’autre choix que d’encaisser, tenir ou reculer. Une charge policière ne dure jamais plus de cent mètres d’affilée. L’attaque-éclaire et coordonnée est une obligation pour l’ennemi afin de ne pas désorganiser sa propre ligne de contact.

32 –

Toujours être en capacité de secourir des groupes de camarades isolés et piégés par des mouvements tactiques de l’ennemi en l’attaquant. La meilleure défense est l’attaque. Réinsérer des camarades aveuglés, blessés, isolés ou piégés au sein de la zone de front voire à l’arrière.

33 –

Avoir des camarades qui ne soient pas en combat et hors des événements qui gardent le contact avec ceux en situation de terrain permet d’avoir une capacité d’autodéfense et de coordination en cas de blessure, d’hospitalisation ou d’arrestation en amont et en aval. La coordination avec les groupes Legal Team qui assurent la couverture judiciaire et les groupes de soin à l’arrière est un outil essentiel de renforcement de la stratégie de guérilla.
La coordination entre les combattants sur le terrain et les camarades en-dehors de la situation et leur échange d’information permet d’avoir une vue « aérienne » de la situation et de renforcer la force de frappe tactique. L’élément vidéo-caméra avec des images en direct live de la situation peut permettre une victoire par une communication avec ceux sur le terrain sur les mouvements tactiques de l’ennemi et en fonction de nos objectifs.

34 –

Les objectifs de bataille sont multiples : prises de bâtiments publics, prises de relais de communication (antennes radios, antennes T.V, sièges de presse), prises de lieux de pouvoir (hôtels de ville, mairies, préfectures), destruction incendiaire de lieux économiques (sièges de banques et de firmes multinationales, commerces de luxe, sièges patronaux), zones stratégiques à tenir, réappropriation de moyens de production, destruction incendiaire de casernes et commissariats, lieux de pillage, etc. Les objectifs de bataille correspondent aux enjeux stratégiques réfléchis et décidés en amont par les réseaux de combattants de la zone locale.

35 –

Nous considérons la dynamique récente du mouvement Occupy aux Etats-Unis comme la nouvelle phase logique de l’intégration des tactiques de guérillas dans le monde occidental. L’intégration des armes de notre classe tels que grève, occupation, expropriation et réappropriation en tactiques de guérilla dans la stratégie de libération du territoire contre l’occupant capitaliste constitue la force principale de cette dynamique et renforce sa force de frappe révolutionnaire. Les batailles d’Oakland dans leur succession et leur enchaînement voient se développer et se renforcer cette intégration des tactiques de guérilla pour une force de frappe offensive victorieuse et nous avons pu en voir les premiers résultats efficaces lors de la bataille du 28 janvier 2012.

36 –

Que les Zones Autonomes révolutionnaires libèrent des quartiers, des ensembles de quartiers par leur coordination, des villes et des régions entières, qui outrepassent les frontières de l’ennemi et créent notre propre cartographie révolutionnaire. La longue bataille du 11 décembre 2010 au 22 mars 2011 de Keratea, petite ville à proximité d’Athènes, est parvenue à vaincre militairement les forces répressives d’Etat et à libérer le territoire de l’occupant capitaliste au bout de 130 jours de combats de guérilla sur toute la région. Nous considérons la victoire de Keratea en Grèce comme une des victoires de la stratégie révolutionnaire de libération du territoire contre l’occupant capitaliste. De même, en Chine du Sud, les luttes de guérilla victorieuses de décembre 2011-janvier 2012 ont permis de libérer le village Haimen devenue Zone Autonome révolutionnaire et Commune Autonome. Des luttes de guérilla révolutionnaire sont également en cours dans les villages de Wukan, Pishan, Qinghai et Schuan en Chine du Sud.

37 –

Les Zones Autonomes révolutionnaires sont des Communes Autonomes. La libération du territoire contre l’occupant capitaliste est à même de libérer les rapports sociaux de manière égalitaire et libertaire, où travail et vie collective sont purgés des outils de l’ennemi de propriété, d’exploitation et de pouvoir. L’intensification des luttes de guérilla, l’expansion de leurs victoires et leur coordination solidaire constitue la force de frappe révolutionnaire globale contre l’ennemi Etat et Capital.

38 –

Les Communes Autonomes sont la concrétion politique de notre victoire contre le capitalisme vers l’expérimentation révolutionnaire du communisme libertaire comme nouveau vivre-ensemble social. En Grèce, la coordination actuelle des Assemblées de Quartier est le prélude logique à l’intégration des tactiques de guérilla pour la stratégie révolutionnaire de libération du territoire contre l’occupant capitaliste.

39 –

La mixité sociale pour la désintégration radicale du système de classes constitue la force des Communes Autonomes pour une force de frappe révolutionnaire durable.

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Emiliano Zapata à ses hommes peu avant son assassinat par les forces répressives d’Etat : « Cette terre est à vous, et vous devez la défendre. Vous la perdrez vite si vous ne la défendez pas. S’il le faut, au péril de votre vie. Vos enfants, au péril de leur vie. Ne méprisez pas vos ennemis, ils ne désarment pas. Et s’ils brûlent votre maison, rebâtissez la ; s’ils détruisent votre récolte, ressemez ; s’ils tuent vos enfants, que vos femmes en fassent ; s’ils vous chassent hors de vos vallées, allez vivre au flanc de la montagne ; mais survivez. Vous voulez toujours des chefs, sans peur et sans reproche. Il n’y en a pas. Il n’existe que des hommes comme vous. Qui changent, qui désertent, qui meurent. Il n’y a pas de chef en dehors de vous. Et un peuple fort est la seule force durable. Un homme fort affaibli un peuple, mais un peuple fort n’a pas besoin d’homme fort. »
Nous considérons peuple les différentes franches de la population qui s’assument combattants dans la guerre de classe.

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Cette brochure se veut une arme. Une arme de combat. Individuelle et collective. Son objectif est de proposer des pistes afin de penser notre action en termes de tactiques et de stratégies. Ceci dans une perspective révolutionnaire, c’est-à-dire une perspective non pas défensive et réactive, mais offensive et qui se donne les moyens de vaincre l’ennemi. Notre ennemi est l’Etat et le Capital. Et tout ce qu’ils impliquent. Notre ennemi est également le collabo faux-ami comme la centrale syndicale, la force stalinienne et tout ce qui a tendance au contrôle, à l’autoritarisme et au centralisme au sein des luttes. Notre force est notre détermination, notre arme est notre solidarité, notre protection est notre perspicacité révolutionnaire. Notre réalité est la guerre de classes. Cette brochure s’adresse aux camarades invisibles disséminés dans toute leur société, des travailleurs, chômeurs, sans-papiers, étudiants, précaires, exploités et traqués d’ici et d’ailleurs.

Tout commence. Tout est à faire.
Nous sommes la vie, et la vie ne se soumet pas.

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