Silence, ON rafle !
À Tours, comme ailleurs…

« …Et même si le voyage est immobile, même s’il se fait
sur place, imperceptible, inattendu, souterrain,
nous devons nous demander quels sont nos nomades aujourd’hui… »
G.D.
 
 
Après une longue série d’interpellations et d’occupations de l’espace public, le Mouvement des Papiers et des Logements Pour Tou.te.s a procédé à une nouvelle réquisition de logement vide. Comme par une habitude très ancienne, la ville de Tours y a répondu par la force et la répression.
 

Ces dernières années, un peu plus d’une dizaine de squats ont ainsi fleuri dans la ville, dont certains ont eu des délais de vie très court. Cette répression est devenue d’autant plus systématique et perceptible que la lutte concernant la réquisition des logements vides s’est agrégée à celle des migrants et de la précarisation de leurs conditions de (sur)vie.
 

Il est relativement inutile de préciser qu’avec tous ces moyens mis en œuvre pour expulser et murer ces joyeuses tentatives, la ville aurait pu depuis bien longtemps ouvrir de nouvelles possibilités de logement. Il est tout aussi inutile de feindre une quelconque « indignation citoyenniste » devant le fait que nombre de ces expulsions soient imputables à des institutions de gauche, la mairie et le conseil général (PS) notamment.
 

En effet à quoi pouvait-on s’attendre de mieux de la part d’un maire qui à la même époque l’année précédente, mettait sa ville en état de siège pour recevoir en grande pompe le congrès du F.N ? On peut certes crier à l’amalgame, mais force est de constater qu’en matière de politique migratoire, la gauche comme le reste du monde politique, s’embourbe toujours plus profondément dans ses contradictions populistes et nationalistes…
 

Au quotidien, cette violence se retrouve également de manière diffuse à travers divers agencements qui caractérisent nos centres-ville. Les processus de gentrification révèlent de plus en plus leurs effets, précarisation et exclusion croissante de certaines catégories de population, vidéo-surveillance et occupation quasi militaire du territoire par la police, destruction des réseaux d’entraide et de solidarité… C’est cette atomisation croissante qui permet aux pouvoirs d’effectuer les rafles qui ont lieux en ce moment même, aux abords des foyers, dans les CADA, dans les transports publics, sans que celles-ci ne prêtent immédiatement à conséquences.
 
Les réquisitions et les occupations de lieux sont pour nous des moyens de révéler et de briser les dispositifs de cette machine à expulser. La mobilité à laquelle on nous contraint est devenue une composante essentielle du rapport de force. Un élan constant qui nous projette aux travers de nombreuses situations, délogeant par la même les convictions les mieux acquises, les illusions les plus confortables, pour y substituer des formes de ruptures et d’incertitudes constantes.
 
L’expérience de ce nomadisme intempestif nous commande bien souvent de dé-ménager nos luttes et parfois même de les altérer pour en provoquer le mouvement. Toutefois jusqu’ici le pouvoir a eu tout le loisir de se défiler et de se retrancher dans ses différentes tours d’ivoire, maintenant l’échéance de son calendrier électoral va à nouveau le contraindre à ouvrir de nouvelles brèches…
 
À persister dans des choix politiquement et matériellement intenables, à mener ainsi sa chasse à l’homme et à étouffer systématiquement toutes formes de lutte par la force, le pouvoir devrait songer à se rappeler cette phrase de Bataille : « Le désespoir n’aboutit ni à la veulerie, ni au rêve, mais à la violence. »